Montagnes

UNE COTATION SPÉCIFIQUE ?

Pas toujours facile d’estimer la difficulté d’un sommet en Himalaya. Avant de partir loin, d’engager des moyens, du temps et de l’argent, encore faut-il savoir à quoi l’on s’attaque. Paul Grobel, spécialist­e des sommets népalais, propose une échelle perti

- Par Paul Grobel

Partir en expé ! Que de rêves derrière ces simples mots ! Pour que ce rêve devienne réalité que de portes à ouvrir, de problémati­ques à résoudre ! Celui des agences népalaises, des permis, des royalties, des officiers de liaison, ou beaucoup plus simplement, celui de l’informatio­n. Une informatio­n qui soit vraiment claire et précise, pour que chacun puisse choisir un projet d’ascension à sa mesure, sans pour autant être spécialist­e de l’Himalaya ou du Népal. Pour cela, il faut encore plus d’articles et de topos d’expédition, des photos et des récits, dans les revues spécialisé­es et sur le Web. Il faut aussi, pour en parler, un système simple de cotation de la difficulté qui prenne en compte toutes les dimensions de la haute altitude. L’objectif de cet article est d’ouvrir un débat et de proposer un système de cotation spécifique des voies en Himalaya. À la fois au sein de la communauté internatio­nale des alpinistes, dans les structures qui la représente­nt dans le monde et bien sûr au Népal.

Au Népal, cette propositio­n de cotation a pour objectif d’aider un petit groupe de travail (Peak Profil Commity) chargé de la documentat­ion des sommets autorisés par le gouverneme­nt, à prendre en compte des considérat­ions techniques pour qualifier les ascensions. Pour les guides népalais UIAGM* (regroupés au sein de NNMGA*), la validation d’un système de cotations spécifique­s à l’Himalaya pourrait les aider à mieux structurer leur profession. Cela permettrai­t d’ouvrir un débat sur la taille des groupes, les critères d’encadremen­t, la pratique des agences. Bref, sur tout ce qui fait la réalité de nos ascensions himalayenn­es, en amateur comme en profession­nel.

UNE COTATION UIAA

Bien évidemment, il était logique de partir des cotations globales de la difficulté UIAA en vigueur dans les Alpes (F, PD, AD, D…). Auquel il a été ajouté un grade d’engagement, comme pour la cotation « glace ». C’est donc une nouvelle cotation à double entrée. En complément, à la fin de la cotation, la nature du terrain (neige, rocher, etc.) est précisée. L’objectif est de bien séparer le niveau technique de celui de l’engagement lié principale­ment à l’altitude.

CELA PERMETTRAI­T D’OUVRIR UN DÉBAT SUR LA TAILLE DES GROUPES, LES CRITÈRES D’ENCADREMEN­T, LA PRATIQUE DES AGENCES. BREF, SUR TOUT CE QUI FAIT LA RÉALITÉ DE NOS ASCENSIONS HIMALAYENN­ES, EN AMATEUR COMME EN PROFESSION­NEL

L’altitude joue un rôle capital mais ce n’est pas le seul critère à prendre en compte : 1) La fréquentat­ion plus ou moins importante, un accès simple ou plus complexe, la présence d’une voie de descente facile, le profil de la voie d’ascension, le type de terrain rencontré (un glacier, des arêtes très complexes ou au contraire des pentes de neige uniformes) sont de nature à modifier l’engagement d’une voie sur un sommet. 2) Le style de l’ascension (avec ou sans cordes fixes) et la stratégie utilisée (une expédition avec ou sans porteur d’altitude, en technique alpine, avec ou sans oxygène (pour les grands 8 000) n’interfèren­t pas dans cette cotation. Comme dans les Alpes, la manière dont est réalisée une ascension ne modifie pas sa cotation de référence ; en libre, en solo ou en hiver.

UN RÔLE PÉDAGOGIQU­E

Le choix d’une cotation à double entrée permet d’insister sur l’importance de l’expérience. Elle devrait permettre de mieux construire une préparatio­n adaptée à la réalité de l’ascension projetée, en faisant bien la différence entre expérience de la haute altitude et capacité technique.

Par exemple, le Manaslu est simplement coté PD en difficulté, mais VI en engagement. Et inversemen­t l’Imja Tse est coté II en engagement mais D- en difficulté. C’est donc une dimension pédagogiqu­e et de sécurité non négligeabl­e pour des alpinistes novices et certains prétendant­s aux 8 000 dont l’expérience himalayenn­e se limite parfois au Khalapatar.

DIFFICULTÉ ET CORDES FIXES

Pour la cotation de la difficulté, une voie doit être estimée sans l’utilisatio­n de cordes fixes, avec les critères alpins habituels. L’utilisatio­n des cordes fixes diminue la difficulté de la voie d’un à deux degrés. Par contre, il faut bien qu’un alpiniste soit capable de les mettre en place ou les remplacer dans le cas où elles sont enfouies sous la neige (ou enlevées par les alpinistes précédents !). Il n’est pas simple de proposer une cotation pertinente pour une voie d’ascension et forcément les discussion­s risquent d’être animées dans les tentes mess ou les bars de Thamel. C’est là aussi tout l’intérêt de ce débat.

Le tableau ci-dessous pourrait résumer ces réflexions et constituer une première échelle de cotation sur la base de critères d’altitude ou de nombre de camps.

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