LA PATROUILLE DES GLACIERS
vue par Laetitia Roux
En tant que Française, je ne peux quand même pas la mettre au premier rang, et pourtant… Les 200 duos de la Pierra Menta ne font pas le poids face aux quelques 5 000 patrouilleurs qui prendront le départ à Zermatt, ou à Arolla pour le petit parcours. Personnellement, ça n’est pas ma course favorite mais elle fait sans aucun doute partie du top 3 des courses de ski-alpinisme à vivre absolument !
– La plus mythique et la plus reconnue par son pays : Dans le Valais suisse, c’est quasiment une fête nationale qui est célébrée à Verbier tous les deux ans, à l’arrivée de la Patrouille, avec la démonstration de vol acrobatique de la Patrouille suisse justement, qui n’est rien moins que la patrouille acrobatique officielle des Forces aériennes suisses. J’imagine que 1943, date de création de la Patrouille, fait partie des dates qu’on apprend à l’école en Suisse. Elle fait partie de l’histoire du pays et de leur éducation !
Elle n’a pas une équipe de bénévoles mais une armée pour la servir. C’est pour cela qu’elle constitue un événement mondialement unique. Quelle autre organisation aurait les épaules suffisamment larges pour supporter l’expédition de 5 000 coureurs lâchés en haute montagne entre Zermatt et Verbier ?
– Un exemple de patriotisme : la seule course pour laquelle toute une nation vibre et se mobilise. La seule qui a le pouvoir de rythmer son pays et motiver une population entière ; professionnels de la montagne (guides de haute montagne), compétiteurs, amateurs et mêmes novices.
– La plus populaire et la plus accessible, parmi les courses de ski-alpinisme les plus reconnues mondialement et les plus prestigieuses. D’abord parce qu’il est courant de se faire accompagner d’un guide de haute montagne, ensuite parce que c’est la moins technique, enfin car c’est la seule course de ski-alpinisme qui est capable d’accueillir 5 000 participants. Les trois quarts des engagés ne sont pas compétiteurs dans l’âme mais simplement à la recherche du dépassement de soi, du partage d’expérience avec des amis ou des membres de leur famille, d’émotion et de passion.
– Celle qui a le plus de cachet : il faudra vivre quelques briefings dans l’église de Zermatt avant de ne plus avoir la chair de poule lorsque le commandant annonce officiellement que la course aura lieu ! – La plus longue : soit 57,5 km pour 4 386 m de dénivelé positif. Tout le monde se souvient du passage en skating (ou en peaux, au choix selon les conditions) du lac des Dix. Une looonnnnngue balade sur les rives du lac…
– Celle qui demande le plus de logistique et de préparation avec son équipe : Peu technique, c’est la seule qui ne nécessite pas de savoir faire une conversion ! Pour autant, il faut quand même savoir skier encordé de nuit avec ses coéquipiers. Une corde qu’il est intéressant d’équiper d’un élastique qui gommera les erreurs de conduite et rendra plus souple les malentendus et changements de direction inattendus entre patrouilleurs. Mais rassurez-vous, la partie encordée n’est ni longue ni technique. Le plus dur est de décider qui portera la corde pendant tout le reste de la course. Et même si je suis d’accord avec vous et le principe de la montgolfière qui dit, je cite : « Pour que ça monte, il faut lâcher du lest », je vous rappelle que cela n’est pas autorisé, même dans le mur d’Arolla qui t’arrête net !
– Le départ le plus tôt, ou le plus tard, ça dépend pour qui… Toute la nuit, de 22h à 3h du matin, des départs sont donnés régulièrement. C’est assez marrant de regarder à la télé les copains prendre le départ situé à quelques mètres de ta chambre. Tu peux même entendre le speaker depuis ton lit selon l’emplacement de l’hôtel. Ça met dans l’ambiance !
– Records à la clef : la seule course où les meilleurs ne cherchent pas seulement à passer la ligne d’arrivée en premiers mais aussi à faire tomber le record ! En 2018, les records sont battus chez les femmes et les hommes. C’est avec Jennifer Fiechter et Axelle Mollaret que nous établissons le nouveau record avec un temps de 7 heures 15 minutes. Chez les hommes, les Italiens passent la ligne d’arrivée à Verbier en 5 heures 35 minutes.
– Celle qui m’en aura fait le plus baver ! Il m’aura fallu quatre participations pour enfin réussir à faire la cinquième sans douleurs physiques (je ne parle bien entendu pas de douleurs musculaires, mais plutôt de douleurs tendino-ligamentaires qui ne sont pas bon signe).
– La der ! Eh oui ! Avec la Mezzalama, elles se font désirer jusqu’au dernier week-end d’avril, voire mai ! Elles alternent une année sur deux. Mais deux années ne sont pas de trop pour préparer une telle aventure, autant pour l’armée suisse que pour les coureurs.
– La plus déstabilisante émotionnellement : j’ai fini chacune de mes Patrouilles en pleurs ! Des larmes de joie bien sûr, mais aussi de soulagement, de délivrance et d’apaisement ! C’est également un sentiment de satisfaction personnelle énorme lorsque tu parcours la rue principale de Verbier, en courant, ou en marchant, selon l’état du bonhomme, et que pour la première fois depuis Zermatt, tu aimerais que ce moment dure. Au milieu de la haie d’honneur faite par les spectateurs qui nous réservent un accueil mémorable, tu réalises que tu l’as fait ! L’émotion est exacerbée car c’est également le moment de clôturer une saison de ski-alpinisme de plus. Tu peux enfin relâcher la pression et laisser aller ton corps et ton esprit !
– La seule course de ski-alpinisme où tu dois t’inscrire sept mois à l’avance : programmez d’ores et déjà un rappel pour septembre 2022 si vous ne voulez pas louper la prochaine édition !