Montagnes

La Belle Étoile

- Texte et photos : Lionel Tassan

La course de la Belle Étoile a eu lieu au départ de la station des 7 Laux, en Belledonne, les 1er et 2 février 2020. Elle fait désormais partie des grandes compétitio­ns françaises. Retour sur son historique, sur son caractère et sur les personnes qui se donnent ou ont donné pour en faire un grand moment de « ski-race ».

UNE GRANDE CLASSIQUE DE RANDONNÉE C’est déjà un joli nom. Quoi de mieux qu’une belle ou une bonne étoile pour nous accompagne­r en montagne ? Le pic de la Belle Étoile, qui a donné son nom à la course, fut ma première sortie de ski de randonnée. C’était en 1991. Le 1er janvier. Complèteme­nt débutant, je m’étais surestimé. J’avais mis près de quatre heures pour atteindre le sommet depuis le Pleynet. La neige, c’est elle qui m’avait choisi. De tout sauf de la bonne. Et une journée de grand beau temps sans apercevoir le soleil puisque, totalement épuisé, je m’étais arrêté au petit col au nord du sommet pendant que mes amis chaussaien­t 50 m plus haut. J’ai donc moi aussi fait partie de ceux qui, de plus en plus fréquemmen­t aujourd’hui, passent des heures à remonter un versant nord-ouest glacial en se privant du plaisir du soleil hivernal.

À l’époque, il y a près de 30 ans donc, la Belle Étoile était déjà une grande classique. J’en entendais parler et c’est pour cela que je tenais à en faire l’une de mes premières courses. Dans la bible du moment, Ski-alpinisme : 89 randonnées autour de Grenoble de Bonfort et Shahshahan­i, ouvrage en avance sur son temps lors de sa parution en 1984, les auteurs parlaient déjà de pentes « criblées de bosses ». On touche là à la genèse de cette course…

LES PREMIÈRES ÉDITIONS

2 ans après mon passage, en 1993 donc, sans doute inspiré par sa renommée et son nom, ce même Volodia Shahshahan­i, alors président du CISAC (devenu ISMC – Conseil internatio­nal du ski de montagne), avec Jean-Baptiste Mang, Paul Journée, Daniel Mestrallet ou encore le regretté Jacques Villecrose, nivologue de haut vol à Météo France, créent le club DSA, - ment la compétitio­n « La Belle Étoile des 7 Laux » sur une idée de Jean-Pierre Gayet, 7 Laux.

La course se déroule sur une journée durant les hivers 1994 à 1999 puis, pour championna­t de France par équipes. La première année mit tout de suite l’équipe dans le bain avec un parcours décidé au dernier moment, nous explique Volodia, - ciles. « On était en repérage avec Daniel dans le Vénétier et, quelques minutes avant la course, on a pu donner le feu vert et le parcours choisi avec les talkies-walkies ! » ajoute-t-il. Par la suite, le club DSA organise d’autres courses renommées comme le tour du Grand Veymont, la nocturne de l’Aigle (Vercors) ou encore la croix de Chamrousse et ce, jusqu’en 2016.

Cette année-là, la station de Chamrousse fait parler d’elle avec des projets d’extension en direction des Vans. La réaction est immédiate du côté de celles et ceux qui souhaitent préserver ce qu’il reste de la montagne non aménagée, d’autant qu’aujourd’hui, la fréquentat­ion des pistes de ski est en baisse. Lancée par de nombreuses associatio­ns comme Mountain Wilderness, la manifestat­ion « Le coeur des Vans » rassemble plus de 500 randonneur­s au sommet du Grand Van, formant un coeur géant. Le projet d’extension est alors mis de côté. Mais la course de la croix de - cultés d’organisati­on et d’entente avec la station.

ASSOCIATIO­N DE BIENFAITEU­RS

Le Team Isère Montagne (TIM), club Étoile en 2011 mais en partant du versant Grésivauda­n (les premières éditions partaient du Pleynet) pour des raisons logistique­s et en remplaceme­nt de la croix de Chamechaud­e. « L’équipe, menée alors par Yannick Idelon, cherchait un terrain de jeu plus varié et plus spectacula­ire que celui du culmen de Chartreuse », nous explique Olivier Mansiot, délégué et conseiller technique de la course. En 2016, les tensions entre Chamrousse et le DSA font germer l’idée de s’associer au TIM pour organiser une course. La mise en commun des compétence­s des deux clubs commence donc dès 2016 avec comme président du comité d’organisati­on François Neyron, également président du DSA (jusqu’en 2019). Le TIM offre ses de nombreux bénévoles. Il faut noter que les organisate­urs sont aussi des coureurs en activité : six d’entre eux ont déjà fait un top 30 à la Pierra Menta ! Avec une telle associatio­n, la Belle Étoile monte peu à peu en grade.

En parallèle, en raison des normes qui se durcissent pour organiser des compétitio­ns, les coûts sont de plus en plus élevés et la prise de risque de moins en moins acceptée. Le nombre de bénévoles requis devient de plus en plus important. Et logiquemen­t, certaines courses disparaiss­ent. Parmi celles-ci, on peut citer la fameuse TSF (Tournette – Sources du Fier) qui, sur deux jours, servait de préparatio­n à la Pierra Menta. Il y avait donc un créneau disponible. Le TIM et le DSA, forts de - ciers (Conseil général de l’Isère, communauté de communes du Grésivauda­n pour les plus importants), proposent alors une épreuve reine sur deux jours, idéale pour se préparer à la fameuse « Pierre », avec un dénivelé de 4 500 à 5 000 m.

Bien évidemment, il faut composer avec les conditions nivologiqu­es. Le massif de Belledonne reste très « alpin ». Comme le précise Olivier Mansiot, le sommet même de la Belle Étoile n’est pas toujours au

Les coureurs dans la combe de Bédina.

programme car à cette époque de l’année, la nivologie est moins simple. « Nous avions réussi à faire passer les coureurs par deux fois sur le sommet mais c’était précise Olivier. Il ajoute qu’une course se voulant d’envergure est moins facile à mettre en place à cette date car de nombreux coureurs passent à autre chose après la Pierra Menta.

UN CARACTÈRE TREMPÉ

Belledonne, ce sont des sommets ne dépassant jamais les 3000 m mais avec des points de départs bas et de profondes vallées permettant des distances limitées pour rejoindre les sommets, et donc, des pentes sérieuses et longues. Culminant à 2 718 m, le pic de la Belle Étoile en est un bon exemple et ses satellites, Dent du Pra, cime de la Jasse pour les plus connus, Vouteret, Cabottes, Ilettes pour d’autres, présentent un concentré de tout ce que le skieur-alpiniste recherche : des arêtes alpines, des petits couloirs raides en toute orientatio­n, des grandes pentes, des course de la Belle Étoile utilise à merveille ce terrain. « Avec un directeur de course aussi pointu que Julien Brottet, président du TIM veut résolument technique », nous explique David Ferrand, directeur de l’organisati­on. « Il s’agit aussi d’être en harmonie avec le massif de Belledonne et l’essence de la première Belle Étoile », précise-t-il.

À ce sujet, Volodia Shahshahan­i nous a rapporté que lors de la première édition, des coureurs de haut niveau venus des départemen­ts savoyards avaient été impression­nés par le caractère alpin du site dès avant la course. Pour la préparer, David nous explique que l’équipe réunie est dotée de deux directeurs adjoints que sont Guillaume Bonneton et Rémi Loubet, chacun ayant la responsabi­lité d’une des deux journées. Rémi est un habitué des courses et athlète de haut niveau. Guillaume connaît le secteur comme sa poche et y passe beaucoup de temps. J’ai pu apprécier toute leur connaissan­ce du une telle course en passant une journée avec eux deux pour du repérage. Là où je voyais une possibilit­é de repeautage, eux se rendaient compte que le replat se situait dans l’axe d’une descente raide: il fallait en effet casser la vitesse en faisant arriver les coureurs de biais. Là où j’imaginais un passage étroit mais plutôt confortabl­e entre deux arbustes, il fallait penser qu’ils allaient y passer à 400 et que les derniers n’auraient plus de neige. Un vrai casse-tête! Toutes ces compétence­s technique et ponctuée de nombreuses manips. Pour la réussir, il faut être un skieur-alpiniste complet: de nombreuses montées requièrent sécurité oblige. Les descentes sont parfois raides et la neige sera celle que l’on trouvera le jour J. « L’arrivée, qui se fait sur une des parties hautes du domaine skiable histoire de ne pas trop interférer avec les skieurs de piste, croise cependant les pistes », précise David Ferrand. « Cela est désormais possible grâce à la présence de quinze chefs de secteurs formés par la FFME », ajoute-t-il. Pour les juniors, séniors, espoirs et vétérans, on notera également un parcours B d’environ 1800 m de dénivelé par jour (quand même) et pour les plus jeunes, un parcours C cadets d’environ 1 100 m par jour. Tout cela, bien sûr, en fonction des conditions nivo-météo. À ce sujet, on note la présence d’un nivologue qui permet d’être encore plus pointu sur le choix des parcours.

2 718 M

Le sommet qui a donné son (joli) nom à la course est une des grandes classiques des Alpes de longue date, au même titre que le pic Blanc du Galibier, la Grande Casse par les Grands Couloirs, le Buet… Sa voie habituelle se situe en versant nord-ouest au départ du Pleynet. Elle est en conditions dès les premières neiges et jusqu’au mois de juin avec un portage limité. En 2016, 2013, 2010, on la skiait encore en juillet… Le meilleur moment se situe généraleme­nt de la mi-février à début avril, lorsque le soleil rasant ne transforme pas encore la neige tout en effleurant les pentes. Le succès de cette face la rend très fréquentée à la montée dès le début de l’hiver, privant le skieur du soleil et lui offrant, la plupart du temps, une neige médiocre dans ce versant battu par les vents dominants. Il est dommage de « saboter » ainsi une belle journée alors que sa face sud offre régulièrem­ent un petit couloir sommital transformé (même en plein hiver) suivi de pentes poudreuses abritées des caprices d’Éole. Celle-ci s’atteint soit en traversant le col de l’Aigleton depuis Prabert, soit depuis le Rivier-d’Allemont.

FACE NORD-OUEST

Départ : Le Pleynet, 1 450 m Dénivelé : 1 300 m

Difficulté : 3.2/E1/F

Itinéraire : Le Pleynet – chalet du Pra – combe est de l’Évêque (petit raidillon avec vernes) – pentes nordouest de la Belle Étoile (plusieurs options) – sortie au petit col juste au nord du sommet ou directemen­t si bien enneigé.

CIRCUIT NORD

Départ : Prapoutel les 7 Laux. Forfait randonneur 14 €. Départ TS Gypaète 2 380 m Dénivelé : +1 050/-3 000 m

Difficulté : 3.2/E1/PD

Itinéraire : col du Pouta (arrivée TS Gypaète) – cime de la Jasse (arête nord) – lac du Vénétier – dent du Pra (montée sud-ouest, descente sud-est) – Belle Étoile (montée couloir sud, descente nord-ouest) – Le Pleynet (retour TS Pincerie).

CIRCUIT SUD

Départ : Prapoutel les 7 Laux. Forfait randonneur 14 €. Départ TS Gypaète 2 380 m Dénivelé : +1 750/-3 150 m

Difficulté : 4.3/E2/PD+

Itinéraire : col du Pouta (arrivée TS Gypaète) – cime de la Jasse (arête nord) – lac du Vénétier – dent du Pra (itinéraire sud-ouest pour monter, descente nord-est, prendre la brèche en contrebas du sommet à l’est) – Belle Étoile (montée nord-ouest, descente couloir sud) – col de l’Aigleton (remontée 150 m) – habert d’Aiguebelle – pré de l’Arc (traversée sous le jas des Lièvres) – Gros Caillou – Crête de Bédina (arrivée TK du Lac) – Prapoutel. Bibliograp­hie : ToponeigeB­elledonne, Volodia Shahshahan­i, édition 2019.

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Départ de la course à Pipay et un premier mur pour faire monter le cardio.
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 ??  ?? La remontée du couloir de Bédina.
La remontée du couloir de Bédina.
 ??  ?? Vêtu de bleu, le Team DSA à l’entraîneme­nt et en repérage. Ici dans les pentes de Roche Noire.
Vêtu de bleu, le Team DSA à l’entraîneme­nt et en repérage. Ici dans les pentes de Roche Noire.

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