DES MÉDICAMENTS CONTRE LE MAM AU MONT BLANC PAS DE DOPAGE AVÉRÉ
De juin à septembre 2013, plus de 400 échantillons d’urine ont été prélevés aléatoirement sur les alpinistes de passage au refuge du Goûter et au refuge des Cosmiques. Objectif : déceler la prise de substances dopantes chez les prétendants au mont Blanc.
Pourquoi avoir voulu analyser les urines des alpinistes engagés dans l’ascension du mont Blanc ?
Il existait des rumeurs sur le fait que certains alpinistes, notamment en expédition, se dopaient et je me suis aperçu qu’il n’existait pas de données objectives sur le sujet. Il était difficile de mener cette étude pendant une expédition, à cause du système utilisé pour prélever les échantillons, nous nous sommes donc concentrés sur le mont Blanc, qui nous semblait intéressant à analyser car il rassemble beaucoup de gens qui se lancent dans l’ascension d’un sommet pour la première fois.
Comment avez-vous procédé ?
Pendant la saison 2013, un système qui n’avait jamais été utilisé jusque-là a été installé dans les urinoirs des refuges du Goûter et des Cosmiques, avec l’aide de la FFCAM, de la Compagnie des guides de Chamonix et de la fondation Petzl. Il permettait de prélever aléatoirement et à l’insu des alpinistes (qui étaient malgré tout prévenus de la démarche sur une affichette à l’entrée des toilettes, ndlr) des échantillons d’urine, qui ont ensuite été analysés par l’Agence française de lutte contre le dopage et le Laboratoire anti-dopage de Rome. Tout le dispositif a été validé par un comité d’éthique, car la méthode de prélèvement qui se faisait à l’insu des alpinistes, aurait pu poser problème. Nous avons contourné ce problème en garantissant le fait qu’il était impossible de faire le lien entre les échantillons prélevés et l’identité des personnes. Vue de profil de l’urinoir-mouchard.
Qu’ont révélé les résultats ?
Nous nous attendions à trouver des amphétamines, des glucocorticoïdes ou du Viagra, qui a un effet dopant en altitude, mais nous n’avons finalement trouvé que quelques traces des deux premières substances et aucune trace de Viagra. En revanche, 22% des échantillons analysés présentaient des traces de Diamox, qui est prescrit pour prévenir le mal des montagnes. Un alpiniste sur cinq prendrait donc des médicaments contre les effets de l’altitude, or on peut imaginer que les personnes vraiment intolérantes sont beaucoup moins nombreuses. Nous avons également retrouvé des traces de somnifères dans 13 % des échantillons, qui peuvent présenter certains risques quand les alpinistes se lèvent en pleine nuit.
L’idée d’une prise de substances dopantes par les prétendants au mont Blanc a donc été écartée ?
Nous avons en effet abouti à des résultats qui montrent que les gens sont plutôt honnêtes sur ce point. Mais on peut également considérer que la prise de médicaments pour mieux dormir ou éviter les maux de tête peut être une forme de dopage indirect, qui permet de s’affranchir de certaines difficultés. En revanche la prise importante de médicaments pose question.
Comment l’expliquez-vous ?
La peur de ne pas y arriver et le manque de préparation jouent certainement. Tout comme les informations accessibles sur Internet, qui permet également d’acheter en ligne certains médicaments, qui sont parfois pris à l’insu des guides qui encadrent ces pratiquants. L’étude ne permet pas cependant d’avoir des données démographiques sur l’âge ou la nationalité des alpinistes qui utilisent ces médicaments.
Quelles seront les suites données à cette étude ?
Une campagne d’information devrait être mise en place par la FFCAM sur la question de la prise de médicaments pour sensibiliser le public. Nous allons également lancer, avec l’université de Grenoble, une étude des essais cliniques pour connaître les impacts de la prise de somnifères sur la vigilance en altitude, pour aller plus loin dans nos résultats.