QUELQUES DÉCORS DES SCÈNES DU TOURNAGE...
ÇA TOURNE !
Me 109 de 2,2 m. Je ne volerai donc pas… L’équipe utilise le YakSpit réel (voir photo p. 24) : le tableau de bord et le siège du cockpit avant sont démontés et un cameraman va prendre place à l’avant. Le YakSpit est positionné moteur en route, immobile au sol (le nez pointé vers le ciel puisque c’est un avion à train classique). La scène filmée est une attaque frontale, avec un Me 109 fonçant sur le YakSpit. On aura ainsi l’impression d’un combat aérien, sauf que c’est filmé au sol ! Le pilote américain doit se positionner à quelques mètres derrière l’avion réel, dans la poussière soulevée par l’hélice..., pour placer correctement son Me 109.
Mardi matin, nous allons sur la plage avec trois Stuka. La marée est basse, nous pourrons décoller sur le sable dur… sauf que les heures passent, l’équipe de tournage filme d’autres scènes et nous attendons l’ordre de décoller. On nous dit que la scène est retardée dans l’après-midi, mais la marée sera haute… Heureuse-ment, trois grands tapis de 30 m de long et 5 m de large (500 euros pièce !) ont été achetés pour nous permettre de décoller du sable mou. Nous prévenons la prod’ que les avions seront probablement cassés à l’atterrissage car ils risquent de passer brutalement sur le nez. Pas de problème pour la production, c’est pour ça qu’ils ont acheté quinze Stuka !
Nous décollons sans problème. Il faut ensuite marcher 80 m dans le sable mou, monter dans un petit véhicule et rouler environ 300 m. Puis, on descend et on marche encore 350 m pour aller au bout de la jetée, qui est bois avec des planches qui forment des petites marches… Nous faisons tout cela devant les 500 figurants présents qui se poussent pour nous laisser passer, et en pilotant nos avions. Je vous rappelle que les trois Stuka ont des décorations strictement identiques, il faut bien repérer où est son modèle… Nous arrivons à bon port et là, c’est magique, mais le stress est présent : nous sommes avec Christopher Nolan et tout son staff. La caméra est pointée entre deux cheminées du bateau-hôpital. Nous devons « attaquer » avec les trois Stuka, qui devront être vus entre les cheminées. Les avions doivent être, à intervalles réguliers, l’un derrière l’autre. Quelques passes d’entraînement, ça semble correct. « Rolling, rolling, rolling », ça tourne ! Les Stuka rétablissent à 15 mètres au-dessus du bateau, et les soldats plongent sur le ponton pour « éviter les balles ». La figure est répétée plusieurs fois et c’est ok, nous pouvons revenir atterrir : trajet inverse et retour à la plage…
Le premier pilote américain tente de se poser sur le tapis mais le sol n’est pas plat au toucher. Le Stuka passe immédiatement sur le nez : fuselage cassé en deux. La marée a commencé à descendre, je décide donc de tenter un atterrissage sur la bande de sable disponible (environ 3 mètres de large, avec un vent de travers qui est heureusement faible). Le modèle passe sur le nez en fin de roulage mais il est intact et le second pilote américain se pose également dans la même zone que moi. La pression retombe, les trois prises de vue de la scène sont réussies en un seul vol ! Environ 35 minutes de vol…
En fin de journée, nous partons sur la plage principale où nous devons tourner une autre scène : trois Stuka doivent piquer vers le sol pour mitrailler quelques soldats qui se jettent au sol. Nous atten--
dons les cascadeurs qui doivent faire la scène mais le temps passe et nous ne décollons qu’à 19 h 35. Le ciel est couvert et la luminosité est faible (nous sommes à la mimai). Nous décollons depuis un parking (fermé au public) et rejoignons l’équipe de tournage, perchés sur un petit quad (environ 350 mètres à faire dans le sable), tout en pilotant l’avion…
Nous tournons la scène mais le plan de caméra est serré et il faut que les avions piquent à intervalles réguliers, les uns après les autres, à un endroit bien précis. De nombreux essais sont faits mais nous ne parvenons pas à avoir exactement la position voulue par le cameraman. Nous devons nous poser sur la plage, qui est à marée basse, pour refaire le plein et faire un deuxième vol. Nous redécollons depuis la plage à 20 h 15. La scène est recommencée avec succès et
nous nous posons à 20 h 30 alors qu’il fait presque nuit…
UNE PETITE DERNIÈRE
L’équipe a besoin de moi jeudi, pour un nouveau vol avec trois Stuka. Le matin, un vol avec un Me 109 est réalisé par l’Américain, il va simuler un mitraillage du bateau-hôpital. Vers midi, la prod’ demande un Spitfire et un Stuka équipé d’un fumigène blanc (injection d’huile dans l’échappement) et un fumigène noir (pyrotechnique) pour simuler une attaque. Ce n’est pas encore confirmé mais, lors de la scène, on nous prévient que l’équipe de tournage demandera peut-être de crasher le Stuka dans la mer !
Je ne vais pas voler puisque je suis le troisième pilote et qu’ils n’ont besoin que de deux avions… Mais finalement, le deuxième pilote américain me propose sa place : sympa, je vais voler !
16h00, le feu vert est donné. Le premier pilote américain essaie de décoller du tapis. La marée est haute mais son Spit ne roule pas, passant immédiatement sur le nez. L’hélice est cassée, on la change et on retente trois fois: même chose! On me demande de décoller avec le Stuka. Je tourne en vol pendant 10 minutes et, après 5 autres tentatives (et 5 hélices cassées !), ils réussissent à faire décoller le Spit, en l’accompagnant pendant 2 mètres et en appuyant sur la queue. Les avions CY Model sont tout de même très mal conçus, le train est bien trop en arrière…
Nous nous rendons au bout de la jetée, à 700 m de là, et nous sommes à mi-chemin quand… le moteur de mon Stuka s’arrête net alors que je ne suis pas très haut ! Il faut faire attention, il y a quelques bateaux de plaisance sur la mer et des centaines de figurants sur la jetée. Heureusement, l e Stuka plane bien et je rejoins facilement le bord de plage, à 400 m de moi. La marée a commencé à descendre et on peut se poser sur une bande étroite. Je pose aisément le Stuka. Nous nous apercevrons plus tard que nous avons préparé plusieurs Stuka mais omis de faire le plein dans celui-là… Retour au point de décollage en courant pour prendre le deuxième Stuka, car le Spit m’attend en vol ! Enfin, nous arrivons sur l a j etée et l a scène est tournée : l e Spitfire attaque le Stuka qui doit plonger vers la mer (finalement sans fumigène et sans crash pour cette scène). C’est dans la boîte, nous
revenons sur la plage et nous nous posons aisément.
D’autres scènes seront tournées par les Américains, mais l’aventure s’arrête ici pour moi. Retour à la vraie vie et au vrai travail…
À noter que deux bombardiers Heinkel 111 ont été construits spécialement pour le film : 6 m d’envergure, 150 kg, deux moteurs de 150 cc ! Je ne les ai pas vus, ils étaient prévus pour tourner en Hollande et ont donc été transportés directement là-bas…
Un point qui m’a surpris, mais qui est finalement logique : toutes les scènes avec nos avions sont filmées sans aucune prise de son, tout sera ajouté ensuite. Au final, ça fait une énorme différence entre ce que l’on peut voir pendant le tournage, avec le bruit de débroussailleuse des moteurs DLE, et une fois le film terminé, avec des sons de moteurs réels, des cris, des bruits de mitraillages et d’explosions…
L’a u t re po i n t su r p re na n t concerne les nombreuses improvisations pour les scènes avec les modèles RC. Rien n’était clair, on apprenait quelques heures ou quelques minutes après la scène ce que nous devions faire, et ça pouvait même changer durant le vol…
QUELLE AVENTURE !
Des centaines de techniciens (personnels effets spéciaux, décorateurs, équipe de tournage…), des milliers de figurants, des dizaines de véhicules en tout genre : participer à un tournage aussi gros est vraiment quelque chose d’incroyable et que je ferai sans doute une seule fois dans ma vie…
J’ai pu voir tourner de nombreuses scènes, des explosions etc. Pour répondre à une question souvent posée, je n’ai pas vu d’acteurs connus, ou alors je ne les ai pas reconnus. Il y avait en permanence des centaines de personnes déguisées en soldat… Deuxième question : les modèles réduits sont retournés aux USA et, non, je n’ai pas pu en récupérer un… De toute façon, ils étaient un peu fatigués après le tournage !
J’ai tourné seulement quatre scènes, et toutes ne seront peutêtre pas retenues pour le film (à l’heure où cet article est mis en page, le film n’est pas encore sorti), mais je suis heu-reux !
Si vous allez voir le film après avoir lu cet article, je suis sûr que vous serez curieux de trouver les scènes avec des modèles réduits et celles avec des avions réels !