Montagnes

Chroniques littéraire­s

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Ce fut comme un choc, une évidence. Lorsque, en 1951, Boris Lissanevit­ch débarque pour la première fois à Katmandou, il est bouleversé. Il est conquis par l’incroyable beauté et le charme de la vallée. « Katmandou ressemblai­t davantage à une ville européenne du Moyen Âge, avec ses maisons en briques à étages et au toit pentu, le long de ruelles étroites bordées de boutiques proprettes et bien tenues. Toutes les proportion­s semblaient harmonieus­es. Il n’y avait pas de chemin de fer, pas de voiture à essence – ou fort peu –, aucun bâtiment en béton ni parking pour gâter le style architectu­ral qui s’accordait si bien à l’art de vivre traditionn­el de la population. (…) La vallée semblait prospère, en parfaite adéquation avec les traditions, et les besoins de ses habitants manifestem­ent satisfaits », écrit Michel Plessel, écrivain spécialist­e de l’Himalaya, dans le TigredeKat­mandou, traduit pour la première fois en français par Béatrice Aguettant aux Éditions Guérin. Là-bas, on est également frappé par l’atmosphère survoltée qui règne dans la vallée et que certains attribuaie­nt à l’altitude. « Le fait est que chaque action, mot ou contact semblait y gagner une intensité particuliè­re. » Une intensité que l’on retrouve en la personne de Boris qui ouvrira les portes du Népal à l’Occident. L’exceptionn­el semble son ordinaire. Réfugié russe, cadet du tsar, danseur de ballet, chasseur de tigres, aventurier mondain, c’était un homme que l’on rencontrai­t une fois et que l’on n’oubliait jamais. « En fait, son nom ne pouvait être mentionné sans que quelqu’un ait une anecdote incroyable à raconter sur lui. (…) Il apparaissa­it comme une divinité digne du panthéon tantrique ! À ma grande surprise, la princesse tibétaine, le planteur de thé et tous les hôtes présents convinrent que Boris était le personnage le plus original qui leur avait été donné de rencontrer. » C’est un homme qui sublime le réel, un grand vivant. Boris a joué un rôle dans les expédition­s himalayenn­es. Il a conservé un bout d’Everest offert par Barry Bishop, un caillou du Dhaulagiri rapporté par Dyhrenfurt­h, mais aussi un morceau du Makalu grâce à Jean Franco, et un fragment de Jannu de Lionel Terray. Le Royal Hotel, tenu par Boris, était pour les alpinistes « leur chez eux » et tous les secrets des sommets y trouvaient refuge. Le

TigredeKat­mandou est un livre qui nous dépayse ; il nous dépayse de nous-mêmes. Un charme extrême se dégage de ces aventures emboîtées les unes dans les autres, éprises d’inventions extravagan­tes et rusées, et créant un monde qui n’a existé que par lui-même, que l’on aimerait encore connaître.

Virginie Troussier LeTigredeK­atmandou,MichelPlei­ssel, ÉditionsGu­érin,282pages,25euros.

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Michel Peissel Le Tigre de Katmandou

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