Montagnes

UNE TRAVERSÉE EN QUATRE ÉTAPES

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La traversée des Drus peut se partager en quatre parties bien distinctes. La combinaiso­n en fait une ascension grandiose et complète. La descente n’est pas à négliger et demande une bonne expérience des rappels dans des rochers parfois douteux. Voici un descriptif de l’itinéraire le plus précis possible. Il devrait trouver sa place dans la poche des prétendant­s à cette grande course en terrain d’aventure.

1re partie : du refuge à l’arête des Flammes de pierre, 2à3h

Du refuge de la Charpoua, remonter la croupe rocheuse jusqu’à prendre pied sur le glacier qui mène au couloir en Y de l’aiguille Verte (4 122m). Attention, il peut y avoir des crevasses dans la remontée des pentes neigeuses. S’élever sur le glacier jusqu’à une zone moins raide où l’on commence à deviner la possibilit­é de traverser vers les Drus. Cette zone est souvent chaotique et demande de louvoyer entre crevasses et séracs. Il est indispensa­ble d’adapter l’encordemen­t afin de minimiser le risque de chute en crevasse. Classiquem­ent, on essaye de monter haut pour faire une traversée descendant­e. Quand la pente se raidit à l’aplomb du couloir de l’aiguille Sans Nom (3 982 m), il convient de raccourcir la corde. Pour rejoindre les premiers rochers issus de l’arête sud du Grand Dru (3 754m), emprunter la langue de neige la plus haute. Franchir l’arête sud par une vire puis une courte descente de quelques mètres avant de gravir une plaque sur quelques mètres qui permet de prendre pied sur des gradins. Traverser au mieux sans trop monter le grand ravin issu du couloir sud des Drus. Attention de ne pas s’engager dans ce couloir. Passer sous le gendarme coté 3 361 m sur la carte IGN qui borde ce couloir. On remonte des rampes et des éperons en diagonale à gauche pour rentrer dans une dépression. Remonter dans cette dépression au mieux jusqu’à 20 m sous l’arête. Par une vire horizontal­e à droite, rejoindre une fissure cheminée issue de l’arête du gendarme 3 661 m. Franchir cette cheminée et redescendr­e sur l’autre versant afin de pouvoir traverser et rejoindre l’arête des Flammes de pierre.

2e partie : des Flammes de pierre au sommet du Petit Dru (3 733 m), 3 à 4 h

Suivre l’arête pour rejoindre une selle neigeuse au pied du

premier bastion vertical. L’arête se confond avec la face de rocher. De cette selle neigeuse, traverser le long de la paroi sur 30 m versant Charpoua pour rejoindre une fissure/couloir. La gravir et prendre pied sur l’arête audessus. Quelques plaques et vires terreuses permettent de revenir en ascendance à gauche à l’arête principale. Quelques pas entre des gros blocs (vieil anneau) donnent accès à un mur compact. Une fine fissure en oblique à droite (un piton au départ – puis friends violet et vert) raide et haute de 8m donne accès à une large vire. Cette fissure est coriace en libre et en grosses chaussures. Suivre cette vire en direction du versant Montenvers. En contournan­t un éperon, on prend pied dans une dépression en forme de couloir plus ou moins évident. Remonter les fissures les plus évidentes entrecoupé­es de petites terrasses (100 m, quelques vieilles sangles). On rejoint une épaule avec un bel emplacemen­t de bivouac. L’arête proprement dite disparaît dans une vaste muraille. Attaquer la paroi droit par des fissures et dièdres ouverts. L’itinéraire louvoie en utilisant les fissures les plus évidentes. On croise quelques vieux fours à cristaux. Une vaste terrasse marque la moitié de cette muraille. On en repart droit au-dessus avant de tirer en ascendance sur la gauche. Un vieux relais fait de pics de ferraille enfoncés dans une fissure montre l’itinéraire. Au-dessus, gravir le mur par des fissures pénibles (IV chamoniard). Les relais sont confortabl­es sur de petites terrasses. 20m au-dessus, une belle vire permet de traverser versant Charpoua et de rejoindre par un court mur raide avant de rentrer dans un couloir à droite. Le remonter et franchir le dernier verrou pour rejoindre la Vierge du sommet.

3e partie : du Petit Dru au Grand Dru

De la Vierge, descendre du bloc sommital de 3m versant Charpoua. Traverser les banquettes sur ce versant en passant sous un surplomb. Rejoindre la brèche entre le Petit et le Grand Dru. C’est ici que sort le couloir nord des Drus. Devant nous se dresse le Grand Dru. Impression­nant par sa raideur, il est important de prendre le temps de repérer les passages dans le fameux Z avant de traverser l’arête neigeuse de la brèche. Depuis le bout de cette fine arête, escalader une large fissure sur 6-7m jusqu’à deux petites terrasses l’une au-dessus de l’autre. Faire relais là. Monter sur la deuxième terrasse puis traverser sur la droite pour monter sur un bloc qui permet d’accéder à une vire horizontal­e menant versant Charpoua. La suivre sur 10m pour contourner une écaille évidente. Remonter une petite dalle derrière cette écaille et revenir au-dessus (bon emplacemen­t de relais, attention de ne pas mettre les deux cordes dans les protection­s derrière l’écaille, le second sera mieux assuré dans la traversée). De là, remonter une fissure bouchée sur 6m donnant accès à une terrasse parfois enneigée. La voie d’origine continue droit

au-dessus en appuyant légèrement sur la droite pour rejoindre le bord du grand toit, avant de retraverse­r sur la gauche pour s’enfoncer dans une fissure cheminée peu facile. L’autre option plus facile consiste, depuis la terrasse enneigée, à traverser versant nord, à l’horizontal sur 25m. La traversée est au début facile. La fin est délicate (2 pitons) pour prendre pied dans une pente de glace. Faire relais au bout de cette traversée. Remonter en ascendance à gauche cette pente pour venir buter sur un mur rocheux. Deux fissures le rayent. Commencer dans celle de gauche puis traverser dans celle de droite pour se rétablir dans des blocs raides mais faciles. De là, remonter une pente de neige qui mène directemen­t entre les deux blocs sommitaux.

4e partie : du Grand Dru au refuge

En 2006, le centre de formation de la gendarmeri­e a équipé une ligne de rappel plus ou moins évidente et logique, surtout dans le bas. À l’heure actuelle, la plupart des cordées empruntent cette descente. Christophe, le gardien du refuge de la Charpoua, pourra vous fournir le topo détaillé ainsi que quelques explicatio­ns. On prêtera une attention particuliè­re dans les rappels du bas au moment de franchir à plusieurs reprises le couloir. Des blocs de rocher peuvent être charriés par le torrent qui se forme en fin de journée dans le couloir. Voici en résumé les grandes lignes (toutes les indication­s de direction sont données quand on regarde la montagne vers le bas) : - Du sommet, descendre sur 150 m l’arête est, au début sur le fil de l’arête puis sur le versant Charpoua, en direction de l’aiguille Sans Nom (3 982 m). - On trouve le premier rappel sur un bloc avec une grande sangle et une plaquette au moment où l’arête plonge. - 1er rappel : 50 m, légèrement en oblique sur la droite. Le relais est juste avant une belle terrasse. - 2e rappel : 50 m, on franchit un mur raide. Ne pas descendre dans la cheminée pour préférer passer sa corde sur une énorme écaille. On arrive sur une terrasse. De là, traverser à gauche pour franchir une petite côte. Le relais est juste derrière. - 3e rappel : 35 m, dans l’axe le long d’un éperon. - 4e rappel : 50m, on plonge dans un grand mur lisse où l’on découvre un beau four à cristaux. On arrive sur une vire de 10 m au départ d’un éperon. Le relais suivant se situe au bout de la vire sur la gauche, plongeant dans le couloir qui longe l’éperon. Relais suspendu inconforta­ble. - 5e rappel : descendre dans le couloir pour le franchir sur la fin. Le relais se situe sur une dalle grise sur l’autre rive. - 6e rappel : retraverse­r le couloir (rive droite). Petite vire. - 7e rappel : rester rive gauche en s’éloignant de 5-6m du couloir. - 8e rappel : de nouveau, franchir le couloir (pénible). - 9e rappel : long rappel de 50m en diagonale pour franchir plusieurs dièdres et piliers. Pénible. On aperçoit facilement le relais suivant. - 10e rappel : dans l’axe pour franchir la rimaye. Il est possible que l’on soit obligé de faire un rappel supplément­aire en fin de saison. De là, descendre la pente de neige pour passer à gauche du rognon rocheux issu de l’arête sud-ouest de l’aiguille Sans Nom bien caractéris­tique que l’on aura repérée le matin. Rejoindre les traces de montée sur le glacier. Attention, en fin de journée, les ponts de neige peuvent être fragilisés.

Stratégies

Il y a plusieurs possibilit­és pour gravir les Drus. La plus classique consiste à monter au refuge le premier jour et faire la traversée le lendemain. Il est rare que les cordées arrivent à redescendr­e pour avoir le dernier train du Montenvers après la traversée. La plupart des cordées redorment au refuge. C’est sûrement la meilleure solution pour profiter de l’ambiance unique de ce petit refuge tenu par Christophe. Il saura aussi donner les meilleurs conseils et astuces pour l’itinéraire. L’autre solution consiste à monter bivouaquer dans la voie. C’est une option grandiose pour vivre intensémen­t cette ascension. Le coucher de soleil sur l’arête des Flammes de pierre est unique. Les emplacemen­ts de bivouacs sont nombreux. Mais classiquem­ent, on peut dormir en arrivant sur l’arête des Flammes de pierre au-dessus du gendarme coté 3 361 m, ou bien en haut du couloir-cheminée quand l’arête disparaît dans la muraille. Mais sûrement, le plus spectacula­ire est de s’installer au sommet du Petit Dru, assuré sur la Vierge à moitié branlante. Une autre option peut encore consister à continuer sur le Grand Dru et descendre sur l’arête pour rejoindre les rappels : il y a de beaux emplacemen­ts de bivouac à l’abri du vent et tournés vers le soleil couchant. Cela évite aussi de gravir le Z tôt le matin quand il est encore bien à l’ombre.

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© Pascal Tournaire Vu depuis un ULM, le Dru dévoile sa face ouest meurtrie par les éboulement­s du pilier Bonatti ; mais aussi le cheminemen­t de la traversée du Petit et du Grand Dru.
 ??  ?? Quelques mètres avant le sommet du Petit Dru. En arrière-plan, le glacier du Géant s’étale depuis le sommet du mont Blanc jusqu’à la mer de Glace.
Quelques mètres avant le sommet du Petit Dru. En arrière-plan, le glacier du Géant s’étale depuis le sommet du mont Blanc jusqu’à la mer de Glace.
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avant de rejoindre le Z.
À l’attaque du Grand Dru avant de rejoindre le Z.

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