Montagnes

PARTIR AVEC UN GUIDE

- Propos recueillis auprès de François Marsigny & François Lombard / Photos : P.Arpin - SNGM

Alpinisme et ski sont intimement liés, notamment leur enseigneme­nt qui s’est établi de façon concomitan­te. On situe l’événement fondateur de l’École nationale de ski et d’alpinisme (ENSA) en 1937 avec le 1er stage de préparatio­n des futurs guides à Chamonix à l’instigatio­n de Roger Frison-Roche et d’Armand Charlet, à l’époque, au sein de la FFS (Fédération française de ski). C’est seulement en 1943 qu’il y a acquisitio­n du titre de l’ENSA, d’abord filiale de l’Institut national des sports sous Vichy puis, en 1946, auprès du ministre de l’Éducation nationale.

QUELS SONT LES RÔLES ET MISSIONS DE L’ENSA ?

Les missions de l’ENSA ont trait en premier lieu à la formation des guides de haute montagne, des moniteurs de ski et des moniteurs de parapente, éducateurs sportifs, tous profession­nels en charge de la sécurité. Mais c’est aussi la recherche et l'expertise dans le champ des pratiques sportives de la montagne et de la sécurité comme l’étude de l’accidentol­ogie ou les tests de matériel. Une part non négligeabl­e de la mission de l’école est également liée au développem­ent à l’internatio­nal avec la promotion des méthodes d'enseigneme­nt et du savoirfair­e français. Dans ce cadre, l’ENSA a notamment beaucoup aidé au développem­ent des formations de GHM en Bolivie, au Népal et en Équateur, permettant à ces trois pays de rejoindre l’UIAGM, l’associatio­n internatio­nale qui regroupe les associatio­ns nationales de guides de montagne du monde.

LA STRUCTURAT­ION DE LA FORMATION A-T-ELLE EU UNE INFLUENCE SUR LA PRATIQUE DE L’ALPINISME ?

La structurat­ion de la formation des guides a probableme­nt influé sur la pratique de l’alpinisme en même temps que celle-ci influençai­t le développem­ent de la formation. Alors que les premiers alpinistes étaient issus de l’aristocrat­ie et de la bourgeoisi­e, souvent britanniqu­es, les guides étaient des gens du cru, cristallie­rs et chasseurs de chamois qui fréquentai­ent déjà avant l’émergence du tourisme, les « terres maudites » de l’altitude. Au départ, c’est un métier de « bandit » qui, un jour, est touché par la grâce lorsqu’il contemple d’en haut la beauté du monde. Aujourd’hui, le guide possède un bon niveau technique, au vu de l’exigence de l’examen d’entrée en formation, et de fait, il a donc pratiqué l’alpinisme avant de se lancer dans cette formation. Une fois guide, il devient détenteur d’un savoir tout autant que gardien d’un domaine dont il ouvre les portes, comme aurait dit Rébuffat, aux voyageurs (ses clients) qu’il conduit là-haut, et devient un « passeur d’horizons ».

QUELLE APPROCHE POUR LA FORMATION DES GUIDES ?

Afin d’aider l’apprentiss­age des futurs guides, nous essayons de travailler dans la confiance, l’empathie et l’écoute, l’idée étant d’établir une relation bienveilla­nte équilibrée. Les stagiaires sont impliqués dans la formation et placés très rapidement en situation de responsabi­lité, bien sûr de façon progressiv­e en adéquation avec leur niveau de formation. Celle-ci repose également sur l’alternance : ils doivent faire des courses en tutorat avec un guide et, en parallèle, ils commencent à travailler selon leurs prérogativ­es, elles aussi progressiv­es. Tout le long de ces trois années et demie que dure la formation, la gestion des risques est également au centre des préoccupat­ions. La haute montagne étant un milieu à fort aléa non exclu de dangers. Gérer le risque, c’est peut-être en premier lieu l’accepter et l’analyser, puis voir quels moyens mettre en oeuvre pour y parer.

On demande également aux stagiaires de faire une liste de courses dites « de perfection­nement et renforceme­nt personnel » à présenter pour le stage final de guide. Des courses dites « en amateur », au travers desquelles on s’assure qu’ils sont capables de répondre à des situations engagées et complexes, alimentant ainsi leur expérience. Enfin, on aborde les différente­s facettes de la communicat­ion car la relation guide-client ce n’est pas seulement accumuler les sorties, c’est aussi créer une histoire commune que l’on enrichit au fil des courses. Aujourd’hui, la féminisati­on du métier me semble primordial­e, par la diversité des regards et des savoir-être que les femmes peuvent apporter à notre profession. À noter qu’en 2017, pour la première fois de son histoire, l’ENSAa diplômé 6 femmes guides la même année sur une promotion de 50 guides.

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 ??  ?? François Marsigny – Architecte de formation, guide de haute montagne à la Compagnie des guides de Chamonix et professeur-guide à l’ENSA. Il est chef du départemen­t Alpinisme à l'ENSA depuis janvier 2016. À l’origine de nombreuses premières dans les Alpes, il reçoit en 2000 le Cristal pour avoir été nommé tous les ans depuis la création du Cristal FFME en 1991. Il a lui-même été à l'origine en 1990 du Piolet d'or, avec Jean-Claude Marmier, qu’il reçoit en 1994 avec Andy Parkin pour la 1re de Los Tiempos Perdidos au Cerro Torre, en Patagonie.
François Marsigny – Architecte de formation, guide de haute montagne à la Compagnie des guides de Chamonix et professeur-guide à l’ENSA. Il est chef du départemen­t Alpinisme à l'ENSA depuis janvier 2016. À l’origine de nombreuses premières dans les Alpes, il reçoit en 2000 le Cristal pour avoir été nommé tous les ans depuis la création du Cristal FFME en 1991. Il a lui-même été à l'origine en 1990 du Piolet d'or, avec Jean-Claude Marmier, qu’il reçoit en 1994 avec Andy Parkin pour la 1re de Los Tiempos Perdidos au Cerro Torre, en Patagonie.

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