« Le rugby est un sport qui nous parle »
PATRICK POUYANNÉ - Président-directeur général du groupe TotalEnergies
À60 ans, avec son physique de deuxième ligne, son pas déterminé et sa voix qui porte, le charismati- que Président de TotalEnergies ne laisse pas indifférent. Patrick Pouyanné l’affirme haut et fort, le rugby fait son bonheur et celui d’un groupe clai- rement engagé dans cette Coupe du monde. Juste avant la terrible confrontation de ce dimanche soir, face à l’Afrique du Sud, il a accepté de nous parler de sa passion, de son engagement, de son soutien aux Bleus et imagine la suite, en ouvrant de belles perspectives pour le rugby français.
Évoquons tout de suite le sujet qui compte, l’actualité sportive immédiate : le quart de finale France-Afrique du Sud…
C’est LE grand match, l’affrontement total. J’ai toujours pensé que cette affiche serait la finale ! Pour moi, les Sud-Africains étaient supérieurs aux Irlandais et ils l’auraient emporté s’ils avaient eu un buteur en phase de poule ; je ne sais pas pourquoi, mais je crains moins les Irlandais, peut-être parce que j’ai l’im- pression de mieux les connaître… Passons, ce sera les Springboks en quarts. Si nous parvenons à les battre, nous serons ensuite difficiles à arrêter et, je vous le dis, nous irons en finale ! De toute manière, qu’importe l’ordre : pour être champion du monde, il faut battre tout le monde. Alors, faisons-le !
Nous, Français sommes un peuple de « ronchons ». Nous vi- vons dans le plus beau pays du monde et pourtant nous pas- sons notre temps à le dénigrer… Nous avons effectivement besoin d’une belle cause collective, comme seul le sport sait en offrir pour s’unir. Alors oui, ce quart de finale est décisif et, je le répète, il faut le passer car les retombées n’en se- ront que multipliées.
Mais, tout de même : ce Mondial s’apparente déjà à un beau succès, jusque dans des zones a priori pas très rugby comme Saint-Etienne et Nantes où la ferveur a été formidable. Et, puis, le rugby français rayonne sur l’ensemble du territoire et l’on doit déjà apprécier les performances de clubs comme Vannes ou Nevers, qui sont de belles locomotives.
Il faut bien l’avouer, Antoine Dupont a une image de super héros et tout le monde connaît le joueur. Le chef est de re- tour ! Sa présence va galvaniser l’équipe, j’en suis convain- cu.
Je trouve d’ailleurs qu’après l’abattement lié à sa blessure (survenue face à la Namibie), la communication autour de son possible retour a été excellente de la part du staff, qui a su maintenir l’espoir. C’est essentiel pour le Mondial et pour l’équipe de France.
TotalEnergies est un partenaire très présent et très actif sur le terrain durant ce Mondial. Quelles sont les raisons de votre engagement ?
Le rugby est un sport qui nous va bien. Il correspond pleinement à nos valeurs et à l’idée même que nous nous faisons du sport.
Je vous donne un exemple : au football l’issue d’un match est parfois incertaine, alors qu’au rugby l’effort est toujours ré- compensé ; il y a une certaine logique. C’est un sport spec- taculaire, sain, avec des racines, de l’accent… C’est un sport qui nous parle.
Vous l’avez vous-même pratiqué, non ?
Vous savez quand vous arrivez au collège à Saint-Jean-de- Luz, il n’y a qu’un seul sport possible : le rugby ! (rires) Plus sérieusement, j’étais grand et fin à l’époque, passionné par le tennis mais également fan du Biarritz olympique à travers les années, depuis Serge Blanco jusqu’à Serge Betsen quel- ques saisons plus tard… La passion s’est transmise au ni- veau familial et mes deux grands fils jouent encore en cor- po, c’est vous dire si le rugby fait partie de ma vie.
Vous dites : « Ce sport nous va bien, il nous parle ». Mais il vous engage également, comme en témoigne votre proximité avec la Section paloise.
Bien sûr. TotalEnergies est un groupe Mondial, et Pau de- meure notre coeur historique avec 3 000 salariés qui collabo- rent au sein de notre centre technique. Pour autant, cet ancrage régional n’est pas une fin en soi. Quand j’ai pris mes fonc- tions de Président, j’ai fait savoir à la Section, qui était alors en deuxième division, que notre engagement devait s’accom- pagner d’une montée et d’un positionnement fort en Top 14 ! Il faut être ambitieux.
Quel regard portez-vous sur son parcours, qui n’a pas toujours été brillant depuis le retour en Top 14 ?
La Section a bien débuté cette saison et je m’en félicite sin- cèrement. Je trouve surtout que son projet actuel, construit au- tour de ses jeunes joueurs de talents comme Emilien Gailleton, est davantage conforme à son épanouissement.
Revenons-en à la Coupe du monde, pour laquelle vous avez offert 13 000 billets à vos collaborateurs : les enjeux étaient-ils aussi forts en interne qu’auprès de vos clients ?
Être partenaire d’un tel événement, ce n’est pas exclusive- ment une affaire de marque. Nous sommes bien à notre place, sur le terrain, engagé auprès de l’ensemble de nos collabora- teurs qui travaillent et vivent pleinement l’événement. J’ai effectivement demandé que nous puissions acheter des pla- ces dans toutes les tribunes et dans tous les stades, pour les offrir à nos collaborateurs et à nos clients. Au total, 13 000 billets ont été distribués et contribuent à l’ambiance et au magnifique succès populaire de ce Mondial. Tout le monde a adhéré, la demande a été forte.
TotalEnergies a notamment mené de nombreuses actions, dont Tournoi national des quartiers (ouvert aux jeunes de 9 à 13 ans) qui fut un succès. Pourquoi cet engagement ?
On a pour habitude d’affirmer que le rugby c’est l’école de la vie. Pour moi, c’est un sport sain qui véhicule un engagement fort, capable de rassembler la jeunesse au coeur de la socié- té. Ce Tournoi National des Quartiers colle à notre vision et à notre engagement envers les jeunes. Nous souhaitons donc con- tinuer, imaginer la suite et mener quelques actions fortes avec la FFR.
Vous allez donc rencontrer le Président de la FFR, Florian Grill, au sortir du Mondial pour nouer un partenariat ?
Nous nous sommes déjà vus et nous avons convenu de nous voir pour agir ensemble. Il y a de belles choses à faire ensemble. TotalEnergies est très présent et très actif en France, nous comptons plus de 30 000 collaborateurs et sommes fortement implantés dans les territoires, les Français jugent notre action positive, et la pratique du rugby amateur, de l’éducation auprès des jeunes ne nous laissent pas insensibles. Il existe des sujets de concordances, des actions à mener. D’un point de vue personnel, j’adore tous les sports français très populaires, tels que le rugby ou le vélo… Quand je vois le succès et la passion que déclenche le Tour de France avec ces milliers de Français présents sur le bord des routes et qui portent le maillot TotalEnergies, ou même la ferveur qui accompagne la Coupe du monde de rugby avec ces milliers de tuniques bleues au soutien du XV de France, je me dis que nous ne pouvons pas rester inactifs.
Quels pourraient être les prochains axes forts de votre engagement auprès de la FFR ?
Si nous gagnons contre l’Afrique du Sud - et nous allons la gagner, j’y crois - tous les jeunes vont vouloir imiter Antoine Dupont et ses coéquipiers. Et si par bonheur nous allons jusqu’au titre, ça va être un incroyable « boom » de nouveaux licenciés ! Il faut donc structurer les choses, contribuer à éduquer les jeunes aux valeurs de ce sport notamment ceux issus de quartiers où la vie n’est pas simple ; ces jeunes qui parfois s’éparpillent, se cherchent… Nous avons également besoin d’une action forte envers la ruralité, notamment lorsque certains territoires se désertifient, et où les jeunes peinent à trouver un avenir cohérent. Le rugby doit être prêt pour l’après-Mondial et nous allons voir comment l’aider et répondre présent.
N’oubliez pas les féminines, dont les effectifs ne cessent de grandir et qui peinent à trouver des moyens pour se développer.
C’est une bonne remarque. On va déjà s’occuper des féminines de la Section paloise.
Nous avons cru comprendre que le rugby à VII ne vous laisse pas insensible, vrai ? Là encore, seriezvous prêt à vous investir ?
On verra. Mais, effectivement, c’est une discipline qui m’attire ! J’ai eu l’occasion d’aller à Hong Kong, pour le fameux tournoi international et c’est très spectaculaire, avec une superbe ambiance dans les stades. C’est un sport différent, basé sur l’évitement, la vitesse ; c’est un jeu idéal pour apprendre le rugby et initier nos jeunes mais également pour démocratiser ce sport dans le monde entier. L’approche est différente du quinze, et c’est plus abordable. Et cela doit permettre au rugby de se développer dans le plus grand nombre de pays possible. Côté français, il nous reste maintenant à trouver nos « artistes » qui nous feront gagner les Jeux Olympiques de Paris. Mais, d’abord, occupons-nous de l’Afrique du Sud !