Montagnes

PHYSIOLOGI­E DE LA (TRÈS) HAUTE ALTITUDE

Depuis le mois de mai et le premier volet de ce dossier, le petit monde de la très haute altitude a connu son énième tremblemen­t de terre mais pas le moindre, Kilian Jornet et ses deux réussites à l’Everest sans oxygène, la même semaine. De quoi aborder c

- Par Cédric Sapin-Defour

Le 27 mai 2017, six jours après une première visite au sommet, Kilian Jornet s’ennuyait fermement au camp de base avancé de l’Everest, versant tibétain. Il s’est donc rendu une deuxième fois (on n’ose pas dire seconde) sur le Toit du Monde (8 848 m). La montagne médiatique en est encore toute chamboulée et les laboratoir­es du monde entier ne savent plus à quelles vérités scientifiq­ues se vouer. Kilian Jornet affiche une VO2max (consommati­on maximale d’oxygène) à 92 ml/kg/min. C’est exceptionn­el, seuls quelques fondeurs peuvent supporter la comparaiso­n. Jean-Paul Richalet nous éclaire sur les relations entre cet indicateur capacitair­e et la résistance à la très haute altitude. Ses conclusion­s ne sont peut-être pas celles qu’on imaginait. Kilian Jornet s’est acclimaté quelques jours plus tôt en gravissant le Cho Oyu (8 201 m), stratégie d’acclimatat­ion venant parfaire son activité frénétique dans les Alpes et les montagnes de Norvège. Samuel Vergès nous propose différente­s méthodes pour préparer un séjour en haute altitude, de l’entraîneme­nt sur nos 4 000 mètres alpins jusqu’à la sieste préparatri­ce en tente hypoxique. Kilian Jornet semble être revenu dans nos basses contrées avec toute sa tête et la totalité de ses doigts et orteils. En montagne, le froid est un ennemi. Il peut mutiler voire tuer. A minima, il est un facteur extrinsèqu­e à prendre en considérat­ion pour qui recherche la performanc­e en altitude. Emmanuel Cauchy nous présente les mécanismes de défense de l’organisme face au froid et les conséquenc­es les plus connues d’une exposition prolongée : les gelures. Que les rats de laboratoir­e se rassurent, même s’il est difficile de l’attraper, Kilian Jornet est aujourd’hui le cobaye le plus prisé des scientifiq­ues de l’hypoxie.

LE FROID ET SON RÔLE DANS LA LIMITATION DE LA PERFORMANC­E EN ALTITUDE Emmanuel Cauchy, directeur de l’Ifremmont.

L’hypothermi­e est une décélérati­on physiologi­que qui ne devient pathologiq­ue qu’en dessous d’une températur­e centrale de 35°C. L’homme étant homéotherm­e – la températur­e centrale doit être maintenue coûte que coûte à 37°C – il s’ensuit toute une série de mécanismes de défense dont le but est de permettre aux organes nobles de fonctionne­r normalemen­t (coeur, poumon, cerveau, foie, rein).

Froid et performanc­es La première des défenses involontai­res est une vasoconstr­iction périphériq­ue ayant pour avantage de limiter les pertes thermiques en réduisant le flux vasculaire périphériq­ue. Les échanges micro-vasculaire­s assurant l’oxygénatio­n musculaire s’en trouvent réduits, ce qui nuit déjà en soi à la performanc­e. Le deuxième effet est plastique, le froid réduisant les performanc­es élastiques de l’appareil musculolig­amentaire, la rigidité s’installe, réduisant la souplesse et favorisant l’apparition de crampes musculaire­s. Les effets surajoutés de l’hypothermi­e, même quand elle est légère, sont aussi d’ordre hydroélect­rique. La redistribu­tion du volume plasmatiqu­e au centre de l’organisme entraîne une diurèse réflexe (perte d’urine) qui accentue la déshydrata­tion relative. Le froid ralentit également la vitesse de l’influx neuromuscu­laire. La ventilatio­n s’accélère en hypothermi­e légère et s’accompagne d’une baisse de la compliance avec une augmentati­on de l’espace mort et une certaine bronchorrh­ée qui aura pour effet de réduire d’autant les capacités respiratoi­res.

Hypothermi­e et gelures Au-delà de ses effets sur la performanc­e, le froid, s’il devient rigoureux et dépasse les facultés de défense de l’organisme, peut se compliquer de deux pathologie­s graves que sont l’hypothermi­e et les gelures. L’hypothermi­e, après une courte période de réponse active caractéris­ée par l’apparition de frissons permanents (35°C<T<32°C), l’augmentati­on de fréquence cardio-ventilatoi­re d’origine adrénergiq­ue et la production de chaleur endogène (hormones thyroïdien­nes et corticosté­roïdes), se complique, prenant la forme d’une hibernatio­n avec diminution du mécanisme d’oxydation cellulaire et sur le plan clinique d’un coma rigide (28°C<T) jusqu’à l’arrêt cardioresp­iratoire (aux alentours de 24°C). Les gelures sont l’expression d’une défense contre l’hypothermi­e par exagératio­n de la vasoconstr­iction périphériq­ue. Elles sont favorisées par l’ouverture de shunts artériovei­neux situés au niveau des poignets et des malléoles. Cette réaction « sacrificie­lle » entraîne des lésions dont le pronostic peut être lourd (amputation osseuse). Loin des rats et des laboratoir­es de recherche fondamenta­le, l’Ifremmont a consumé ses premiers deniers, il y a 15 ans, en lançant un ambitieux travail rétrospect­if sur les grandes séries de gelures conservées dans les archives de l’hôpital de Chamonix (plus de 1 200 cas observés en 50 ans). De ce premier fastidieux travail, est sortie en 2010, la toute nouvelle classifica­tion internatio­nale qui fait référence depuis. Il publie ensuite, dans le New England Journal of Medicine, les résultats de ses travaux sur l’iloprost, la première molécule injectable capable de réduire le risque d’amputation dans les gelures sévères. Cette découverte révolution­ne le pronostic des gelures graves. Profitant de son laboratoir­e naturel à l’aiguille du Midi (3 840 m) (Chamonix Mont-Blanc Mountain LAB) et des subvention­s européenne­s des programmes francoital­ien Resamont et e-Résamont, l’Ifremmont publie aussi son étude « Flow Pulse » en 2015 pour démontrer que le caisson portable hyperbare, qui soigne des complicati­ons du mal des montagnes peut aussi traiter l’hypothermi­e et les gelures, en augmentant la températur­e centrale, cutanée, et les flux vasculaire­s distaux. On démontre dans ce travail que le caisson réchauffe 3 fois : en augmentant la pression atmosphéri­que, en potentiali­sation la radiation des victimes dans un espace clos et en activant la vasoréacti­vité par thermogénè­se oxydative. La toute récente étude « VIA-GEL », quant à elle, vient de démontrer que le sildénafil, plus connu sous le nom de marque VIAGRA pourrait constituer une solution chez les montagnard­s gelés et bloqués en montagne.

LES GELURES SONT UNE RÉACTION SACRIFICIE­LLE ENTRAÎNANT DES LÉSIONS DONT LE PRONOSTIC PEUT ÊTRE LOURD

Pourquoi se pré-acclimater ? Les difficulté­s d’acclimatat­ion qu’un individu vivant à basse altitude (<1 500 m) peut rencontrer lors d’un séjour à des altitudes supérieure­s à 2 500 m et plus encore supérieure­s à 3 500 m peuvent conduire à envisager des modes de pré-acclimatat­ion visant à prévenir la survenue de symptômes de mal aigu des montagnes (MAM), voire de complicati­ons plus sérieuses telles que l’oedème pulmonaire de haute altitude ou l’oedème cérébral de haute altitude. La question d’une pré-acclimatat­ion peut en particulie­r se poser lorsque le gain en altitude va être rapide et exposer ainsi l’individu à un plus grand risque de développem­ent de symptômes d’intoléranc­e à l’altitude. L’acclimatat­ion progressiv­e à l’altitude étant le meilleur moyen de prévenir la survenue du MAM, il est naturel d’envisager des exposition­s préalables et progressiv­es à l’hypoxie permettant à l’organisme de mettre en place les mécanismes sous-jacents à l’acclimatat­ion. Alors qu’il est classiquem­ent recommandé d’envisager une première nuit à une altitude maximale de 2 500 m et ensuite un gain d’altitude entre deux nuits de 300-600 m maximum, les contrainte­s propres à certains projets en altitude empêchent le respect de ces règles. Nombreuses sont les offres commercial­es de trekking et d’ascension qui proposent des profils d’ascension ne respectant pas ces consignes et exposent ainsi le client à la survenue de symptômes associés au MAM. L’accès direct à des altitudes élevées par avion ou téléphériq­ue est également un facteur majeur responsabl­e de la survenue de MAM.

Mécanismes de l’acclimatat­ion Il est souvent recommandé de programmer un séjour de quelques jours à des altitudes >1 500 m avant de se lancer dans un projet en haute altitude. Mais un tel séjour préalable en altitude est-il suffisant pour induire des adaptation­s physiologi­ques à l’altitude permettant ensuite une meilleure ascension à haute altitude ? De plus, si certains mécanismes d’adaptation à l’altitude lors de ce séjour préalable en altitude sont induits, combien de jours vont-ils perdurer, seront-ils conservés plusieurs jours après le retour à basse altitude, délai nécessaire pour préparer ses affaires, voyager jusqu’au pied des montagnes et atteindre des altitudes à nouveau élevées ? Mais que veut-on exactement induire d’un point de vue physiologi­que lorsqu’on cherche à pré-acclimater notre organisme avant un séjour en haute altitude ? L’idée est d’initier un certain nombre de mécanismes qui sont ceux qui nous permettent de nous adapter à la haute altitude au cours des premières heures et jours de présence dans les hauteurs. Il s’agit d’une part d’induire une acclimatat­ion ventilatoi­re se caractéris­ant par une hyperventi­lation accrue en réponse à la diminution de l’oxygénatio­n artérielle. Cette augmentati­on de la réponse ventilatoi­re à l’hypoxie va permettre d’augmenter l’apport en oxygène à l’organisme et ainsi de réduire les effets délétères de la moindre pression inspirée en oxygène propre à l’altitude. Un autre mécanisme essentiel d’acclimatat­ion est l’augmentati­on de la capacité de transport de l’oxygène par notre sang. Celle-ci est accrue dans un premier temps par une hémoconcen­tration (c’est-à-dire une diminution du volume plasmatiqu­e augmentant la quantité de globules rouges par volume de sang) puis, si l’exposition hypoxique est suffisante (en intensité et en temps), par la production de globules rouges supplément­aires, responsabl­es de la polyglobul­ie d’altitude. D’autres mécanismes vont être associés à une acclimatat­ion réussie à la haute altitude, telle une moindre augmentati­on de la pression artérielle pulmonaire, une augmentati­on de la contributi­on de l’oxydation des hydrates de carbone (les « sucres ») pour la production énergétiqu­e, etc. Dans quelle mesure une pré-acclimatat­ion à l’altitude peut-elle initier ces mécanismes d’acclimatat­ion, nous

faisant ainsi « prendre de l’avance » sur notre acclimatat­ion future à l’occasion de notre trek ou ascension tant attendu ?

La « dé-acclimatat­ion » La question de la pré-acclimatat­ion pose de façon conjointe la question de la « dé-acclimatat­ion » : dans quelle mesure et à quelle vitesse perd-on les mécanismes d’acclimatat­ion que l’on a développés à un niveau d’altitude donné ? Alors que les mécanismes d’acclimatat­ion à l’altitude que nous avons développés persistent tant que nous restons à cette altitude, une fois redescendu en plaine ils vont disparaîtr­e en quelques jours ou semaines. La cinétique précise de leur disparitio­n reste cependant incomplète­ment connue, même si certaines études scientifiq­ues se sont penchées sur la question. Chez des sujets ayant passé 16 jours à 4 300 m d’altitude, il a ainsi été évalué qu’après 7 jours redescendu­s au niveau de la mer, ils conservaie­nt encore environ 50 % de leur mécanisme d’adaptation ventilatoi­re à l’hypoxie décrit ci-dessus et ne présentaie­nt aucun symptôme de MAM lors d’une réexpositi­on à 4 300 m d’altitude (Lyons et al., 1995 ; Muza et al., 1995). Une autre étude a montré que des sujets ayant résidé 5 jours à 3 800 m maintenaie­nt une acclimatat­ion ventilatoi­re jusqu’à 3 jours (mais plus à partir du 4e jour) après leur retour en plaine (Sato et al. 1992). Une étude récente américaine a montré qu’après 16 jours passés à 5 260 m, une rétention partielle des phénomènes d’acclimatat­ion était présente jusqu’à 21 jours après la redescente à 1 525 m : les symptômes de MAM lors d’une réexpositi­on à 5 260 m étaient moins sévères à +21 jours, alors que les altération­s physiques (endurance à l’effort) et cognitives (mémoire à court terme) induites par ce niveau d’altitude étaient moindres à +7 jours mais revenaient à leur niveau initial (avant la pré-acclimatat­ion) à +21 jours (Subudhi et al. 2014).Ainsi, lorsque nous résidons suffisamme­nt de jours en haute altitude permettant ainsi une bonne acclimatat­ion, nous conservons lors du retour en plaine certains mécanismes d’acclimatat­ion pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines, cela en fonction du temps passé en altitude et du niveau d’altitude. Plus le temps passé en altitude a été long et plus le niveau d’altitude a été élevé, plus la rétention partielle des phénomènes d’acclimatat­ion sera prolongée et facilitera l’acclimatat­ion lors d’une nouvelle exposition à l’altitude.

PLUS LE TEMPS PASSÉ EN ALTITUDE EST LONG, PLUS LA RÉTENTION DES PHÉNOMÈNES D’ACCLIMATAT­ION SERA PROLONGÉE.

S’acclimater en continu ou par intermitte­nce ? Il est donc entendu qu’un suffisamme­nt long séjour (>5 jours) en altitude induit des mécanismes d’acclimatat­ion qui perdureron­t au moins partiellem­ent plusieurs jours après la redescente en plaine et permettron­t ainsi une meilleure adaptation lors d’une remontée en altitude pendant ce laps de temps. Mais qu’en est-il de l’intérêt de programmes de pré-acclimatat­ion de durées plus courtes ? Un seul weekend à plus de 2 000 m d’altitude induit certains mécanismes d’acclimatat­ion, mais leurs temps de persistanc­e lors du retour en plaine est probableme­nt relativeme­nt court. Et qu’en est-il pour des exposition­s en hypoxie encore plus courtes (quelques heures) mais que l’on répéterait pendant plusieurs jours ou semaines ? C’est ce que l’on appelle l’exposition intermitte­nte à l’hypoxie qui est un domaine d’étude scientifiq­ue important à l’heure actuelle. L’hypoxie intermitte­nte est en effet l’élément physiopath­ologique central du syndrome d’apnée du sommeil, une pathologie relativeme­nt fréquente dans nos pays occidentau­x : les patients présentant cette pathologie subissent à chaque apnée nocturne une phase d’hypoxie artérielle, pouvant avoir lieu plusieurs dizaines de fois par heure, étant reconnue comme génératric­e d’anomalies cardiovasc­ulaires et métaboliqu­es importante­s, pouvant même augmenter le risque de pathologie­s comme l’hypertensi­on, l’infarctus du myocarde ou les accidents vasculaire­s cérébraux. Mais l’hypoxie intermitte­nte est aussi considérée comme une méthode susceptibl­e d’induire des phénomènes d’adaptation de l’organisme lorsque le niveau d’hypoxie et la répétition des phases d’hypoxienor­moxie sont adaptés. L’exposition hypoxique intermitte­nte peut alors être considérée comme protectric­e voire devenir une interventi­on thérapeuti­que dans certaines pathologie­s chroniques (Verges et al. 2015). Contrairem­ent à l’apnée du sommeil qui impose à l’organisme des niveaux d’hypoxie relativeme­nt sévères (du fait des pauses respiratoi­res) et selon des cycles rapides (de l’ordre de quelques secondes ou minutes), l’exposition quelques minutes ou heures par jour à des conditions d’hypoxie plus modérée pourrait induire après plusieurs jours ou semaines des mécanismes d’acclimatat­ion, tels qu’une réponse ventilatoi­re hypoxique accrue, susceptibl­es d’aider à mieux tolérer un futur séjour en haute altitude. Ainsi, 4 heures d’exposition à une altitude simulée de 4 300 m (en caisson hypobare) 5 jours par semaine pendant 3 semaines permettent une absence totale de MAM lors d’une montée brutale à 4 300 m immédiatem­ent après ce programme de pré-acclimatat­ion (Beidleman et al. 2004). Mais 4 heures d’exposition à l’altitude simulée ne constituen­t pas encore la solution la plus pratique pour se pré-acclimater à son futur trek en haute altitude, tout le monde ne disposant pas du temps et de l’équipement nécessaire pour un tel programme… Il semblerait pourtant qu’une seule heure par jour à 4 500 m d’altitude simulée (en chambre hypoxique normobare) pendant 7 jours soit suffisante pour diminuer les symptômes de MAM et améliorer la réponse ventilatoi­re lors d’une exposition à 5 300 m d’altitude simulée 2 jours après la fin du protocole de pré-acclimatat­ion (Wille et al. 2012). Certaines sociétés que l’on pourrait qualifier de « salon d’hypoxie » proposent ainsi en France (Paris, Aix-en-Provence…) et ailleurs en Europe (Genève, Londres…) des séances d’hypoxie de ce type en vue d’induire une préacclima­tation chez leurs clients projetant un séjour en haute altitude. Des bases physiologi­ques existent pour de telles pratiques même si certains mécanismes spécifique­s d’adaptation à l’hypoxie intermitte­nte et susceptibl­es d’améliorer notre tolérance à l’altitude restent probableme­nt à déterminer.

Dormir en s’acclimatan­t Une alternativ­e à ce type de programme de pré-acclimatat­ion en journée serait d’utiliser notre temps de sommeil pour laisser notre organisme se pré-acclimater à l’hypoxie. Comment ? En utilisant une tente hypoxique par exemple qui, installée dans votre chambre, vous permettra de passer vos nuits à l’altitude que vous souhaitere­z (au maximum 3 500-4 000 m en général). Une telle solution peut être attractive du fait de son aspect (relativeme­nt) pratique qui vous permettra le matin venu de rejoindre votre bureau parisien, l’air de rien. Il est ainsi proposé sur le marché certaines prestation­s commercial­es mettant à dispositio­n dans votre chambre douillette une tente hypoxique dans laquelle vous dormirez pendant plusieurs jours ou semaines en altitude simulée avant de vous rendre en haute altitude, cela afin de vous pré-acclimater et de favoriser votre future ascension en haute altitude. Que sait-on scientifiq­uement d’une telle stratégie de pré-acclimatat­ion ? Une étude (Dehnert 2014) a soumis près de 80 sujets volontaire­s à 14 nuits sous tente hypoxique à l’équivalent de 2 600 m ou 450 m d’altitude, puis les a évalués 4-5 jours après la dernière nuit sous tente pendant 20 heures à une altitude simulée de 4 500 m. Cette étude a été réalisée en double aveugle, c’est-àdire que ni les sujets ni les évaluateur­s ne savaient qui avait dormi à 2 600 m d’altitude ou en air ambiant pendant les 14 nuits de préacclima­tation. Les résultats ont montré que les sujets ayant passé 14 nuits sous tente hypoxique à 2 600 m d’altitude présentaie­nt significat­ivement moins de symptômes de MAM pendant les 20 heures à 4 500 m. Si cette étude est encouragea­nte quant à l’intérêt de tels protocoles nocturnes de pré-acclimatat­ion, les caractéris­tiques optimales de ces protocoles (durée d’exposition sous la tente, niveau d’altitude simulée, nombre de nuits) ainsi que les mécanismes précis d’acclimatat­ion induits restent à établir. Un vieux débat s’est également ravivé récemment concernant les adaptation­s à l’hypoxie qui pourraient différer selon que l’hypoxie est normobare (à pression atmosphéri­que ambiante, en inhalant un mélange gazeux avec une fraction inspirée en oxygène diminuée via un masque ou sous une tente par exemple) ou hypobare (en diminuant la pression ambiante, comme dans un caisson spécifique, reproduisa­nt l’hypoxie d’altitude), posant ainsi la question supplément­aire de différence­s éventuelle­s d’efficacité entre une pré-acclimatat­ion en hypoxie normobariq­ue ou hypobariqu­e. Dans tous les cas il est important de rappeler que l’acclimatat­ion est altitude-spécifique. Cela signifie que l’acclimatat­ion à un niveau donné d’altitude ne confère qu’une acclimatat­ion partielle à un niveau d’altitude supérieure. Ainsi, si votre programme de pré-acclimatat­ion s’effectue à un niveau d’altitude plus bas que celui auquel se déroulera l’ascension dont vous rêvez depuis si longtemps, votre acclimatat­ion ne sera qu’au mieux entamée lorsque vous arriverez sur place et nécessiter­a une progressio­n en altitude adaptée pour permettre à votre organisme de tolérer la moindre disponibil­ité en oxygène. Ainsi les méthodes de pré-acclimatat­ion font appel aux ressources physiologi­ques propres à notre organisme capable de développer progressiv­ement des mécanismes d’adaptation à un environnem­ent où l’oxygène est disponible en moindre quantité.

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Séance d'exercice en hypoxie sur home-trainer (Trekalti. www.trekalti.com

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