AU SOMMET EN COURANT
Plus haut, plus vite. Et pourquoi pas ? L’alpinisme reste un terrain d’expression ouvert. Sous réserve d’un bon bagage alpin et d’une bonne endurance, le mont Blanc se prête à ce genre de défi personnel : monter vite et redescendre dans la journée. Pour l
L’ascension du point culminant des Alpes est à la portée de tout randonneur entraîné et sensibilisé a minima aux premières courses d’alpinisme. Le dénivelé de l’ensemble, combiné à un sac souvent lourd font généralement de son ascension une entreprise sur deux jours avec nuit au Goûter ou Tête Rousse. Cependant, de plus en plus de randonneurs s’y lancent à la journée depuis le Nid d’Aigle avec nuit en refuge après avoir fait le sommet d’une traite. Il n’y a finalement « que » 2 500 m de dénivelé. Alors pourquoi ne pas essayer de partir 1 000 mètres plus bas et de réaliser l’intégrale ? Et tant qu’on y est, en partant tôt le matin, en redescendre dans la foulée ? C’est le choix fait par de plus en plus de traileurs. Récit d’une expérience personnelle par Lionel Tassan, qui a revêtu pour nous l’habit léger du « fast climber », le temps d’une ascension à la journée. Top chrono.
5 h 15. Départ de La Crozat 1 400 m. Il fait encore nuit. La montée se fait à la lumière de la petite frontale emportée pour à peine une heure de marche. Le sentier est bon et, malgré une section un peu plate, dénivelle assez efficacement. En temps normal je mets une heure (sans être en mode compétition) pour gagner le Nid d’Aigle mais cette fois-ci, il vaut mieux se chauffer tranquillement et en garder sous le pied.
La course
Le départ de Chamonix (église) est obligatoire pour les prétendants au record détenu par Kilian Jornet. Il emprunte cependant la voie des Grands Mulets très crevassée et exposée aux chutes de séracs. Pour notre défi personnel, on partira des Houches (1 100 m) ou de La Crozat (1 400 m mais avec une petite longueur qui fait que cela ne fera gagner qu’une grosse demi-heure aller-retour). Personnellement, j’aimerais y retourner depuis le fond de la vallée, symboliquement depuis la gare inférieure du TMB au Fayet (altitude 580 m).
Dénivelé - de Chamonix : 3 780 m / des Houches : 3 750 m / de La Crozat : 3 470 m / du Fayet : 4 340 m
6 h 40. Nid d’Aigle, 2 380 m. Mini pause afin de ranger la lampe dans le sac et de manger une première barre. On est encore loin du but mais ça fait du bien d’arriver au point de départ normal de la course sur deux jours.
7 h 45. Tête Rousse, 3 200 m. Une montée au milieu des bouquetins et des premiers randonneurs qui descendent du mont Blanc après leur nuit en refuge. La moitié du dénivelé a été avalée en 2 heures 30. Mais la majoration devrait être importante avec l’altitude sur la dernière partie, sans compter une ou deux pauses (on n’est pas en train d’établir un record – je n’en ai de toute façon pas les moyens) réparatrices et techniques (s’habiller, mettre les crampons…). Cette fois, on se retrouve au pied du « mur ». J’observe un groupe un peu plus haut qui s’apprête à traverser le fameux « couloir de la Mort ».
8 h 50. Refuge du Goûter, 3 830 m. La montée s’est passée sans encombre. Le couloir de la Mort se traverse en courant en vingt secondes après avoir fait un état des lieux et n’entendu aucune pierre. Sèche, l’ascension du Goûter ne présente pas de réelle difficulté mais il faut rester en éveil. Je dépasse pas mal de prétendants au sommet, souvent lourdement chargés et bien handicapés par leur sac à dos. Je m’octroie une première vraie pause. J’avale une bonne partie de mes vivres, je mets de la crème solaire, un coupe-vent, les lunettes et, bien sûr, les crampons aux pieds.