ACCIDENTS EN MONTAGNE QUELS ENSEIGNEMENTS DE LA JUSTICE?
« Montagne et Justice. Accidents de montagne. Comment s’exerce le processus judiciaire ? Que peut-il nous apporter dans nos futures prises de décision ? » Telle était l’accroche de la soirée débat organisée par l’association La Chamoniarde, le lundi 20 ju
Le 8 décembre 2015 s’était tenue à l’ENSA (École nationale de ski et d’alpinisme) une manifestation réservée aux professionnels de la montagne et du droit et il était apparu pertinent d’ouvrir le débat à la société civile. En effet le rapport entre le monde de l a montagne et la justice se résume souvent à ce qui les oppose : nature contre règle de droit, liberté contre réglementation, risque assumé contre sanction encourue. Et, comme l’a dit Erik Decamp en introduction de la soirée : « Lemondedelamontagne etceluidelajusticeneserencontrentpas souvent.Quandc elaarrive,c’estque quelquechoses’estmalpassé. » Et pourtant, ce processus est au fond celui où, à l’occasion d’un accident, se pose une question fondamentale : « Dequoi,surle terrain,parmesdécisionsetmesactions, ai-jeàrépondrevis-à-visdelasociété? » Dès lors, les pratiquants de la montagne ont tout à gagner à mieux comprendre comment s’exerce l’action judiciaire. La justice, elle, se doit de rendre accessible sa logique et son fonctionnement afin que l’acte de justice soit à même de poser des jalons utiles pour les usagers de la montagne. C’est au prix de ce double mouvement qu’elle peut devenir un outil pédagogique. Car l’enjeu de la soirée, c’était que des pratiquants, amateurs et professionnels, en appréhendant mieux le processus judiciaire, puissent en retirer des enseignements utiles sur le terrain, afin d’éviter l’accident. Le 20juin, plutôt que de proposer une conférence, les organisateurs ont choisi de s’appuyer sur une situation réelle : la reconstitution d’une partie de l’audition d’un guide de haute montagne par un militaire du PGHM (Peloton de Gendarmerie de Haute Montagne), qui est à la fois secouriste et officier de Police judiciaire chargé de la première étape de l’enquête. Une affaire réelle avait été choisie à cet effet.
Un mois de mars. Le PGHM de Chamonix reçoit une demande de secours. Un groupe de 9 skieurs (dont 2 guides) est victime d’une chute de pierres sur la moraine du Pas de Chèvre. Un des clients décède et un autre est très grièvement blessé (amputa- tions nécessaires). Les auditions montrent que le leader avait tenu compte des risques objectifs pour décider de son itinéraire (même si l es faits montrent a posteriori que son choix restait dangereux). Le BRA avait été consulté et les clients informés sur les risques. En revanche, l es guides avaient préféré prolonger la randonnée en altitude, plutôt que de franchir au plus vite la moraine exposée au réchauffement. Le procureur a décidé de ne pas poursuivre la procédure judiciaire, mais il aurait pu en être autrement. L’assistance – plus de deux cents personnes – était constituée d’alpinistes amateurs, de professionnels et de juristes, et beaucoup d’entre eux avaient un vécu et des interrogations qui ont nourri la discussion suite à l’audition. Bien sûr, beaucoup de questions portaient sur le fonctionnement du processus judiciaire et les règles de droit qui fondent la responsabilité pénale : faute d’imprudence, lien de causalité entre l a faute et l e dommage, etc. Mais très vite d’autres questionnements ont aussi émergé, qui trouvaient leur origine dans des situations concrètes rencontrées en montagne : si une autre cordée, en me doublant à la montée, s’apprête, non seulement à commettre une imprudence mais