PARTIR AVEC UN GUIDE
Alpinisme et ski sont intimement liés, notamment leur enseignement qui s’est établi de façon concomitante. On situe l’événement fondateur de l’École nationale de ski et d’alpinisme (ENSA) en 1937 avec le 1er stage de préparation des futurs guides à Chamonix à l’instigation de Roger Frison-Roche et d’Armand Charlet, à l’époque, au sein de la FFS (Fédération française de ski). C’est seulement en 1943 qu’il y a acquisition du titre de l’ENSA, d’abord filiale de l’Institut national des sports sous Vichy puis, en 1946, auprès du ministre de l’Éducation nationale.
QUELS SONT LES RÔLES ET MISSIONS DE L’ENSA ?
Les missions de l’ENSA ont trait en premier lieu à la formation des guides de haute montagne, des moniteurs de ski et des moniteurs de parapente, éducateurs sportifs, tous professionnels en charge de la sécurité. Mais c’est aussi la recherche et l'expertise dans le champ des pratiques sportives de la montagne et de la sécurité comme l’étude de l’accidentologie ou les tests de matériel. Une part non négligeable de la mission de l’école est également liée au développement à l’international avec la promotion des méthodes d'enseignement et du savoirfaire français. Dans ce cadre, l’ENSA a notamment beaucoup aidé au développement des formations de GHM en Bolivie, au Népal et en Équateur, permettant à ces trois pays de rejoindre l’UIAGM, l’association internationale qui regroupe les associations nationales de guides de montagne du monde.
LA STRUCTURATION DE LA FORMATION A-T-ELLE EU UNE INFLUENCE SUR LA PRATIQUE DE L’ALPINISME ?
La structuration de la formation des guides a probablement influé sur la pratique de l’alpinisme en même temps que celle-ci influençait le développement de la formation. Alors que les premiers alpinistes étaient issus de l’aristocratie et de la bourgeoisie, souvent britanniques, les guides étaient des gens du cru, cristalliers et chasseurs de chamois qui fréquentaient déjà avant l’émergence du tourisme, les « terres maudites » de l’altitude. Au départ, c’est un métier de « bandit » qui, un jour, est touché par la grâce lorsqu’il contemple d’en haut la beauté du monde. Aujourd’hui, le guide possède un bon niveau technique, au vu de l’exigence de l’examen d’entrée en formation, et de fait, il a donc pratiqué l’alpinisme avant de se lancer dans cette formation. Une fois guide, il devient détenteur d’un savoir tout autant que gardien d’un domaine dont il ouvre les portes, comme aurait dit Rébuffat, aux voyageurs (ses clients) qu’il conduit là-haut, et devient un « passeur d’horizons ».
QUELLE APPROCHE POUR LA FORMATION DES GUIDES ?
Afin d’aider l’apprentissage des futurs guides, nous essayons de travailler dans la confiance, l’empathie et l’écoute, l’idée étant d’établir une relation bienveillante équilibrée. Les stagiaires sont impliqués dans la formation et placés très rapidement en situation de responsabilité, bien sûr de façon progressive en adéquation avec leur niveau de formation. Celle-ci repose également sur l’alternance : ils doivent faire des courses en tutorat avec un guide et, en parallèle, ils commencent à travailler selon leurs prérogatives, elles aussi progressives. Tout le long de ces trois années et demie que dure la formation, la gestion des risques est également au centre des préoccupations. La haute montagne étant un milieu à fort aléa non exclu de dangers. Gérer le risque, c’est peut-être en premier lieu l’accepter et l’analyser, puis voir quels moyens mettre en oeuvre pour y parer.
On demande également aux stagiaires de faire une liste de courses dites « de perfectionnement et renforcement personnel » à présenter pour le stage final de guide. Des courses dites « en amateur », au travers desquelles on s’assure qu’ils sont capables de répondre à des situations engagées et complexes, alimentant ainsi leur expérience. Enfin, on aborde les différentes facettes de la communication car la relation guide-client ce n’est pas seulement accumuler les sorties, c’est aussi créer une histoire commune que l’on enrichit au fil des courses. Aujourd’hui, la féminisation du métier me semble primordiale, par la diversité des regards et des savoir-être que les femmes peuvent apporter à notre profession. À noter qu’en 2017, pour la première fois de son histoire, l’ENSAa diplômé 6 femmes guides la même année sur une promotion de 50 guides.