Midi Olympique

La fin du hacking, début du vrai rugby

LES DÉBUTS DU RUGBY EN TANT QUE SPORT À PART ENTIÈRE DATENT DE 1871 QUAND LA RUGBY FOOTBALL UNION ÉCRIVIT LES PREMIÈRES RÈGLES À VOCATION UNIVERSELL­E. ELLES PROSCRIVAI­ENT LE HACKING, UNE PRATIQUE JUGÉE COMME BARBARE MAIS QUI AVAIT SES PARTISANS.

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Qu’est ce qui définit vraiment le rugby ? À quel moment s’est-il séparé de son sport cousin, le football ? Quand a-t-il vraiment trouvé son identité et son unité ? Autant de questions qui nous renvoient à la période de gestation de notre sport. Elle a duré, en gros, trente ans entre 1840 et 1871. On peut la faire cesser au moment de la fondation de la Rugby Football Union, la fédération anglaise, qui fixa les premières règles spécifique­s. On se souvient que le premier test entre l’Angleterre et l’Écosse de mars 1871 fut joué selon des règles, sinon incertaine­s, du moins discutées de gré à gré. C’était le cas pour les matchs interclubs de l’époque, précédés de longs palabres sur les gestes interdits ou autorisés.

En janvier 1871, vingt clubs anglais se réunissent pour jeter les bases d’une fédération, et en juin 1871 ; un comité directeur, puis une assemblée générale adoptent les premières lois du jeu, au nombre de 59. Elle sont le canevas du rugby que nous connaisson­s aujourd’hui.

Algerron Rutter, de Richmond, fut le président sous l’autorité de qui le rugby émergea du marécage des premiers âges. On rappelle qu’au début, le jeu ne connaissai­t quasiment pas de passes, il consistait à gagner le ballon via de grosses mêlées, en frappant le ballon avec le pied, plus ou moins loin, mais le collège de rugby avait accepté le principe de la saisie du ballon avec la main.

Quand on se replonge dans les débats de cette période, on se rend compte que la principale controvers­e concernait le hacking, ou l’art de donner des coups de pied à l’adversaire, avec la pointe de la chaussure et en dessous du genou avec tous les risques de fracture « tibia-péroné » que cela comportait. Cette pratique était admise et même encouragée par les règles du collège de Rugby. Mais beaucoup la jugeaient barbare et dangereuse. Le hacking fut d’ailleurs au coeur des bisbilles de 1863 qui aboutirent à la création de la Football Associatio­n (fédé anglaise de football). Les tenants du « football rugby » firent sécession parce que la majorité des clubs voulaient en finir avec ce geste technique si douloureux.

M. Campbell dirigeant de Blackheath déclara : « Le hacking est le véritable football, si on le supprime tout le courage et tout le coeur propre au jeu disparaîtr­ont. » Mais dès les années 1867, même les partisans du « football rugby » commencent à se poser des questions. Le club de Richmond décide de limiter la pratique aux seuls porteurs du ballon et aux joueurs en contact avec la balle dans les mêlées. Et puis, lors des fameuses sessions de 1871, Algerron Rutter et son équipe franchisse­nt le pas. Le hacking est interdit, ainsi que son corollaire, le croc en jambes. Le rugby quitte les âges farouches, il n’accepte plus les coups incisifs infligés au corps de l’adversaire. Celui qui rédige les règles, L.J. Maton avait d’ailleurs été victime d’une fracture d’une jambe peu de temps auparavant.

ET LES PASSES FONT LEUR APPARITION

La fin du hacking correspond à la marche du jeu vers la modernité et la maturité, on s’affronte désormais entre gens civilisés. Au cours de ces années décisives 1870, elle se couple avec l’autorisati­on d’une nouvelle pratique plus douce, ce que nous appelons aujourd’hui le plaquage : on peut bloquer avec ses bras un adversaire sur tout le haut du corps, à noter que les règles du collège de rugby autorisaie­nt déjà la saisie d’un bras du porteur du ballon. Dans les premières années, il est interdit de plaquer un adversaire aux jambes, mais la pratique est vite légalisée sous l’influence des écoles écossaises au nom d’un culte de la virilité.

Le rugby que nous connaisson­s aujourd’hui est vraiment en train de prendre forme. Le dernier développem­ent fut celui de la passe, très rare au début, de plus en plus fréquente au fil des ans. La disparitio­n du hacking avait rendu le jeu aéré moins dangereux et les joueurs ressentaie­nt le désir de sortir des sombres combats d’avants. On comprit que le football rugby pouvait aussi favoriser les actions rapides et vives. Il est difficile de dater avec précision l’apparition de l’idée d’une passe, forcément en arrière. Les témoignage­s ne sont pas très clairs à ce sujet. Mais les règles de 1871 la consacrent. Les équipes jouaient avec dix avants, deux demis derrière le pack et trois arrières chargés essentiell­ement de défendre. Mais on se rend compte qu’à partir des années 1875-1876, les équipes ajoutent un trois quart aux côtés des demis. Sa mission est offensive, le jeu de passes était né. On évoque comme promoteur, Harry Vassal capitaine de l’Université d’Oxford des années 1878-1880, qui se serait inspiré de la philosophi­e du jeu d’échecs.

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