Montagnes

CHIER (PROPREMENT) DANS LES BOIS

Le sujet peut paraître puéril, provocateu­r, indiscret, gênant, mais qui pose ses pieds sur les sentiers des Alpes et d’ailleurs sait bien que l’art et la manière de soulager ses intestins en pleine nature est un acte peu ou prou inévitable. L’accompliss­em

- Par Texte : Philippe Brass. Illustrati­ons : Maud Lecarpenti­er

Citons en préambule un petit livre paru il y a déjà quelques années et traitant du sujet, avec un humour mêlé de pragmatism­e, d’une manière quasi exhaustive : l’excellent Comment chier dans les bois, pour une approche environnem­entale d’un art perdu de l’auteure américaine Kathleen Meyer et traduit en 2002 par Jean-Marc Porte, journalist­e à Trek Magazine. On peut en recommande­r la lecture en complément de cet article.

Quelle que soit l’activité pratiquée, l’absence de toilettes est commune. En de rares endroits on trouve quelques toilettes sèches sur des parkings ou au pied de falaises mais c’est plutôt exceptionn­el et c’est dommage. Ce qui est encore plus dommage, c’est de constater à vau-l’eau, que le visiteur laisse en général ses excréments bien visibles, signalés d’une volumineus­e chiffonnad­e de papier bien épais et résistant à l’eau, le tout parfois abrité d’une petite pierre...

Voyons donc comment se passer de W.-C. ad hoc et surtout comment minimiser les traces laissées, en clair : Merci de laisser les lieux aussi propres que vous auriez aimé les trouver en entrant.

CHOISIR SON ENDROIT

Évidemment pas en plein milieu d’un chemin ou d’une clairière ! Mais si se placer à l’abri des regards est un confort personnel, il ne faut pas pour autant oublier quelques points importants : Évitez de choisir un lieu entièremen­t abrité des intempérie­s, sous un surplomb ou dans une grotte. Évitez également un sol dur ou rocheux. Le lieu de votre abandon devra aussi être à bonne distance de tout cours d’eau et des pentes le dominant directemen­t. Un champ d’herbe est destiné à être fauché, ce n’est donc pas non plus un lieu adéquat. Un agriculteu­r de mon village me confiait récemment son désarroi quand, lorsqu’il coupe les foins, il doit sans cesse débarrasse­r la barre de coupe des excréments et du papier W.-C. que des grimpeurs posent dans son champ placé à proximité du sentier d’accès à la falaise ! Le lieu convenable est un sol meuble, à

l’écart des passages et visiblemen­t non utilisé pour un quelconque usage agricole ou autre.

PRÉPARER LE RECUEILLEM­ENT DE VOTRE OFFRANDE

Le choix d’un endroit où le sol est meuble permet d’enterrer les excréments. Les chiens le font... Le principe est simple et facile. Pour ce faire on peut emporter une petite pelle comme celle qu’utilisent les jardiniers pour repiquer des salades ou d’autres plans. C’est une sorte de petite truelle courbée, on en trouve de très légères en plastique dur, très efficaces. À l’aide de cet outil – ce peut être aussi une petite pioche comme celle qu’avaient placée les équipeurs de la falaise de Claret à dispositio­n des grimpeurs, les alpinistes pourront utiliser un piolet –, faire un trou d’une vingtaine de centimètre­s de profondeur. Ensuite la devise est simple : chier dur ou chier mou mais chier dans le trou (une devise de ma grand-mère) puis refermer le trou sans y laisser votre papier !

LE P.Q. ÇA NE DISPARAÎT PAS

Au mieux la dégradatio­n est très lente. Pire encore est celle des mouchoirs en papier, quant aux lingettes imprégnées, elles sont faites d’une matière synthétiqu­e absolument non dégradable. Même enterré le papier revient toujours à l’air libre. Mes amis bédouins du Wadi Rum en Jordanie ironisent souvent sur la manière d’opérer des Occidentau­x et des quantités

MERCI DE LAISSER LES LIEUX AUSSI PROPRES QUE VOUS AURIEZ AIMÉ LES TROUVER EN ENTRANT.

de papier qu’ils abandonnen­t dans le désert. Là-bas, dans le sable, inutile de compter sur une dégradatio­n naturelle, des années plus tard c’est encore là. Brûler le papier n’est pas une meilleure solution, la combustion est incomplète et l’on retrouve partout des morceaux de papier.

Il n’y a que deux solutions possibles : remporter son papier ou utiliser la main gauche et de l’eau ! Les Bédouins usent de la seconde et n’ont pas tort. Vis-à-vis de la première solution, un seul comporteme­nt est viable : remporter son papier. Pour cela, rien de plus simple, avoir un sachet du type "Ziploc" dans lequel on place le papier utilisé jusqu’à la prochaine poubelle. Quelle que soit la région, ne tentez pas de brûler votre papier souillé pour échapper à son transport, c’est inefficace et, de plus, un incendie de forêt est un risque permanent et réel !

Conclusion : en toutes circonstan­ces remporter au moins son papier W.-C. !

EN PAROI

Les grimpeurs de big wall tirent tout au long de leur ascension un sac de hissage avec en dessous de celui-ci un récipient répondant au joli nom de shit box ou encore poop tube. On l’aura compris, en ces lieux verticaux, les grimpeurs emportent leur W.C. même si subsistent quelques hauts lieux fétides comme le camp VI dans la voie du Nose sur El Capitan dans la vallée du Yosemite, passant pour être le W.-C. le plus vertigineu­x du monde. Lors de cette ascension du Nose, nous avions utilisé un bidon étanche comme ceux qu’emportent sous terre les spéléos pour moult usages. Ce système est bien plus pratique, on insère un sac poubelle principal dans lequel sont placés les sacs plastique à usage unique soigneusem­ent refermés. La large ouverture du bidon présente un avantage qu’il est inutile de décrire. Ailleurs, pour d’autres ascensions d’une durée plus courte, une simple combinaiso­n de sacs poubelle résistants sera bien suffisante pour épargner les suivants d’une offrande nauséabond­e entre les pieds.

LE KIT PARFAIT

Randonneur, grimpeur, alpiniste, le besoin nous est commun. Voici donc quelques éléments matériels pour être à l’aise et laisser propres les lieux que nous aimons : - une petite pelle ou truelle de jardinier légère ; - un sachet plastique pour congélatio­n avec fermeture "Ziploc" de taille mo y e n n e dans lequel on placera le papier usagé ; - un petit sachet plastique avec votre – petite – réserve de papier. Voilà, c’est tout et c’est suffisant. Plus d’excuses pour ponctuer la nature d’étrons emballés de blanc ou de rose.

ET AILLEURS COMMENT FONT-ILS ?

Les Américains sont assez intransige­ants sur ce thème. Signalons au passage que les propriétai­res de gentils toutous sont sommés de remporter les production­s de leur animal dans un petit plastique que l’on trouve à peu près partout dans des distribute­urs.

Au départ des sentiers, dans les parkings d’Indian Creek ou de Red Rocks – entre autres – l’associatio­n Leave no trace met à dispositio­n des kits contenant un sachet plastique en plusieurs épaisseurs avec dedans un activateur bactériolo­gique permettant de recueillir son caca afin de ne pas l’abandonner dans la nature et de le transporte­r sans odeur. Ce petit kit est vendu aussi pour le camping sauvage et bien d’autres situations. Cela fonctionne parfaiteme­nt.

Voici le lien vers le site du fabricant et distribute­ur : http://bit.ly/2pC15jh

Voilà, chers amis des falaises, montagnes ou sentiers, nous espérons que ce petit intermède un poil scatologiq­ue ne vous aura pas trop offusqués. Bien sûr nous savons que vous êtes, chers lecteurs, irréprocha­bles sur le sujet et d’ailleurs, toutes les mauvaises surprises évoquées ne sont que de purs cauchemars jamais vécus...

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 ??  ?? L’affaire est dans le sac ! © Philippe Brass
L’affaire est dans le sac ! © Philippe Brass

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