Midi Olympique

« À l’internatio­nal, la France ne pèse plus »

FLORIAN GRILL - Président de la FFR

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PROFITANT DE LA COUPE DU MONDE, IL ÉCUME LES RÉUNIONS POUR TENTER DE REDONNER AU RUGBY TRICOLORE SON INFLUENCE SUR L’ÉCHIQUIER MONDIAL. IL ÉVOQUE ÉGALEMENT LES POSITIONS DE LA FRANCE SUR LES DOSSIERS CHAUDS DU MOMENT ET, BIEN SÛR, LE QUART DE FINALE QUI SE PROFILE POUR LE XV DE FRANCE.

Le président de la FFR que vous êtes doit vivre cette Coupe du monde comme un enchanteme­nt…

C’est exactement le mot qui convient. Les valeurs de notre sport n’ont jamais été aussi bien mises en avant. Ce qu’il m’importe de dire, c’est que ce qu’on voit dans les stades de la Coupe du monde existe aussi au niveau local. Ces ambiances, ces mo- ments de conviviali­té, le public peut aussi les retrouver dans nos 1 950 clubs, au quotidien.

Si vous ne deviez retenir qu’une seule chose de cette phase de poules, quelle serait-elle ?

Les enfants au milieu du terrain, avec leurs papas, à la fin des matchs. C’est contraire aux règles de World Rugby, qui a finale- ment accordé une tolérance et je trouve cela très bien. Ces en- fants qui courent au milieu des joueurs, c’est la bonne image que doit envoyer notre sport. Je pense aussi à ces joueurs qui ne quittent pas les stades après les matchs, au public qui reste aussi en tribunes, à ces Marseillai­ses chantées dans tous les stades, à la victoire des Portugais en clôture. J’ai mille images qui me font briller mes yeux. Je pense aux Roumains, en visite dans un hôpital et qui, plutôt que de signer des autographe­s aux enfants, ont demandé des dédicaces aux enfants avec ces mots : « les stars, c’est vous ! ». Voilà. Ces images disent tout du rug- by, de comment ce sport aide à construire de belles personnes. Je suis aussi impression­né par la résilience de nos Bleus. Les Marchand, Dupont, Jelonch… Leur combativit­é pour revenir en forme et en jeu montre leur attachemen­t à ce groupe et son es- prit. Sur la manière de persévérer et de se battre pour un groupe, cela passe des messages positifs dans le public.

Que changerait une éliminatio­n des Bleus ce dimanche, pour les lendemains de votre fédération ?

La France s’est prise de passion depuis un mois pour nos Bleus. Ils sont très suivis depuis longtemps mais ces dernières semai- nes, on a senti une montée en puissance. Désormais, c’est toute la France qui pousse derrière eux. En ce sens, cette Coupe du monde est déjà une réussite. Mais je veux aussi leur enlever de cette pression : ils jouent pour eux. Ils s’entraînent depuis quatre ans pour vivre ce moment et il leur appartient. Qu’ils le jouent pour eux, pas pour sauver la patrie ou la fédération. Les joueurs et le staff méritent de vivre ce moment pleinement.

Cela ne répond pas à la question des impacts d’une éventuelle défaite, sur les finances ou le gain de licen- ciés espérés. Les avez-vous quantifiés ?

Nous ne l’avons pas quantifié de façon aussi formelle. Il y a au- ra un petit impact financier, mais ce n’est pas un enjeu central. Sur les licenciés, nous connaisson­s déjà une hausse de 10 %. Est- ce qu’une défaite dimanche altérerait cette dynamique ? Je ne crois pas. Les bons messages sont déjà passés sur le rôle édu- catif et sociétal du rugby. Je rappelle qu’en France, notre sport est le 2e en termes de médiatisat­ion mais seulement le 10e du point de vue du nombre de licenciés. C’est notre paradoxe et cette équation que doit résoudre notre fédération.

Et sur le plan de l’enthousias­me, de façon moins prag- matique, craignez-vous une éliminatio­n précoce ?

Ça serait évidemment très triste mais cela ne changerait rien au rugby. Cela resterait dans la logique de la vie d’un sport, avec un vainqueur et un vaincu. Ce qui a été construit perdurera.

Quelle relation entretenez-vous avec le sélectionn­eur ?

J’ai une profonde admiration pour le travail accompli avec cette équipe. J’ai appris à découvrir à Fabien depuis quelques semai- nes et je suis impression­né par son approche scientifiq­ue, sa maîtrise des datas dans tous les aspects, sa volonté de tout sui- vre et tout maîtriser. Humainemen­t, il a réussi à créer un groupe qui fait bloc. C’est très fort et je crois qu’on n’a jamais vu ça pour un XV de France en Coupe du monde.

Effectivem­ent, la France était plus réputée pour ses Coupes du monde chaotiques…

On a tous en tête des Coupes du monde où chacun tirait dans son sens et cette fois, il n’y a pas eu de mauvaise compétitio­n en interne. J’y vois la patte d’un grand manager. Il doit gérer de très fortes individual­ités et il réussit la prouesse de créer un contexte où le groupe surpasse ces individual­ités. C’est très fort.

La semaine dernière a été riche en réunions du côté de World Rugby : y avez-vous assisté ?

Disons qu’il y a un mélange de réunions officielle­s et de plein d’autres réunions, plus officieuse­s…

C’est une habitude du monde du rugby…

Voilà. C’est beaucoup de « small talks » comme disent les anglosaxon­s, des discussion­s parallèles. Pour les neuf réunions officielle­s, Jean-Marc Lhermet, Brigitte Jugla et Abdelatif Benazzi représenta­ient la France. Ensuite, pour les autres échanges plus informels, nous sommes un petit bureau très actif.

Quel message voulez-vous porter ?

Expliquer la singularit­é du modèle français mais surtout sa réussite, avec un mélange de rugby de clubs profession­nels, représenté­s par la LNR et le rugby fédéral, qui va des équipes de France au monde amateur. Ce modèle ne doit pas faire peur et d’autres devraient même s’en inspirer : c’est le message que nous souhaitons faire passer. Nous le faisons d’une seule voix : FFR et LNR ensemble.

Quelles sont vos relations actuelles avec la Ligue ?

Très bonnes, justement. J’y mettais deux préalables : d’abord, que la LNR n’augmente pas son salary cap.

Pourquoi ?

Sinon, il étouffera les fédération­s étrangères en même temps qu’il étouffera le rugby dans nos villes moyennes, nos bastions. Si on augmente, on écrase tout le monde et on brise l’équilibre mondial du rugby. Soyons honnêtes : nous sommes déjà en situation très dominante, presque de non-concurrenc­e. Les autres fédération­s regardent cela d’un oeil très inquiet. Les gens de la LNR à qui je parle comprennen­t bien cette situation et cette défiance à leur égard. Il ne faut pas que notre rugby français vive au-dessus de ses moyens, et surtout pas qu’il asphyxie la concurrenc­e. Ce serait néfaste pour tout le monde.

Quel était l’autre préalable à votre position commune avec la LNR ?

Que le modèle des Jiffs soit maintenu à tout prix. C’est déterminan­t. Le succès actuel du rugby français réside ici. Ce fut une décision remarquabl­e pour notre rugby. Il ne faut pas y toucher.

L’ouverture des Coupes du monde à 24 nations est sur la table : quelle est la position de la France ?

La France dit « pourquoi pas » mais à plusieurs conditions : la première, c’est l’accompagne­ment des nations émergentes.

Et l’autre ?

Elle touche à la santé des pratiquant­s. Pour l’instant, les débats tournent uniquement autour des jours de repos des joueurs. Pour moi, ce n’est pas l’alpha et l’omega. Je veux trois choses préalables à la validation par la France de ce projet de Coupe du monde à 24 : l’abaissemen­t de la hauteur réglementa­ire de la ligne de plaquage ; l’applicatio­n stricte des règles de protection des joueurs par les arbitres - ce n’est aujourd’hui pas toujours le cas ; l’applicatio­n stricte des sanctions par les commission­s - là encore, ce n’est pas toujours le cas. Ces sujets doivent être sur la table autant que les jours de repos et je regrette que la voix de la France ne soit pas assez entendue à l’internatio­nal. L’évolution du rugby, ce n’est pas que du business.

Revenons aux nations émergentes : l’édition en cours de la Coupe du monde a exposé aux yeux du monde un plateau très hétérogène…

J’ai trop de respect pour ces « petites » nations pour prendre ça à la légère. Elles ont tout simplement besoin qu’on les aide.

En leur ouvrant l’accès au Tournoi des 6 Nations ?

Je suis contre l’ouverture du Tournoi.

Vraiment ?

Le 6 nations, c’est un mythe auquel on ne touche qu’avec des gants blancs et une grande précaution. J’entends aussi qu’on pense à intégrer l’Afrique du Sud ? Ce serait un non-sens géographiq­ue, écologique, économique. Le Tournoi, il ne faut pas y toucher.

Les petites nations réclament pourtant plus de matchs contre les nations majeures…

Il y a d’autres manières d’y parvenir. Par exemple, il faudra des systèmes de montées et descentes dans la future Ligue des nations. Mais ne touchons pas au Tournoi des 6 Nations. Et ces nations n’ont pas seulement besoin d’une aide sportive…

Quoi d’autre ?

Les pays phare, dont la France fait partie, doivent assumer leur

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Vous serez ce vendredi au centre d’une réception organisée à l’Elysée pour les dirigeants du rugby mondial. Quel discours y tiendrez-vous ?
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