UNE ÉQUIPE FRANCO-RUSSE TENTE LA TRAVERSÉE INTÉGRALE DU CAUCASE À SKIS
Le 30 janvier, le guide de l’Oisans Jean-René Minelli et ses compagnons franco-russes ont débuté leur aventure sur la chaîne du Caucase pour tenter sa traversée intégrale à skis, à pied ou à vélo, de la Caspienne à la mer Noire. Déjà rodé aux grandes trav
Le Caucase est une destination « à la mode » pour les skieurs de randonnée. Qu’allez-vous y faire de nouveau ? Jean-René Minelli : Il y a, dans le Caucase, des destinations classiques comme les secteurs autour du Kazbek en Géorgie ou de l’Elbrouz en Russie, où l’on trouve des équipements adaptés, des refuges par exemple. Mais il y a beaucoup de zones qui n’ont jamais été skiées, ce qui semble incroyable en Europe. À travers cette aventure, nous voulons promouvoir la pratique du grand raid engagé. Si nous réussissons, ce sera une première. Pourquoi une équipe franco-russe ?
JRM : Nous n’aurions pas pu organiser cette expédition sans l’aide du guide Alexey Shustrov. C’est un grand connaisseur du coin, qui facilite les contacts avec la population locale et les démarches administratives comme l’obtention des permis requis en plus des visas. Si tu ne connais personne là-bas, il ne se passe rien. Il sera notre leader logistique et viendra avec son ami guide Konstantin Zazdravnykh. Des contacts sont établis avec les autorités pour montrer qu’il existe une façon douce de parcourir les montagnes et un fort potentiel pour développer ce tourisme dans la région, au moment où le Caucase est convoité par de nombreux aménageurs de stations. Quelles seront les grandes étapes ? JRM : Le début du parcours en Azerbaïdjan se fera à vélo, ainsi que la dernière portion pour rejoindre Sotchi et une section intermédiaire. Il est interdit de franchir les frontières par les montagnes. À skis, nous avons prévu de suivre une « haute route » sur la ligne de crête en Azerbaïdjan et en Géorgie, car il y a des forêts très denses versant sud, et côté nord, au Daghestan, la situation politique est tendue. Nous avons prévu de faire l’ascension des points culminants de l’Azerbaïdjan (Bazarduzu) et de la Russie (Elbrouz), et du deuxième sommet de la Géorgie (Kazbek), le Chkhara n’étant pas skiable. Au total, nous devons parcourir vingt sommets et quatre-vingts cols. Une grande partie de l’itinéraire se situe entre 4 000 et 5 600 mètres sur terrain glaciaire. Quelles sont les grandes inconnues ?
JRM : Nous avons entre 40 à 50% d’incertitude sur les itinéraires. Il faudra trouver les points faibles de passage et un parcours le plus esthétique possible. Nous avons prévu vingt-six bivouacs mais il y en aura peut-être plus car il y a beaucoup d’inconnues sur les hébergements «en dur» type bergeries ou refuges, nous n’avons pas plus d’infos que nos repérages sur GoogleEarth. Les cartes donnent peu d’informations utiles au pratiquant de haute montagne. Les montagnes sont très peu habitées sur de nombreuses sections. Nous porterons entre vingt et vingt-cinq kilos par personne, avec de quoi tenir en autonomie entre quatre et douze jours. Un véhicule de ravitaillement nous suivra dans la vallée. D’autres personnes se joindront-elles à vous ? JRM : Des clients nous rejoindront pour la traversée de l’Elbrouz, mais pas avant car il y a trop d’aléas sur l’itinéraire. Ce qui nous laisse jusqu’au 1er avril pour cheminer et donc une réelle liberté. Dans ce genre d’aventure, on n’a pas d’obligation de résultat, on s’adapte aux conditions rencontrées. C’est crucial aussi pour nous, guides de haute montagne, de conserver des moments de partage entre amateurs, entre amis, pour garder la motivation et confronter nos pratiques. Et nous découvrirons sur place comment se noue la relation avec nos deux compagnons russes. Où se situe l’engagement dans ce genre d’aventure ?
JRM : Au-delà des inconnues sur le terrain, la plus grande difficulté c’est de parvenir à se libérer de nos contraintes quotidiennes. Tout est fait pour qu’on ne parte pas. Savoir se rendre disponible sur une durée de trois mois, refuser des possibilités de travail quand on est saisonnier, et l’argent qui va avec est un réel engagement. Le ski devient le prétexte au voyage.
« NOUS AVONS ENTRE 40 À 50 % D’INCERTITUDE SUR LES ITINÉRAIRES »