Midi Olympique

Pour un rêve

- Léo FAURE leo.faure@midi-olympique.fr

C’est que, pour l’instant, on ne rêve pas encore. On y songe, à ce 28 octobre qui verrait un joueur frappé du coq poser ses mains dures et mâchées sur l’or du trophée Webb-Ellis. Un instant pour l’Histoire, où les rires se noient d’une larme de postérité. On pense à ce qui suivrait d’émotions, d’excès, pour chacun dans les tribunes ou devant sa télé. À ces rues qui se rempliraie­nt soudain de bruit et de foule, à ces embrassade­s, ces promesses de nuits folles et fauves de bringues qui n’en finiraient pas. À ce peuple bleu euphorique après un sacre mondial, et ce qu’il signifiera­it comme fin de pénitence : 37 années d’attente et de frustratio­n à voir le XV de France, à l’apogée de son romantisme, être le dernier « grand » qui ne gagne pas.

On anticipe ce qu’un titre mondial accroché à la veste bleue promettrai­t de lendemains qui chantent et brillent, pour ce rugby français qui s’érige désormais en modèle planétaire, mais sans titre. On y pense mais on ne rêve pas encore, non.

On ne rêve pas car il y a ce match. Ce quart de finale face aux Springboks qui trace ses contours dans une brume de soufre, exaltation similaire au match d’ouverture face à la Nouvelle-Zélande, la cruauté de l’enjeu sportif en plus. Aussi, la violence promise du combat. Dimanche soir, sur les coups de 23 heures et peut-être un peu plus, on saura si la France s’arrête ou poursuit. C’est binaire. On saura si cette France éprise de rugby peut enfin rêver. Ou si l’enfer promis face aux Boks l’aura consumée de ses flammes.

L’enfer, ce n’est pas exactement cela. Depuis bientôt trois ans qu’a eu lieu le tirage au sort, la France a confirmé son esprit de reconquête. Ils s’appelaient Dupont, Ollivon, Alldritt, Baille et, au bout de la flèche du temps tracée par leur sergent à lunettes, ils devaient arriver pour ce quart de finale en ayant replacé la France à sa juste place : dans les sphères d’élite du concert internatio­nal.

Ces Bleus de 2023 ont fait mieux. Ragaillard­i, ce XV de France est aujourd’hui un mâle alpha de la meute, celui qui lorgne le trône et qu’on affronte avec ce qu’il faut de craintes. La France n’a plus peur, non. Elle inspire désormais cette peur. L’enfer promis, c’est (pour) les autres. Et ces Springboks, champions du monde en titre qui croiseront bientôt le fer de nos mousquetai­res, n’ont rien pour se réjouir de ce sort.

Voilà donc le grand jour. Le grand soir. L’apothéose de quatre années enivrées d’un rugby rageur et qui, ce dimanche, trouveront leur réponse. Il n’est pas encore question de sacre, mais il est déjà question d’ivresse. Le plus grand match de l’Histoire du XV de France ? S’il n’est pas l’heure des lauriers, ce France – Afrique du Sud doit entrer dans la grande légende tricolore, par son contexte et les espoirs qu’il suscite. Il est définitive­ment de la trempe des grands soirs. Allez les Bleus.

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