ACTIVITÉS DE MONTAGNE ET BIODIVERSITÉ
VERS UNE SEREINE COHABITATION Prendre en compte l’impact des sports de plein air sur la faune ne rime pas automatiquement avec « interdit », « contrainte » et « culpabilité ». Il est possible d’adapter notre pratique grâce à quelques conseils simples qui
Ceux qui parcourent la montagne depuis de nombreuses années l’auront très certainement remarqué : l’usage et l’attrait que ces grands terrains de jeu suscitent en ont métamorphosé la fréquentation. En effet, depuis une dizaine d’années, on remarque une nette modification dans la pratique des sports et activités de montagne. Cela n’aura échappé à personne, les loisirs de plein air se démocratisent, avec pour conséquence un nombre accru de pratiquants sur les sites, les sentiers de randonnée, les voies d’escalade... donnant à certains départs des allures de parking de supermarché un jour de soldes.
Mais ce n’est pas le seul paramètre de cette révolution, les pratiques en elles-mêmes changent aussi. De « nouvelles » activités apparaissent (le trail, le vélo de montagne, etc.) et les « anciens » sports évoluent : la randonnée devient hors sentier (notamment grâce aux GPS) et de plus en plus de marcheurs cherchent des itinéraires engagés, sensationnels et arpentent les vires et crêtes méconnues jusqu’alors. Et cette conquête spatiale s’accompagne d’une conquête temporelle puisqu’on parcourt maintenant volontiers la montagne la nuit à la frontale, les soirs de pleine lune ou en partant très tôt le matin... Cette présence de l’homme dans le milieu naturel est bien sûr positive (on conviendra que cette attirance pour la nature est préférable à celle pour les écrans) mais elle implique une raréfaction, voire une disparition, des endroits « sauvages », des zones de tranquillité pour la faune et la flore. La couverture humaine est omniprésente, dans le temps et dans l’espace, la question est de savoir comment se comporter pour que la cohabitation ne se transforme pas en colonisation...
DÉRANGEMENT ET IMPACT
Tout d’abord il faut savoir que, de manière générale, certaines périodes sont plus sensibles pour les animaux. Les conséquences d’une rencontre avec l’homme ne sont pas les mêmes en fonction du moment de l’année. Globalement, les animaux sont plus vulnérables pendant trois périodes : la reproduction (parade, brame, rut…), les naissances ou la couvaison, et l’hiver en règle générale.
De plus, la sensibilité de la faune dépend de chaque espèce. Certaines sont plus menacées que d’autres en termes de conservation (le tétras-lyre, le faucon pèlerin, certaines chauves-souris, etc.) et, d’autre part, les réactions au dérangement ne sont pas forcément similaires selon les espèces et même entre les individus d’une même espèce : certains tolèrent très bien la proximité de l’homme mais d’autres sont extrêmement farouches et les rencontres peuvent occasionner une grosse perturbation.
Pour finir, il faut savoir que les impacts sont différents en fonction des activités. Sans prétendre que certaines sont plus nuisi-
bles que d’autres, il est sûr que chaque sport est plus particulièrement concerné par un type de dérangement qui lui est propre. Dans la suite, un décryptage vous est donc proposé des problématiques qui peuvent survenir dans la cohabitation avec la faune de montagne, en fonction des activités que vous pratiquez. Quelques conseils vous aideront à minimiser votre impact potentiel en préparant votre sortie ou en adaptant votre pratique.
RANDONNÉE PÉDESTRE
Toutes les activités « à terre » sont en fait concernées : la randonnée certes, car elle regroupe le plus grand nombre de pratiquants, mais aussi le trail qui se développe de manière exponentielle ces dernières années, et encore le VTT, l’alpinisme de moyenne montagne, la photographie animalière, etc. Les enjeux sont donc multiples :
− La période de reproduction pour les ongulés (groupe des mammifères à sabots : chamois, cerf…) est sensible car les processus de domination accaparent toute leur attention et leur énergie. Conseils : essayez d’éviter les secteurs connus pour être des sites de rut ou, au moins, évitez d’approcher les individus et les groupes d’animaux pendant cette période.
− Le moment des naissances est lui aussi problématique, surtout pour les chamois et bouquetins qui s’isolent sur des vires reculées et, malgré tout, parfois fréquentées par les randonneurs. Conseils : Pendant cette courte période du printemps, évitez les vires et sentes escarpées ou, au moins, soyez vigilant et guettez l’éventuelle présence d’une femelle. N’emmenez surtout pas votre chien dans ces secteurs !
− La parade et la couvaison du tétras-lyre et du lagopède alpin sont aussi des périodes de vulnérabilité forte car ces deux espèces nichent au sol. Stress, perturbation pendant les combats, abandon du nid, etc. sont autant de facteurs qui nuisent au bon taux de natalité de ces espèces. Conseils : Renseignez-vous auprès des parcs naturels régionaux sur les sites sensibles. Dans ces endroits et à cette période, restez sur les sentiers balisés et n’y emmenez pas votre chien.
ESCALADE
L’enjeu se trouve au niveau de la nidification des oiseaux de falaise (appelés « rupestres »). Ils sont nombreux : vautour fauve, martinet, tichodrome, grand corbeau, hirondelle, crave à bec rouge, etc. Ici, nous nous concentrerons sur les rapaces les plus vulnérables et pour lesquels la problématique peut être importante : aigle royal, faucon pèlerin, hibou grand-duc et gypaète barbu.
Ces quatre espèces sont très territoriales et il convient de ne pas les déranger (grimper et a fortiori équiper une voie dans le secteur) pendant la période de parade et de nidification. Pour savoir s’il y a présence d’une espèce sur les sites qui vous intéressent, renseignez-vous auprès des clubs gestionnaires de falaises pour les pratiquants (FFME et Cie) et auprès des parcs naturels régionaux ou de la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) pour les équipeurs. Lorsqu’un itinéraire ou une voie est identifiée comme ne devant pas être parcourue, respectez cette préconisation... elle ne dure pas si longtemps et il y a tellement d’autres voies possibles !
VOL LIBRE
L’enjeu principal est similaire à celui de l’escalade : la nidification des rapaces rupestres très territoriaux et menacés. Mais à celui-ci vient s’ajouter celui du dérangement des ongulés de montagne (principalement chamois et bouquetin) mettant bas sur des vires au milieu des falaises.
Les préconisations pour éviter de déranger les rapaces pendant la nidification sont de respecter les distances de tranquillité autour de l’aire. Ces informations sont très souvent communiquées par les clubs, la FFVL, les parcs, voire sur les sites de décollage.
Concernant la perturbation des femelles avec leurs petits, ces informations ne sont que très rarement communiquées. Les prédateurs venant des airs ne sont pas rares pour nos jeunes ongulés et l’ombre de votre aile peut causer des peurs paniques, allant jusqu’à entraîner parfois un dérochement. Soyez donc vigilant à cette période quand vous approchez des vires escarpées et sauvages, ce sont souvent des zones de nurserie.
SPÉLÉO
Il s’agit là de la cohabitation avec les différentes espèces de chauves-souris (34 présentes sur le territoire français). Les deux périodes sensibles sont les suivantes :
− Pendant l’été, les colonies donnent naissance et élèvent les petits. Une perturbation à cette période peut impliquer une panique entraînant la chute des jeunes. Conseils : évitez de provoquer la panique par le bruit ou les groupes trop nombreux. Se renseigner (auprès des clubs locaux ou de la commission environnement de la fédération) sur les sites sensibles abritant des espèces particulièrement menacées.
− Pendant l’hiver, les chauves-souris hibernent. Un dérangement à cette période peut causer un réveil intempestif et impliquer une dépense d’énergie considérable pour ces petits mammifères dont les réserves sont limitées (entraînant un affaiblissement, voire une mortalité directe). Conseils : Ne pas les toucher, limiter l’éclairage et le bruit, éviter de rester trop longtemps à proximité des individus (votre chaleur peut les réveiller...). Essayer de se limiter aux grottes écoles ou connues pour ne pas être des sites d’hibernation. Éviter en particulier les gros travaux.