Midi Olympique

C’est une chose à laquelle je pense souvent, honnête- ment. Si je trouve la bonne histoire, ce sera avec plaisir.

- Propos recueillis par Vincent BISSONNET vincent.bissonnet@midi-olympique.fr

Écrivain sud-africain le plus connu de son temps, traduit dans plus de 25 langues, Deon Meyer intègre immanquabl­ement le rugby à ses romans. Il a aussi pour habitude d’affubler ses personnage­s de patronymes bien connus dans le monde ovale. Les lecteurs ont ainsi pu faire connaissan­ce avec un dénommé Nienaber, et la fille d’un de ses personnage­s fétiches, Benny Griessel, a, elle, fréquenté un certain Etzebeth ; sa plus belle trouvaille a été d’attribuer le nom de Romain Poite à un des méchants de « Cobra », polar paru en 2013. Quelques mois plus tôt, l’arbitre français avait exclu Bismarck Du Plessis lors d’un test-match face à la Nouvelle-Zélande. Décision que l’auteur avait peu goûtée… Sans rancune.

Je suis un amoureux de ce jeu, tout simplement. J’ai joué troisième ligne aile à l’école avant de passer pilier droit à l’université et en club. J’ai ensuite entraîné au niveau universita­ire pendant quelques années. Quand j’habitais à Bloemfonte­in, j’allais voir tous les matchs des Cheetahs. C’est et cela a toujours été mon équipe préférée. Avec les Springboks, évidemment.

Qu’est-ce qui vous plaît tant dans ce sport ?

Il y a tellement de choses que l’on peut aimer. Déjà, c’est un sport pour toutes les tailles et toutes les capacités, même pour moi. L’intensité physique est prépondéra­nte mais il vous faut savoir utiliser votre cerveau pour faire déjouer l’adversaire. Et puis, et là c’est le romancier qui parle, chaque match a sa propre histoire, ses acteurs, ses an- tagonismes et son lot de drames.

Si vous pouviez être un joueur, qui aimeriez-vous être ?

Damian Willemse. C’est un gars tellement gentil et hum- ble. Et en tant que joueur, il est tout ce que je n’ai ja- mais été. Il est tellement doué avec le ballon, a une vi- sion du jeu incroyable. Il est athlétique, rapide et spectacula­ire à regarder.

Pensez-vous que le rugby contribue à faire de l’Afrique du Sud un meilleur pays ?

Assurément. Entre autres choses, le rugby nous montre que, malgré tous les obstacles et nos différence­s, nous pouvons être un grand pays. Ce sport nous apprend aus- si que si l’on veut réussir, nous avons besoin de personnes de tous horizons, de toutes ethnies et de toutes cul- tures. Et que la poursuite d’un objectif commun doit inciter tout le monde à aller dans une même direction.

Qu’est-ce qui fait des Springboks une équipe dif- férente et des Sud-Africains des joueurs si parti- culiers ?

Il y a plusieurs choses qui nous différenci­ent. Déjà, con- trairement à d’autres pays du Sud, nous commençons à jouer par tranches d’âge et non par poids, dès l’âge de 6 ans. Cela permet de valoriser la taille et la puissance des joueurs, ce qui fait partie de l’ADN de notre rugby. Notre climat, aussi, nous rend unique en tant que pays de rug- by avec nos longs hivers froids et nos terrains durs, souvent gelés. C’est ainsi que nous avons tous commencé à jouer, que nous nous sommes forgés physiqueme­nt. Les conditions humides et boueuses ne nous iront jamais. Le contexte, aussi, a une influence. Depuis que nous avons remporté la Coupe du monde en 1995, l’espoir de toute une nation a commencé à reposer sur les épaules de nos Springboks. Ça va bien au-delà du sport.

À ce point-là ? Encore de nos jours ? Deon Meyer, à droite, ici aux côtés de Vlok Cilliers, l’entraîneur du jeu au pied du XV de France.

Oui. Au-delà du simple enjeu, les Boks ont pour mission d’apporter un peu de lumière et de joie à un pays qui tra- verse des temps sombres. C’est le cas littéralem­ent, ac- tuellement, avec notre réseau électrique qui connaît beaucoup de ratés. Enfin, je pense que notre nation est composée de personnes avec une grande force mentale, un esprit de combattant. Nous avons vécu tellement de choses et traversé tant d’épreuves. Pourtant, nous arri- vons à toujours trouver l’énergie de nous battre.

Peut-on espérer vous voir un jour publier un roman avec une intrigue autour du rugby ? Nienaber, Poite, Etzebeth : dans vos romans, de nombreux personnage­s sont nommés d’après des personnage­s de rugby. Comment les choisissez-vous ? Avez-vous eu des retours ?

Je ne me focalise pas seulement sur les noms de rugby- men mais disons que je ne peux pas échapper à l’in- fluence que ce sport a sur moi. Je lis beaucoup sur le rugby et je regarde des matchs de tous niveaux, des sco- laires aux Springboks. Sinon, figurez-vous que M. Poite m’a envoyé une invitation pour prendre une bière avec lui et j’espère qu’on pourra un jour se rencontrer. Cela se passera bien, j’en suis sûr. Nous avons un point commun, lui et moi : nous aimons tous les deux ce jeu.

Y a-t-il un joueur de rugby français qui vous ins- pire plus que les autres ?

J’ai une immense admiration pour votre capitaine Antoine Dupont, évidemment. Mais mon joueur préféré est Gaël Fickou. J’adore le regarder. Il sent tellement bien le jeu. Et il a une palette technique qui me fait rêver.

Vous êtes proche de Vlok Cilliers, un de vos compatriot­es qui est l’entraîneur du jeu au pied de l’équipe de France. Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Cela s’est fait par l’intermédia­ire d’un ami commun il y a quelques années. Nous sommes devenus bons amis. Nous partageons tous les deux un amour pour le Karoo (un semi-désert situé au sud et à l’est de l’Afrique du Sud, N.D.L.R.) et pour l’équipe de France, qui est ma deuxième sélection préférée derrière les Springboks.

Êtes-vous en lien avec lui ? Est-ce qu’il vous transmet quelques informatio­ns exclusives ?

Je suis en contact régulier avec « Vlokkie ». Nous communiquo­ns souvent via WhatsApp. Il m’a encore récemment dit à quel point il était fier de faire partie de l’incroyable aventure d’une Coupe du monde avec la France. Il m’a aussi envoyé des photos des barbecues organisés avec toute l’équipe. J’avoue que ça m’a rendu très jaloux.

Que pensez-vous du charismati­que directeur du rugby sud-africain Rassie Erasmus, qui est digne d’un personnage de roman pour le coup ?

À l’époque, Rassie était déjà l’un de mes joueurs préférés et ce, toutes génération­s confondues. Je pense qu’il est l’entraîneur le plus intelligen­t au monde désormais : il est innovant, courageux et a une franchise rare. Oui, c’est un personnage unique.

Quel est votre pronostic pour ce quart de finale ?

Après la perte de Malcom Marx, je suis un peu moins confiant quant à notre capacité à prendre le dessus sur une équipe de France aussi coriace et complète. Mais je sais que les Springboks ne sont jamais aussi bons que lorsqu’ils sont dos au mur, l’histoire nous l’a prouvé. Les cotes ne seront pas en leur faveur, ça tombe bien. Allez, je miserai sur un succès 21 à 15 des Boks.

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Quelle relation entretenez-vous avec le rugby ?

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