LES VOIES DU MONT BLANC
L’un des attraits du sommet du mont Blanc est de pouvoir accompagner l’alpiniste au fur et à mesure de ses progrès et de ses envies, des itinéraires les plus aisés aux voies les plus extrêmes. Envisageons le début de carrière, par ordre de fréquentation.
LE GOÛTER, LA VOIE « NORMALE »
C’est l’itinéraire qui, spontanément, vient à l’esprit de l’aspirant au sommet. Techniquement raisonnable, collectivement prisé, il n’en demeure pas moins une ascension en haute montagne avec sa panoplie de risques objectifs – amplifiés par la fréquentation - et les contraintes inhérentes à l’altitude. Départ : Le Fayet (gare du Tramway du mont Blanc) ou Les Houches (téléphérique de Bellevue). Départ de la mécanique humaine : le Nid d’Aigle (2 372 m) terminus du TMB. Engagement/Difficulté : II, PD. Dénivelée : J1 (+1 463 m) ; J2 (+980 m/-2 438 m). Horaires : J1 (5 h) ; J2 (env. 10 h). Refuge : du Goûter (le nouveau, 3 835 m). Itinéraire (montée) : J1. Du Nid d’Aigle, large chemin vers le sud puis monter en lacets (marques rouges) en direction de la baraque des Rognes. Remonter l’arête en bordure du Désert de Pierre ronde pour prendre pied sur le glacier de Tête rousse. Le remonter en oblique droite (crampons) en direction de la rive droite du Grand Couloir que l’on traverse prudemment mais prestement (chute de pierres) à l’aide ou non du câble métallique (selon enneigement). Suivre ensuite la sente menant à l’éperon en rive gauche du couloir que l’on remonte (marquage, câbles dans le haut). Ne pas aller à l’ancien refuge mais au nouveau (construit en 2012).
J2. Rejoindre l’arête neigeuse au-dessus du refuge (sud/sud-est) puis un replat (rares tentes hors-laloi…) et des petites bosses en direction de la pente nord-ouest du dôme du Goûter que l’on remonte sans aller au sommet laissé à main droite. Descendre légèrement vers le col du Dôme et s’engager dans une première pente (direction sudest) sous l’abri Vallot (4 362 m) que l’on visite ou pas. Suivre un léger plateau puis l’arête des Bosses - la grande puis la petite – et l’arête sommitale qui se couche jusqu’au sommet. Descente : voir en fin de cahier pratique.
Remarques : pour les adeptes de la mobilité encore plus douce, possibilité d’atteindre le Nid d’Aigle en partant du hameau de Bionnassay (parking des Crozats). Environ 1 000 m de dénivelée positive en plus le premier jour. Mais 36 euros en plus pour l’hydratation au refuge. Possibilité de dormir au
refuge de Tête rousse (3 167 m). Intérêt principal, celui d’aborder un Grand Couloir et une aiguille du Goûter bien regelés et moins fréquentés. Mais de nuit et en alourdissant la dénivelée du second jour. Un peu d’histoire et de culture alpine pour briller au refuge : s’il y a un prénom féminin sur votre motrice de TMB, c’est l’une des trois filles du propriétaire de l’exploitation en 1956, M. Noury. Anne, Jeanne, Marie.
LES TROIS MONTS EN TRAVERSÉE DEPUIS L’AIGUILLE DU MIDI
Progressivement « les trois monts » se sont imposés comme la voie normale chamoniarde, au succès similaire à l’itinéraire saint-gervolain. Atouts nombreux : un premier jour piano, un refuge où il fait bon vivre et un cheminement de toute beauté, logiquement découpé. Mais gare à la seconde journée bavante à souhait, au degré technique un cran au-dessus et aux conditions de neige capricieuses. Départ : Chamonix (téléphérique de l’aiguille du Midi, 1 038m). Départ de la mécanique humaine : gare supérieure
du téléphérique (3 775 m) et arête est/nord-est. Engagement/Difficulté : II, PD+. Dénivelée : J1 (-162 m) ; J2 (env. +1 400 m). Horaires : J1 (une petite heure) ; J2 (entre 10 h et 15 h). Refuge : des Cosmiques (3 613 m). Itinéraire (montée) :
J1. Descendre l’arête est jusqu’au replat (oubliez vos images d’arête aménagée pour la descente de la vallée Blanche, l’estivale est plus étroite) puis traversée sous la face sud de l’aiguille du Midi avant une courte remontée vers le refuge des Cosmiques (3 613 m).
J2. Du refuge, descendre au col du Midi puis remonter les pentes nord du mont Blanc du Tacul jusqu’à l’Épaule (rimaye, crevasses, séracs et trace évoluant en conséquence). Laisser à main gauche le sommet pour descendre au col Maudit (4 035 m) puis remonter les pentes nord du mont Maudit. L’accès final au col du mont Maudit peut poser souci (80m à 50°, rimayes, relais possibles sur rochers) et noms d’oiseaux. Du col, traverser le flanc sud-ouest du mont Maudit en direction du col de la Brenva (4 303 m). Échappatoire possible vers les Grands Mulets par le Corridor. Remonter la pente raide du mur de la Côte (glace parfois) puis traverser à plat vers les Petits Rochers Rouges et la croupe des Petits Mulets pour déboucher au sommet. Descente : voir en fin de cahier pratique.
Remarques : bien se renseigner sur les conditions de neige (montée au Tacul et au col du mont Maudit). Habitude à garder pour toutes les autres courses en montagne… Si l’approche mécanisée depuis la vallée est à vos yeux rédhibitoire, l’accès à pied au refuge des Cosmiques est possible mais là, on saute plusieurs crans de difficulté (éperon Frendo, Eugster Diagonal…) et le budget matériel va en prendre un coup.
Certain(es) parient sur un sommet à la journée en partant de la première benne du téléphérique. Challenge intéressant (coût du refuge, limitation du Mal aigu des montagnes) mais pause au sommet et photos proscrites s’il s’agit de ne pas rater la dernière cabine ou le dernier train. Entraînement conseillé. Un peu d’histoire et de culture alpine pour
briller au refuge : justement celui des Cosmiques tient son nom de l’étude des rayons cosmiques, projet pour lequel il avait été construit dans les années trente. Il est géré aujourd’hui par la Cie des guides de Chamonix.
LES GRANDS MULETS, DANS LES PAS DES PIONNIERS
Les vases communicants ont fonctionné. Ce que les trois monts ont gagné en fréquentation ces dernières décennies, les Grands Mulets l’ont perdu (sauf au printemps avec le salutaire ski de montagne qui préfère cet itinéraire). La faute aux crevasses et aux séracs - pourtant valables ailleurs - et aux 1800 m de D+ du summitday. Voyons le verre à moitié plein, on y sera plus tranquille pour goûter à l’ambiance sauvage de cette voie historique. Départ : Chamonix (téléphérique de l’aiguille du Midi, 1 038 m).
Départ de la mécanique humaine : Plan de l’Aiguille (station intermédiaire du téléphérique de l’aiguille du Midi, 2 310 m). Engagement/Difficulté : II, PD. Dénivelée : J1 (+820 m) ; J2 (+1 780 m). Horaires : J1 (4h à 5 h) ; J2 (entre 10 h et 15 h). Refuge : des Grands Mulets (3 051 m). Itinéraire (montée) : J1. De la station intermédiaire, gagner le Plan Glacier par la moraine du glacier des Pèlerins (marquage). Traverser à plat et remonter la moraine (rive gauche) pour passer à l’ancienne gare des Glaciers (2 414m). Accéder à la rive droite du glacier des Bossons, traverser horizontalement (toujours Plan Glacier) jusqu’à la Jonction, crevasses, séracs et trace en conséquence puis remonter la côte des Grands Mulets vers les rochers où se trouve le refuge (câbles, 3 051 m).
J2. Du bas du refuge, traverser vers les Petites Montées pour gagner le Petit Plateau (3 650 m, séracs, ne pas traîner). Gravir une pente plus raide (Grandes Montées) vers le Grand Plateau puis on rejoint par le sud-ouest l’itinéraire du Goûter (entre le col du Dôme et l’abri Vallot).
Descente : voir en fin de cahier pratique.
Remarques : toujours pour les allergiques aux remontées mécaniques, possibilité depuis la vallée de rejoindre le refuge soit en partant de la plateforme du tunnel du mont Blanc (on rejoint l’ancienne gare des Glaciers) soit au départ du hameau du Mont (tremplin olympique), Gîte à Balmat et Jonction. L’éthique est coûteuse pour les jambes… L’itinéraire à skis par les Grands Mulets penche de plus en plus vers l’arête nord du Dôme moins
exposé aux chutes de séracs. Revers de cet atout, la voie par cette arête est plus soutenue (AD, raideur, glace, ambiance plus « aérienne »). Un peu d’histoire et de culture alpine pour
briller au refuge : les premiers ascensionnistes (Paccard et Balmat, 1786) avaient globalement emprunté cet itinéraire mais au Grand Plateau, s’étaient élevés par les pentes raides vers les Rochers Rouges. Chapeau…