Joe Schmidt, l’infiltré
APRÈS NEUF ANS PASSÉS EN IRLANDE, DONT SIX À LA TÊTE DE LA SÉLECTION NATIONALE, JOE SCHMIDT AVAIT QUITTÉ SES FONCTIONS À L’ISSUE DE LA COUPE DU MONDE 2019. IL EST AUJOURD’HUI DANS L’AUTRE CAMP.
Depuis son retour au chevet des All Blacks, dans un rôle d’entraîneur de l’attaque, Joe Schmidt se veut discret. L’ancien sélectionneur de l’Irlande oeuvre dans l’ombre, loin des micros. Seul le public présent au stade Chaban-Delmas a pu entendre sa voix pendant cette Coupe du monde. C’était lors d’un entraînement ouvert au public effectué par les All Blacks, lors de leur stage effectué à Bordeaux après leurs deux premiers matchs. L’ancien entraîneur de Clermont avait alors pris le micro pour remercier en quelques phrases et en français dans le texte les 10 000 personnes présentes ce jour-là. L’occasion était belle pour tenter de décrocher un tête à tête mais le service de presse des All Blacks coupait court : « Joe ne souhaite pas parler pendant la compétition. » Après six ans passés à la tête de l’Irlande, Joe Schmidt se tient loin des micros et des projecteurs, surtout après un retour en Nouvelle-Zélande qui avait offert un véritable feuilleton de plusieurs mois, assurant même l’intérim de Ian Foster, positif au Covid, au début de l’été 2022 avant d’être nommé au mois d’août, tel le messie, dans le staff après l’éviction des adjoints John Plumtree et Scott McLeod, alors que la tête de Foster était réclamée par la vindicte populaire.
Si Joe Schmidt se veut discret, son nom est sur toutes les lèvres depuis que se profile ce quart de finale face à l’Irlande, lui qui est considéré comme l’homme du renouveau de la sélection irlandaise avec trois victoires dans le Tournoi des 6 Nations (2014, 2015, 2018) dont un grand chelem lors du dernier sacre, grâce à la mise en place d’un système de jeu huilé à la perfection avant de terminer son mandat sur une défaite en quart de finale de la Coupe du monde 2019… face à la NouvelleZélande.
LE DERNIER À AVOIR BATTU L’IRLANDE
Actuel entraîneur de la défense de l’Irlande, Simon Easterby, était alors en charge des avants à l’époque de Joe Schmidt. Il est bien conscient que son ancien patron ne fait pas de la figuration dans le staff des All Blacks : « Je suis sûr que l’influence de Joe a grandi au cours des douze derniers mois, mais nous devons être motivés à l’idée de jouer contre l’équipe référence de la Coupe du monde. La Nouvelle-Zélande a toujours répondu présente en Coupe du monde et nous avons vu comment elle a géré l’adversité après son match de préparation contre l’Afrique du Sud. Le premier match contre la France aurait pu basculer d’un côté ou de l’autre. Ils ont bien progressé au cours des deux dernières semaines en termes de performances et de façon de jouer. Joe en saura beaucoup sur nous et sur les individualités de notre groupe. Mais nous avons aussi une idée de ce qu’ils pourraient essayer de faire. C’est finement équilibré et c’est un aspect intéressant du match lui-même. » Le premier à reconnaître l’influence grandissante de Joe Schmidt dans le staff des All Balcks a été Ian Foster, puisque le sélectionneur néo-zélandais a lui aussi été questionné sur l’avantage d’avoir l’ancien boss de l’Irlande à ses côtés pour ce quart de finale : « Il connaît bien les Irlandais, c’est évident, mais nous exploitons ses connaissances depuis douze mois, et ça nous a permis d’affiner notre jeu. » Du côté irlandais, c’est l’ailier expérimenté Keith Earls qui a été envoyé au feu, avec la mission de rassurer tout un pays : « Je ne pense pas que Joe connaisse quoi que ce soit à propos de cette équipe. Elle est aujourd’hui complètement différente. Il connaît probablement des choses sur quelques joueurs mais, encore une fois, nous avons tous changé nos habitudes depuis la prise de fonction d’Andy Farrell et nous n’utilisons plus aucun système mis en place par Joe. Il connaît bien certains joueurs, mais nous ne sommes certainement plus la même équipe qui a joué sous Joe. » Ils sont encore quinze joueurs dans le squad irlandais à avoir participé à la dernière Coupe du monde avec Joe Schmidt comme sélectionneur. Et si Keith Earls veut convaincre tout le monde que l’Irlande a définitivement tourné la page, il convient tout de même de rappeler que Joe Schmidt est le dernier sélectionneur à avoir battu l’Irlande. Appelé à la dernière minute à la tête des Blacks pour remplacer Ian Foster et ses adjoints de l’époque, tous placés en quarantaine pendant sept jours après un test positif au Covid, il avait permis à la Nouvelle-Zélande de l’emporter sur le score sans appel de 42 à 19.