Midi Olympique

Marée verte et magie noire

C’ÉTAIT DÉJÀ UNE AFFICHE DES QUARTS DE FINALE LORS DE LA PRÉCÉDENTE COUPE DU MONDE. LES ALL BLACKS S’ÉTAIENT IMPOSÉS SANS GRANDE DIFFICULTÉ. DEPUIS, L’IRLANDE EST DEVENUE LA MEILLEURE NATION MONDIALE ET VEUT ENFIN SE HISSER DANS LE DERNIER CARRÉ.

- Par Nicolas AUGOT nicolas.augot@midi-olympique.fr

C’est un vent irlandais qui souffle sur la France depuis le début de la Coupe du monde.Tout un peuple rêve du grand soir, chante à tue-tête et boit jusqu’à assécher les buvettes à Saint-Denis comme à Dublin. C’est une démonstrat­ion de force, une véritable marée verte dans les rues de la capitale française depuis le rendez-vous avec les Sud-Africains au Stade de France et prolongé face à l’Écosse. « Zombie », le tube mythique des Cranberrie­s donne la tonalité de la compétitio­n, fait chavirer les coeurs et inonde les réseaux sociaux. Une démonstrat­ion de force qui va de pair avec celle des hommes d’Andy Farrell sur les pelouses de l’Hexagone depuis le 9 septembre dernier. La première nation mondiale a assumé son statut, développan­t ce rugby « PlayStatio­n » qui force l’admiration, souligne le collectif et l’importance du tableau noir pour trouver des espaces sans miser inexorable­ment sur la collision frontale, la domination physique et le un contre un pour franchir. Jonathan Sexton joue toujours à cache-cache, dans son fauteuil moelleux derrière cet enchaîneme­nt de redoublées qui rendent fous les troisième ligne adverses. Et quand ils pensent avoir compris, pensant enfin sauter sur leur proie, Jonny Sexton décide de leur envoyer en cadeau surprise Bundee Aki plein fer, le joueur irlandais qui gagne le plus de terrain ballon en mains, ce Néo-Zélandais passé à l’ennemi après avoir remporté le Super Rugby avec les Chiefs de Waikato aux côtés de Sam Cane et Brodie Retallick. C’est aussi le cas de James Lowe, ce super ailier aux crochets redoutable­s et à la longueur de pied titanesque, qui a côtoyé Rieko Ioane, Damian McKenzie et Codie Taylor avec les Chiefs et connu quatre sélections avec les Maoris All Blacks avant de quitter le pays au long nuage blanc pour l’île d’Emeraude. Enfin, Jamison Gibson-Park, lui aussi sélectionn­é avec les Maoris All Blacks à sept reprises, a remporté le Super Rugby aux côtés de Dane Coles, Ardie Savea, et Beauden Barrett.

L’IRLANDE VEUT METTRE FIN À LA MALÉDICTIO­N

L’Irlande, avec son contingent de « naturalisé­s » a donc rendez-vous avec l’histoire, ce samedi au Stade de France. C’est une certitude pour cette équipe qui n’est jamais parvenue à franchir les quarts de finale, véritable plafond de verre de cette sélection. Ian Foster, le sélectionn­eur de la Nouvelle-Zélande, l’a d’ailleurs rappelé à sa manière, tout en second degré, plein de nondits et de sourires en coin cherchant à lézarder la confiance irlandaise avec ce fait historique : « C’est leur moment. S’ils veulent un jour gagner une Coupe du monde, c’est maintenant. » Il faut bien trouver un stratagème pour déstabilis­er cette Irlande, qui vient d’enchaîner dix-sept victoires de rang, et qui pourrait égaler ce samedi le record mondial détenu par l’Angleterre et la Nouvelle-Zélande. Vous l’aurez compris, l’Irlande, annoncée favorite de ce quart de finale, pourrait mettre fin à sa malédictio­n en Coupe du monde et entrer dans le Guinness pendant qu’elle coulera plus que de raison dans les pubs de tout un pays. « Plus votre série de victoires grandit, plus cela devient lourd sur vos épaules.Vous devenez une cible. Vous pouvez croire au passé et penser que si ça a fonctionné hier, cela fonctionne­ra demain. C’est un piège. » Ian Foster ne manque pas d’arguments pour remplir de pression toutes les pintes d’Irlande. Il faut bien comprendre que l’équipe d’Andy Farrell est devenue la bête noire des Blacks depuis le quart de finale de la Coupe du monde 2019 au Japon où les NéoZélanda­is avaient survolé les débats (46-14). Les Irlandais ont depuis trouvé la clé puisqu’ils ont gagné trois de leurs quatre confrontat­ions depuis le dernier Mondial, remportant pour la première fois une série en terres maories en juillet 2022.

Cette humiliatio­n a finalement été un mal pour un bien pour les Blacks. Ian Foster, en manque de succès et à court de solution pour éviter de perdre son poste, a été contraint de se séparer de ses adjoints. Les arrivées dans le staff de Joe Schmidt pour structurer le jeu offensif et celle de l’entraîneur des avants Jason Ryan, quasiment au lendemain de ces deux défaites historique­s face à l’Irlande, ont transformé les Blacks qui ne sont plus les zombies d’alors.

LES BLACKS NE SONT PLUS DES ZOMBIES

Avec le recul, les défaites face à l’Irlande ont été une chance. Alors, même si le grand public, mais aussi les bookmakers néo-zélandais (ce n’est que la cinquième fois depuis 1996 que les Blacks ne sont pas donnés favoris) ne veulent retenir que la rouste reçue à Twickenham lors du dernier match de préparatio­n avant la défaite initiale face à la France, cette équipe venait d’enchaîner dix matchs sans défaite (neuf victoires et un match nul), remportant notamment le dernier Rugby Championsh­ip. Une série banale pour les triples champions du monde mais déjà impression­nante à l’échelle des Bleus qui ont fêté en grande pompe un record de treize victoires en février dernier. Face à la France, les All Blacks étaient privés de leur capitaine Sam Cane (voyez le mélodrame dans le camp tricolore depuis la blessure de leur capitaine), mais aussi de leur dynamiteur au centre de l’attaque avec Jordie Barrett, de l’explosif Shannon Frizell dans le rôle du méchant chez avants, mais aussi du pilier Tyrel Lomax, celui qui cale l’axe droit. Depuis, ils sont tous revenus, et même Lomax, touché face à l’Uruguay, devrait pouvoir tenir sa place, au terme d’une phase de poules qui aura finalement permis aux All Blacks de soigner tous les petits bobos et de se mettre en ordre de marche pour arriver au Stade de France avec l’idée d’une montée en puissance parfaiteme­nt maîtrisée. La Coupe du monde des hommes de Jason Ryan, assuré de figurer dans le prochain staff technique de Scott Robertson, commence réellement ce samedi : « Quand on se dirige vers une finale, ce qui est notre cas, c’est important de pouvoir avoir le luxe de choisir dans un groupe où tout le monde est disponible, et c’est ce que l’on veut. Il y aura toujours des pépins, mais c’est positif que « Lowy » (Tyrel Lomax) ait pu s’entraîner. Il devra maintenant répondre présent lors de l’entraîneme­nt à haute intensité de fin de semaine. » Depuis le 8 septembre et leur défaite face à la France, les All Blacks ont pu se refaire une santé et soigner leur indiscipli­ne (même s’ils commettent encore des fautes évitables sur leurs rucks offensifs), conscients d’avoir pu réviser sans perdre trop d’énergie dans des batailles gagnées d’avance. Cela n’a pas été le cas des Irlandais, qui ont dû faire face à un enchaîneme­nt plus costaud avec Tonga, Afrique du Sud et Écosse. Les organismes ont été bien plus sollicités et les phases de récupérati­ons sont devenues essentiell­es alors que les Blacks se permettaie­nt quelques échauffour­ées pour faire bouillir la cocotte aux entraîneme­nts. Andy Farrell a perdu, le week-end dernier, le deuxième ligne indéboulon­nable du Leinster James Ryan, et il a dû préserver ses deux ailiers en début de semaine.

Les All Blacks veulent y voir quelques signes d’un essoufflem­ent au meilleur des moments, rappelant d’autant plus qu’ils ont été les derniers à battre ces Irlandais. Ils veulent maintenant être les premiers.

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Photo Icon Sport Si Aaron Smith et les Néo-Zélandais ont longtemps été la bête noire des Irlandais, ce n’est plus le cas depuis plusieurs saisons maintenant. Ce sont bien les coéquipier­s de Tadhg Beirne qui seront favoris samedi au Stade de France…
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Photo Icon Sport Joe Schmidt a transformé le jeu offensif néo-zélandais depuis son arrivée dans le staff de Ian Foster au mois d’août 2022.

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