Montagnes

Retour sur les Piolets d’Or 2019

- Par Thomas Vennin

Remettre des récompense­s aux alpinistes a-t-il du sens ? Le débat est sans fin, mais ceux qui avancent l’idée de faire des Piolets d’Or un évènement fédérateur autour de l’alpinisme de haut niveau viennent incontesta­blement de marquer des points. La cérémonie du 21 septembre dernier en Pologne restera bien accrochée dans la mémoire de la grande famille de l’alpinisme, qui en a vu de toutes les couleurs le temps de remercier les héros du Nanga Parbat, de célébrer une légende de l’himalayism­e, de féliciter les cadors du Latok, et d’honorer la mémoire de trois étoiles parties trop tôt.

Engoncée dans le sud-ouest de la Pologne, non loin de la frontière tchèque, la petite d’une vue imprenable sur le mont Blanc. Même pas sur les Tatras. Ici, pas d’aiguille, pas de face nord, pas de glacier… Dans un recoin de la ville, un panneau indique bien la présence d’un télésiège à proximité, formelle : le sommet le plus élevé du secteur ne dépasse pas 900 m… C’est pourtant là, que se tient depuis vingt-quatre ans, l’un des plus gros festivals de montagne au monde. « Chaque année, c’est de plus en plus gros ! » s’étonne un confrère polonais « Vous avez ce genre de choses par chez vous, j’imagine ? » interroge un festivalie­r. La réponse nous surprend nous-mêmes. Il faut bien reconnaîtr­e qu’en France aucun évènement autour de la montagne ne rassemble autant de passionnés et d’acteurs du milieu.

Après une première expérience réussie en 2018, les Piolets d’Or sont donc revenus profiter de la ferveur polonaise pour Destivelle et son poignet fatigué à force de signatures pourront en témoigner, la passion des Polonais pour l’alpinisme et son histoire n’est pas un mythe. Mais à l’engouement du public est aussi venu se greffer un programme chargé en émotion, - ment programmé le samedi soir, veille de clôture d’un festival où, pendant quatre conférence­s, débats, concerts et chopes de bière. En deux heures d’une cérémonie sans temps mort, les 2 000 spectateur­s de la big tent sont passés du tonnerre d’applaudiss­ements à la minute de silence, de l’attention religieuse à la standing ovation, et du rire aux larmes.

DES HONNEURS, DES MÉDAILLES ET BEAUCOUP D’ÉMOTION

C’est Pierre Levy, ambassadeu­r de France en Pologne, qui a donné les premiers frissons à la foule en appelant sur scène les sauveteurs d’Élisabeth Revol pour leur remettre la Légion d’honneur en remercieme­nt de leur morceau de bravoure au Nanga Parbat magistral noeud papillon pour l’occasion, se fendait d’un premier discours calme et posé, haranguer la foule qui n’attendait que ça pour standing ovation. Les avis, réservés sur le costume, sont unanimes : la breloque leur va comme un gant. Élisabeth Revol ne dira sûrement pas le contraire ! Ce fut ensuite l’heure de célébrer une légende, accueillie sur scène par Catherine homme aux quatorze 8000, premières hiver Lhotse, solos, ascensions éclair, inusable fait pas tache, loin de là, dans la liste de ceux qui ont reçu le prestigieu­x Piolet d’Or Carrière avant lui. « Je ne comprends pas pourquoi je l’ai reçu avant lui ! » nous a En plus de l’alpiniste, l’homme fait l’unanimité dans le milieu comme nous l’a Pour être un bon grimpeur, tu dois être une bonne personne. Krzysztof est super ! Toujours souriant, toujours positif… je pense qu’il mérite cette récompense pour sa carrière personnell­e, mais aussi pour tout ce qu’ont fait les Polonais en Himalaya. fausse modestie, voit dans cette récompense une reconnaiss­ance pour la génération dorée de l’alpinisme polonais dont il est l’un des belle récompense, « c’est d’être encore en vie ». Deuxième standing ovation.

La moustache la plus célèbre de l’Himalaya a ensuite laissé le devant de la scène Montagne de cristal à ses compatriot­es les convoitise­s, et notamment celle de -

Accompagné­s du Britanniqu­e Tom sommet en empruntant l’arête nord, puis la face sud en bifurquant vers le col ouest aux qui cochaient toutes les cases pour ravir un avant la cérémonie: « Je pense que personne ne doit faire ce genre d’ascension avec l’idée d’avoir une récompense derrière. Ni un Piolet d’Or ni un article dans un magazine. Mais, d’un autre côté, je pense que c’est important pour la communauté d’avoir une sorte de reconnaiss­ance. Ça ne veut pas dire que notre ascension du Latok était la meilleure, mais ça veut dire que c’était une belle ascension. […] Je prends ça comme une sorte de reconnaiss­ance pour notre façon de grimper. »

DAVID, HANSJÖRG ET JESS PRÉSENTS DANS L’ESPRIT DE TOUS

L’atmosphère de la big tent s’est soudain alourdie au moment de décerner les deux derniers Piolets d’Or de la soirée à David - Rocheuses canadienne­s. C’est d’abord également récompensé en 2013 pour son ascension de l’arête Mazeno au Nanga tâche de retracer la belle mais trop courte carrière du prodige David Lama, décédé à seulement 28 ans. À l’automne 2018, l’image de l’alpiniste solitaire s’avançant dangereuse­ment sur l’étonnante proue d’Or, qui n’en demandait pas tant pour cocher le solo du prodige autrichien dans la liste des plus belles réalisatio­ns de l’année. Compagnon de cordée de l’Autrichien lors de ses deux précédente­s tentatives au Lunag sur scène aux côtés des parents de David Lama, très émus, au moment de recevoir la prestigieu­se distinctio­n. Puis l’émotion est encore montée d’un cran lorsque parents, tour, montés sur scène, dignement accueillis par Christian Trommsdorf­f, président du GHM et organisate­ur des Piolets d’Or. C’est public les résultats de son enquête sur la photos retrouvées dans les téléphones des trois alpinistes, l’Américain a pu retracer l’ascension pratiqueme­nt minute par minute, provoqué par une rupture de corniche. « Ils avaient tous les trois l’air très heureux au sommet ; ça a réellement fait une différence pour moi

À la minute de silence religieuse­ment respectée par les 2 000 spectateur­s étourdis par l’émotion, a succédé la troisième standing ovation d’une soirée décidément pas comme les autres, conclue par la tradition paru aussi soudée. Passée l’émotion, il va maintenant falloir se pencher sur le futur des Piolets d’Or.

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tent et son public, nombreux pour cette grand-messe du grand alpinisme. © Michal Zlotowski / Ladek Mountain Festival
Ci-dessus : la big tent et son public, nombreux pour cette grand-messe du grand alpinisme. © Michal Zlotowski / Ladek Mountain Festival
 ??  ?? Ci-contre : Krzysztof Wielicki reçoit le Piolet d’Or carrière. Le public, dans sa grande majorité polonais, est debout. © Michal Zlotowski / Ladek Mountain Festival
Ci-contre : Krzysztof Wielicki reçoit le Piolet d’Or carrière. Le public, dans sa grande majorité polonais, est debout. © Michal Zlotowski / Ladek Mountain Festival
 ??  ?? David Lama, Hansjörg Auer, Jess Roskelley. Une cérémonie marquée par le recueillem­ent de la grande famille de l’alpinisme. © Michal Zlotowski / Ladek Mountain Festival
David Lama, Hansjörg Auer, Jess Roskelley. Une cérémonie marquée par le recueillem­ent de la grande famille de l’alpinisme. © Michal Zlotowski / Ladek Mountain Festival

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