Montagnes

POKARKANG

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POUR CHANGER DES TREKKING PEAKS ET RETROUVER L’ESPRIT D’EXPÉDITION Pourquoi ce sommet ? Autant l’Amotsang est réservé à des alpinistes très expériment­és ; autant le Pokarkang s’adresse à ceux qui veulent sortir des trekking peaks surfréquen­tés mais qui ne souhaitent pas s’investir dans un 7 000 m exclusif et exigeant en temps et en budget. Le Pokarkang, c’est le sommet intermédia­ire, plus sauvage, plus technique, plus engagé qu’un trekking peak et au 360° impression­nant sur trois 8 000 m du Manaslu au Dhaulagiri en passant par tous les Annapurna. Au nord, le vaste plateau tibétain précédé du Lagula à presque 7 000 m. Et puis, à ce jour, seules cinq expédition­s enregistré­es sur ce sommet. Le Pokarkang est donc extrêmemen­t confidenti­el.

Au départ de Katmandou, il faut compter sur la piste des Annapurna pour gagner du temps et rejoindre plus rapidement le village tibétain de Phu. En quelques jours on se retrouve au coeur de l’Himalaya dans ce village du bout du monde dont finalement on ne comprend pas vraiment les fortificat­ions. Quelles étranges querelles de voisinage ont bien pu motiver ces défenses ? Qu’est-ce qui pouvait donner suffisamme­nt de chien pour guerroyer à ces altitudes ? La vie au village semble suspendue dans le temps. En fin de journée, les femmes filent la laine sur la plus haute terrasse pour avoir les derniers rayons du soleil. Les hommes discutent à côté, des enfants ramènent les chèvres et les yacks. Ici, à part l’air pur, le millet et les pommes de terre, le lait de yack ou encore la laine de chèvre, la terre donne avec parcimonie ; la vie est chiche. On respecte la nature et on passe par la case puja (cérémonie) du monastère pour s’incliner devant Bouddha avant de prendre le chemin du sommet.

On peut mettre un peu tout ce qu’on veut dans la recette à grimper mais en toute objectivit­é, le moteur principal reste l’orgueil. Orgueil du dépassemen­t de soi, orgueil d’être au-dessus, de dominer un instant le paysage. Chacun le regarde de sa lucarne. De ceux qui restent discrets au retour à ceux qui étalent, toujours, le goût de la réussite nourrit généreusem­ent le petit soi. Reste aussi, plus intime, beaucoup moins évidente à partager car bien souvent indicible, la saveur de l’instant sommital ; trop personnel, cumul des efforts accomplis et de la lucidité restante au sommet. Une sensation qui mêle ce que le regard offre, la vue d’en haut et la lucidité particuliè­re à

LE POKARKANG, C’EST LE SOMMET PLUS SAUVAGE, PLUS TECHNIQUE, PLUS ENGAGÉ QU’UN TREKKING PEAK

ces moments de dépassemen­t, lorsque le corps a tout donné, exsangue de fatigue. Cette lucidité particuliè­re vous donne pour un instant si vous savez lui laisser la place, une saveur, un quelque chose de l’ordre de la clairvoyan­ce et de l’acceptatio­n de la vie. Les sages n’ont pas besoin de se mesurer à une montagne, les hommes si.

Empreints de cet esprit de sagesse, on avance par étapes mesurées au camp de la bouse de yack. D’une équipe initialeme­nt réduite à deux Népalais pour le camp de base, toute l’équipe Tribeni a tenu à venir. La logistique a dû être revue en conséquenc­e, riz et carburant en priorité. Sauf que, trouver du fioul à Phu n’est pas une mince affaire. Finalement, on carbure à la bouse de yack, un combustibl­e qui demande un peu d’attention pour devenir incandesce­nt, fait beaucoup de fumée mais produit ensuite une bonne chaleur de rayonnemen­t. Le riz comme les lentilles cuisent à feu doux. Une odeur âcre a élu domicile dans nos vêtements et le camp a trouvé son nom… Du caillou sous toutes ses formes, des schistes aux ammonites, l’univers est maintenant tout à fait minéral. Il faut progresser dans cet agglomérat glissant, on en viendrait presque à espérer une couche de glace surtout dans la descente qui conduit au glacier. Enfin, nous arrivons sur la neige ferme pour établir un camp d’altitude. À présent, la réussite dépend en partie de l’épaisseur de fraîche et de la trace qu’il faudra faire pour gagner l’arête. Le glacier est orienté nord, ce qui signifie au Népal, enneigemen­t… C’est un des facteurs particulie­rs à prendre en compte dans cette région.

Jour J ; on progresse à l’écart des séracs pour rejoindre l’arête sommitale et déjà l’horizon redonne la motivation pour aller

chercher le sommet. La belle pyramide de l’Himlung n’est pas très loin, comme le Gyajikang, moins connu mais qui joue aussi dans la cour des 7 000 m. Assez large, l’arête ne présente pas de difficulté majeure, on prend le temps de boire le paysage à petites goulées. Un peu moins de 200 m et le sommet arrive. Un sommet himalayen comme on l’imagine, avec la grande vallée de la Dho Khola à nos pieds qui donne l’illusion de dominer le territoire des hommes et un parterre de montagnes aux noms prestigieu­x et évocateurs, Manaslu, Annapurna, Dhaulagiri. On tourne sur soi dans cette énumératio­n visuelle des sommets les plus connus du globe. Le Pokarkang par sa position dominante dans cette zone offre un panorama complèteme­nt exceptionn­el, le plus dur est peut-être d’en descendre mais en revient-on vraiment...

 ??  ?? Nawang et Dorje sur l’arête du Pokarkang.
Nawang et Dorje sur l’arête du Pokarkang.
 ??  ?? Nawang et Dorje au début de l’ascension du Pokarkang
Nawang et Dorje au début de l’ascension du Pokarkang
 ??  ?? Arrivée de Dorje au sommet du Pokarkang
Arrivée de Dorje au sommet du Pokarkang

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