Visite chez nos amis anglais
Chacun sait que le Musée de l’Air et de l’Espace au Bourget est le plus beau d’Europe. Quoique… Le musée de la RAF, joyau de l’aviation militaire, est situé à Hendon, près du centre de Londres, là où le Royal Naval Air Service organisa la première escadrille de défense aérienne en 1915. De nos jours, cinq grands hangars abritent ce qui est tout simplement la plus belle collection d’avions britanniques au monde. À l’occasion de ce numéro anniversaire de Modèle Magazine, nous allons y faire une petite visite!
« Oh my God ! » C’est par ces quelques mots qu’on pourrait commencer la visite, sous l e radôme d’un Eurofighter tout de noir vêtu et suspendu dans une attitude bigrement agressive. Les amoureux du Rafale noteront que, si le « jet » britannique n’est pas le plus joli, il faut bien reconnaître que ça l ui donne un air bestial fort impressionnant. Après cet accueil musclé, le regard est vite attiré par l e dernier cri de l’aviation de combat moderne : le F-35 « Lightning II » posé au rez-de-chaussée. L’engin est réputé invisible au radar, et pour cause : il est en bois ! Ce F-35 est en effet une maquette grandeur nature offerte à la RAF par Lockheed-Martin…
Le Mosquito garé un peu plus loin est lui aussi en bois, ce qui ne l’a pas empêché d’être l’avion le plus performant de la RAF pendant la Seconde Guerre mondiale. On s’étonnera de la petite taille du célèbre Harrier, qui fait figure de Lilliputien à côté du Tempest suspendu au plafond. Plus loin, un des rares Me-262 rescapés semble bien seul entre tous ces appareils alliés. C’est
que si le musée de la RAF présente surtout des avions utilisés par les Britanniques, quelques ennemis y ont aussi leur place. Et ne croyez pas qu’on n’y trouve que des avions. L’entrée du musée est balisée par deux navires utilisés par la RAF pour repêcher les pilotes tombés en mer. Il y a aussi une belle collection de véhicules utilitaires employés par l’aviation militaire, une belle variété d’hélicoptères, des planeurs et même des missiles antiaériens.
IMMACULÉS
Ceux qui adorent le Musée de l’Air de Bruxelles seront peut-être déçus… Les Anglais ont les moyens de leurs ambitions et présentent les appareils dans un état immaculé. Pas de fientes d’oiseau, de camouflages décrépits ni de patine originale, ici les collections sont alignées comme à la sortie de l’usine. Si on apprécie la belle lumière, les espaces propres et aérés, on regrette cependant l’aspect parfois aseptisé de certains aéroplanes, auxquels une fuite hydraulique symbolique aurait donné un cachet un peu plus « opérationnel »...
Bon, ne boudons pas notre plaisir. En plus d’être propre, le musée de la RAF est aussi très sûr. On peut y flâner avec les enfants sans risque de se prendre les pieds dans une ferraille ou de s’ouvrir le crâne contre un bord de fuite. Chaque avion s’est vu attribuer un volume suffisant pour « respirer », on n’a jamais l’impression de se trouver dans un capharnaüm de pièces aéronautiques. Pour la plus grande joie des photographes, il y a presque toujours un point de vue qui permet d’isoler le sujet, sans qu’un empennage ou une tourelle ne bloque la vue. La lumière souvent abondante permet en outre de travailler sans trépied. Les images de ce reportage ont d’ailleurs été prises de cette façon, à 1 600 Iso avec un Nikon D7000.
Impossible de se perdre, un sentier bien balisé serpente de chasseur en bombardier. Une discrète cordelette au ras du sol sert de barrière mais sans jamais isoler les appareils du public ni obstruer la vue. Les panneaux d’information (aussi en français) sont discrets et proposent un texte explicatif bref mais suffisant.
SOLD OUT
Si l’entrée au musée est gratuite, quelques attractions sont payantes, et assez onéreuses, mais c’est pour la bonne cause. Tous les bénéfices sont investis dans la maintenance et les collections. Il faut réserver le plus tôt possible via Internet, si c’est encore possible. Par exemple, pour avoir le privilège de s’asseoir aux commandes d’un authentique Spitfire ou d’entrer dans l’Avro Vulcan, les places s’arrachent jusqu’à un an à l’avance !
Outre le hall d’entrée décrit plus haut, le visiteur est invité à découvrir trois autres salles. Le hangar des bombardiers ravira les amateurs de grands avions. Dans une ambiance malheureusement très « caverne », on y découvre quelques vedettes du musée, à commencer par l’Avro Vulcan, une aile volante à réaction absolument immense sous laquelle les curieux peuvent circuler librement. Un peu plus loin, un Halifax exhibe sa structure telle qu’elle a été récupérée au fond d’un lac norvégien en 1971. Mais c’est bien le Lancaster qui impressionne le plus. Le célèbre quadrimoteur est énorme et les B17 et B24 exposés à côté sont éclipsés par son imposante présence. Quelques chasseurs parsèment le hall, profitant de la place libre entre les ailes des géants. On citera l’incontournable Me109, un rare FW190 biplace et un monoréacteur He-162. Plus moderne, le Buccaneer affiche fièrement sa livrée « panthère rose » datant de la première guerre du Golfe. Malheureusement, l’éclairage jaune/ vert donne un air maladif à cet avion et les photographes devront utiliser le flash pour lui rendre sa couleur caractéristique.
AERONAUTS
À ce stade de la visite, quelques heures sont passées et c’est avec soulagement que le visiteur découvre le bar du musée et les toilettes situés à l’entrée des hangars historiques. Ces derniers datent de la Première Guerre mondiale et sont le refuge des sections d’hélicoptères, des hydravions et de nombreux chasseurs, principalement de la Seconde Guerre mondiale. La zone « Aeronauts Interactive » est réservée aux aviateurs en herbe et permet aux enfants de jouer
sous la supervision de maman pendant que papa mitraille les collections à l’objectif grand angle. Parmi d’autres perles, on citera un autogyre Cierva C-30, une brochette de Spitfire, un beau P40, l’impressionnant Beaufighter, une coque d’hydravion superbe en bois de cèdre et un très impressionnant jet Lightning dont on se demande comment les réservoirs externes posés sur les ailes pouvaient être largués. Bizarre.
Passons maintenant à la salle dédiée à la bataille d’Angleterre. La visite commence par quelques saynètes avec mannequins en costume d’époque, recréant l’ambiance du « blitz » en 1940 à Londres. Ici aussi, on aura droit au plein de Spitfire et de Hurricane, mais aussi un très beau Ju-88 et même un rare Falco CR-42. Ce chasseur italien mal armé était déjà obsolète avant la guerre, et quelques exemplaires ont fini la bataille dans la campagne anglaise, certains avec des dégâts mineurs.
Le clou de la visite est sans conteste le Short Sunderland, hydravion géant dont la silhouette blanche était redoutée par les équipages des U-Boot, de l’Atlantique à l’océan Indien. Ma préférence va cependant au Lysander posé à côté, un appareil lent et disgracieux qui a pourtant joué un rôle prépondérant dans le ravitaillement de la Résistance, un peu partout en Europe occupée.
RAF MUSEUM COSFORD
Enfin, situé à l’extérieur, derrière les bateaux, le dernier bâtiment du musée est dédié à la grande guerre. Il s’agit ni plus ni moins que des premiers ateliers de fabrication d’avions au RoyaumeUni, établis en 1911 : un cadre approprié pour la collection. Entre autres joyaux, on y trouvera un Fokker D-VII, un SE5-A et les inévitables Sopwith de service.
Si vous êtes arrivé à ce point avant la fermeture, bravo ! En effet, le musée de Hendon est énorme et une journée suffit à peine pour le visiter sérieusement. C’est d’autant plus vrai si vous cherchez des informations spécifiques ou détaillez chaque avion à des fins de documentation. Pour photographier à l’aide d’un trépied, il vous faudra un permis (celui-ci est délivré gratuitement à l’entrée). Choisissez un jour en semaine pour éviter la foule, et n’hésitez pas à demander l’aide du personnel si vous voulez passer la corde pour approcher un avion ou même faire reculer le public le temps d’une photo. Vous pouvez aussi demander à accéder au centre de documentation historique et aux archives du musée (sur rendezvous). « Last but not least », la boutique vaut le détour pour un gadget ou un t-shirt. Les prix sont raisonnables et les gains entièrement reversés au musée.
Tant qu’à venir à Londres, vous trouverez d’autres avions exposés au Science Museum et à l’Imperial War Museum, en plein centre-ville. Et ce n’est pas tout ! Les plus fanatiques n’hésiteront pas à se rendre à Cosford, près de Birmingham, où une autre branche du RAF Museum expose de très nombreux avions, principalement de la guerre froide. Quant à la petite ville de Duxford, au nord de Londres, elle abrite une collection extraordinaire d’appareils appartenant à l’Imperial War Museum dont certains sont en état de vol. Le meeting annuel de Duxford est d’ailleurs un des moments forts du calendrier aérien en Europe. L’occasion de passer quelques jours agréables chez nos voisins anglais, entouré des plus beaux avions de l’Histoire.