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L’HIVER DU KARWENDEL HERMANN BUHL

À l’hiver 1949, Hermann Buhl, avec son ami Knoll Josl, se lance dans la traversée d’une interminab­le arête de vingtcinq sommets, la Gleirschke­tte, dans le massif du Karwendel. Une entreprise inédite de trente-trois heures, comme un prélude à l’exploit qu

- Texte : Gilles Modica.

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n juillet 1953, Hermann Buhl gravit le Nanga Parbat (8 165 m) : exploit insigne. Buhl, né le 21 septembre 1924, n’a même pas vingt-neuf ans. Une échappée en solitaire à 8 000 mètres d’altitude, quarante et une heures d’efforts. Buhl progresse en bâtons de ski sur une arête interminab­le, sans oxygène et sans matériel de bivouac dans son sac, comme s’il marchait là-bas, au pays natal dans l’hiver du Karwendel. Une année (1949), Buhl y fit, entre deux jours de portage, une traversée hivernale de trente-trois heures qui commença à la nuit. Nous avons tous en mémoire les solos d’Hermann Buhl. Dans certains cas (Piz Badile, face nord-est, juillet 1952), Buhl se dépensait d’abord sur la selle et les pédales d’une mauvaise bicyclette de l’après-guerre, à trois vitesses. Les hivers d’Hermann Buhl, et ses exploits souvent originaux dans les Alpes orientales, ne sont pas moins surprenant­s. Buhl, Tyrolien d’Innsbrück, avait une passion pour la neige et l’hiver qui tombent du jour au lendemain sur la chaîne du Karwendel. C’est là, audessus d’Innsbrück et au nord de la ville, dans cette chaîne des Préalpes, que le jeune Buhl tira toutes les queues du Diable et commit toutes les folies de l’enthousias­me, punies ou non d’un accident. On compare souvent le site de Grenoble et le site d’Innsbrück, deux villes dites l’une et l’autre « capitale des Alpes » . Mais Innsbrück se situe plus haut que Grenoble, à 574 mètres d’altitude. Sa position au coeur de l’Europe lui donne un climat encore plus continenta­l que le climat de Grenoble. La chaîne des Karwendel, vaste (900 km2), traversée par la frontière entre l’Autriche et l’Allemagne, se développe principale­ment en territoire autrichien. Ses quatre chaînons, grossièrem­ent parallèles, sont orientés estouest. On décompte 125 sommets qui dépassent les 2 000 mètres dans cet ensemble de crêtes calcaires plus ou moins incisives. Les parois du Karwendel sont d’une envergure supérieure aux parois des Préalpes de Grenoble (Vercors, Chartreuse). Chaînon dominant directemen­t Innsbrück, horizon des promenades en ville, la

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