Les dangers en montagne
Viser son créneau météo pour ne pas se retrouver sous l’orage, gérer le risque d’avalanches et de chutes de pierres, connaître le niveau de sa cordée et les principes de l’acclimatation… et, en cas de besoin, savoir préparer sa trousse de secours et les déclencher : la montagne est pleine de dangers, autant savoir s’y préparer !
En mettant en place mon rappel, concentré sur les manips, je n’avais pas remarqué que les nuages étaient arrivés ni que la météo avait changé si vite. Pourquoi n’ai-je rien perçu de ces changements ? Et quels sont les dangers liés à l’alpinisme ? Lorsque l’orage tombe en montagne, les risques de glisser sont plus importants que d'être foudroyé.
D’ailleurs, la plupart des accidents sont liés à la précipitation, aussi faut-il pouvoir adapter sa réponse aux dangers en restant concentré et attentif à son environnement, prudent dans ses manoeuvres et déplacements, par exemple mettre un prussik sur sa corde lors d’un rappel, ou encore mettre des points d’assurage lorsque l’on est en mouvement sur une arête. CONDITIONS MÉTÉOS
Le danger lié au brouillard est de se perdre, s’écarter de l’itinéraire, s’enfoncer dans un mauvais choix sans remettre en question le chemin que l’on suit. On dispose d’outils comme les cartes, GPS, smartphone avec Iphigénie, encore faut-il savoir s’en servir. Le vent refroidit, on parle d’effet windchill ou « indice de refroidissement éolien » qui est la capacité que le vent a de refroidir par effet de convection, d’où la nécessité de prendre plusieurs couches de vêtements, dont une veste coupe-vent. Le vent a également un effet énervant, il catalyse les peurs et les angoisses, et peut provoquer la précipitation. Il s’agira d’adapter sa réponse par un changement de versant (moins venté), de se couvrir afin d’être apte à prendre la meilleure décision.
VISER SON CRÉNEAU MÉTÉO
La météo est un facteur décisif pour une sortie en montagne réussie, et les prévisions météorologiques jouent donc un rôle crucial dès la planification de la sortie.
Outre les températures, précipitations et vents annoncés, bons indicateurs de la météo prévue, la date des dernières précipitations est également à surveiller si on s’engage sur des itinéraires exposés nord ou dans des cheminées, par exemple, car le rocher risque d’y être mouillé.
Il est conseillé de prendre des informations météo auprès de personnes de confiance pour les croiser avec les prévisions météorologiques et vos propres observations : guides ou grimpeurs locaux, gardiens de refuges pourront souvent vous fournir des informations fiables et actualisées.
SUR LE TERRAIN ISOTHERME 0° ET NIVEAU DE GEL .
Déterminée par radiosondage à l’aide de ballons-sondes, l’isotherme 0 représente l'altitude minimale à laquelle la température atteint la valeur de 0 degré Celsius dans l’atmosphère. Il ne faut pas confondre isotherme 0 degré et niveau de gel : l’iso 0° caractérise la masse d'air, tandis que le niveau de gel, paramètre propre au sol et dépendant de l’ensoleillement, donc du versant et du moment de la journée (jour/nuit).
Pour une même masse d'air, l'isotherme 0 degré varie peu entre le jour et la nuit. Cependant, une variation de 1000/2000 m est tout à fait normale lors d'un changement de masse d'air, comme c’est le cas lors du passage d’une perturbation.
En conséquence, l’isotherme 0 n’est pas d’une grande utilité pour l’alpiniste. Cela concerne surtout l’aviation puisqu’il s’agit de la température dans l’atmosphère, et non pas au sol !
L’ALTIMÈTRE.
Si l’altitude indiquée sur votre altimètre change beaucoup plus qu’elle ne devrait par rapport à votre progression, c’est que le baromètre utilisé pour la calculer tient compte d’un changement important de la pression atmosphérique. Si vous dormez en montagne, regardez votre altimètre le soir avant de vous coucher et le matin en vous levant : « Si la valeur de l’altimètre a beaucoup augmenté, ce n’est pas bon signe. »
LES ORAGES EN MONTAGNE
Savoir observer la météo sur le terrain est essentiel pour détecter à temps la formation d’un orage et agir en conséquence suffisamment tôt.
Rafales de vent, turbulences, grêle, refroidissement, foudre : le cumul de ces phénomènes sont la hantise de tout alpiniste : l’orage. En Europe, le réseau Météorage (https://www.meteorage.com/) permet d’évaluer les risques et les probabilités d’orage sur une zone, une commune, d’être alerté et de suivre l'épisode orageux.
On en distingue deux types : les orages d’évolution diurne et les orages “frontaux”, causés par l’arrivée d’un front froid.
LES ORAGES D’ÉVOLUTION DIURNE
Les orages d’évolution diurne sont des orages locaux avec de fortes pluies et des éclairs, qui surviennent durant les mois d'été en raison du réchauffement.
L'air au niveau du sol est fortement chauffé par les rayons du soleil. Au-dessus d'une certaine température, il s'élève sous forme d'air chaud et humide car il est plus chaud et plus léger que l'air ambiant. Lorsqu’il arrive en haut dans un environnement plus froid, l'air ascendant se refroidit et se condense. Des orages d’origine thermique peuvent ainsi se produire dans une atmosphère humide et instable et peuvent se détecter en observant la formation d’un nuage typique en forme d’enclume : le Cumulonimbus.
L’absence de rosée le matin, la présence d’air chaud, un vent faible, ainsi que des nuages aux bords très marqués qui se gonflent fortement dès le matin sont des signaux d’instabilité à l’étage moyen. Cela ne veut pas pour autant dire que cette instabilité se traduira par un orage, d’autant que des orages d’évolution diurne peuvent survenir même dans des conditions anticycloniques stables. Pour anticiper un orage de ce type, rien ne remplace l’observation de la formation des nuages : des cumulus (nuages isolés, denses et aux bords clairement délimités) aux castellanus (gonflement partiel et aspect crénelé) jusqu’au cumulonimbus (nuage d'orage, le plus souvent en forme d'enclume).
LES ORAGES DE FRONT
Les orages de front sont des orages qui surviennent toute l'année et qui s'accompagnent de précipitations continues, d’une chute des températures ou de vents forts. Ils se produisent lorsque deux fronts météorologiques opposés se rencontrent, faisant ainsi glisser une masse d'air sous une autre. Ce phénomène est particulièrement visible sur les fronts froids : les masses d'air froid et dense se glissent sous les couches d'air plus chaudes au niveau du sol. Ces couches sont alors obligées de monter, créant des vents forts.
À une certaine hauteur, l'air se condense et il se forme des nuages qui, dans certaines conditions, se transforment en nuages orageux. Les orages de front s'étendent sur des zones plus grandes que les orages d’évolution diurne.
QUE FAIRE EN CAS D’ORAGE ?
Si vous êtes pris dans un orage en arrivant au sommet, c’est que vous n’avez pas suffisamment pris en compte l’instabilité des conditions annoncées par les prévisions météo, ou que vous n’avez pas anticipé ou réagi assez à l’avance face aux conditions météorologiques réelles observées sur le terrain. Les orages de front ainsi que le risque d’orages d’évolution diurne sont généralement annoncés par les bulletins locaux et les cartes vigilance de Météo France (émises deux fois par jour).
Si, malgré une bonne planification, un orage se produit lorsque vous êtes en montagne, voici quelques mesures d’urgence à suivre :
- S'éloigner des sommets, arêtes…d'au moins 30 mètres. En terrain escarpé, ne pas négliger l’assurage pour autant !
- Chercher un endroit abrité : grotte, niche ou abri sous un surplomb, éloigné des parois d'au moins 1m50.
- S’accroupir sous le sac de bivouac, sur le sac à dos ou sur la corde et attendre la fin de l’orage. La position assise, genoux repliés et pieds joints, semble la meilleure.
- Ne descendre que lorsque l'orage est terminé
Quid des piolets, mousquetons et autres matériaux conducteurs ? Le bon sens recommande de s'en séparer… Une pièce de métal, en tant que telle, n'attire pas l'électricité. Dans la mesure où ces objets, et notamment le piolet, ne sont pas brandis au-dessus de la tête (il ferait alors office de paratonnerre), leur présence n'ajoute rigoureusement rien au danger électrique. Alors qu'en s'en défaisant, on peut par la suite les regretter au retour sur un terrain difficile. Le mieux est de les poser à plat, et de mettre les pitons dans son sac et de déposer le tout à côté de soi…
Attention aussi au risque de chutes de pierres et à l’hypothermie ! Quoiqu’il en soit, ne pas réagir trop rapidement et de manière irréfléchie, et ne jamais se séparer de son partenaire ou de son groupe.
AVALANCHES ET CHUTES DE PIERRES
Même l’été, les avalanches sont un problème dans les Alpes. Elles ont causé des accidents mortels au Tacul en juin et dans les Écrins en septembre, car ce risque n’avait pas été pris suffisamment en compte. Aussi doit-on savoir identifier une pente glaciaire soutenue ou des situations où le risque existe, notamment suite à un épisode neigeux, venteux, un réchauffement intense… On ne peut pas éviter une avalanche mais on peut éviter de se mettre dans une pente à risque.
Les chutes de pierres et de séracs sont importantes, surtout en condition estivale. Il faut éviter les itinéraires trop fréquentés, surtout quand des alpinistes se trouvent audessus. Ne pas hésiter à partir plus tôt et avoir toujours le casque. Il s’agit aussi de différencier la facilité du danger, comme ne pas être rassuré par un itinéraire très fréquenté. Par exemple, pour le Dôme des Écrins, un itinéraire moins fatigant consiste à passer sous des séracs…
En haute montagne comme en plaine, il y a toujours 21 % d’oxygène. C’est la pression barométrique qui diminue et rend plus difficiles les échanges gazeux au niveau des poumons, donc avec le sang, le cerveau et les muscles. Le danger est de développer un mal aigu des montagnes (MAM) qui est une manifestation d’une non- ou maladaptation du corps à la raréfaction de l’air (moins de pression). Les symptômes peuvent être : la céphalée, l’apathie, les nausées et troubles digestifs, l’essoufflement au moindre effort, la respiration paradoxale nocturne qui est une alternance d’hyperventilation et d’apnée qui engendre un mauvais sommeil. Deux maladies consécutives au MAM sont : l’oedème cérébral de haute altitude (OCHA) qui provoque des céphalées, vomissements, suivis de stupeur, anoxie et coma ; et l’oedème pulmonaire de haute altitude (OPHA) qui provoque un essoufflement, une augmentation du pouls, des crachats sanglants et un arrêt cardiaque hypoxique.
TESTER SON NIVEAU ET SA PRÉPARATION
Côté facteur humain, la confiance en soi est importante mais une confiance raisonnée et non de l’auto-persuasion narcissique devant sa glace ! La confiance en soi se met en place tout au long d’un parcours initiatique et progressif d’alpiniste. Le manque de confiance invite l’alpiniste en herbe à rester dans son canapé (ce qui est dommage), et l’excès peut entraîner un recourt à l’hélicoptère pour sortir d’une situation périlleuse. Il s’agit donc d’être en mesure de répondre aux questions suivantes.
CÔTÉ MENTAL .
Identifier les raisons personnelles, sociales, environnementales, financières, et s’interroger sur ses motivations propres. Par exemple, quels sont les motifs qui poussent à aller en montagne ? L’argent, l’envie de séduire, le besoin de reconnaissance, la fenêtre météo unique, le temps qui passe… Et aussi, le niveau de sérénité avec lequel la course est abordée : angoissé, moral de guerrier, peur de ne pas être à la hauteur, promesse faite de laquelle il est difficile de se défausser…
CÔTÉ PHYSIQUE .
Comment je me sens aujourd’hui ? Et être en mesure de s’autoévaluer, par exemple : Est-ce que je suis capable de porter un sac d’alpinisme de 7-8 kg pour deux jours (sac d’été) ? Est-ce que j’accepte de dormir peu et mal (c’est souvent le lot en refuge) ?
CÔTÉ TECHNIQUE .
Connaître son niveau technique, c’est par exemple se demander : Ai-je le niveau technique pour progresser en tête ou en second ? Attention, ce que je suis capable de faire en salle n’est pas transposable en montagne, à 4 heures du matin, avec des grosses mouillées, dans un pas en 5+ en dalle. En effet, une contre-performance dès le matin, au-dessus d’une rimaye, peut sacrément faire vaciller la confiance en soi.
LES BONS GESTES
Bien s’acclimater, c’est faire l’éloge de la lenteur : s’acclimater doucement est majeur. Il s’agit d’éviter de dormir à plus de 3 000 m trop rapidement, surtout lorsque l’on vient de Paris. Lorsque les symptômes sont présents, il faut en faire part au guide, ses amis ou compagnons de cordée. Souvent, un traitement symptomatique avec de l’ibuprofène ou du paracétamol suffit (dans les Alpes, pas en Himalaya). Il faudra aussi ralentir et s’hydrater beaucoup. Si les symptômes persistent, il faut redescendre, et si la descente est impossible, il s’agira d’envisager un caisson hyperbare, disponible dans certains refuges, comme aux refuges des Cosmiques ou Vallot.
LA TROUSSE DE SECOURS
Avant de se rendre dans un pays lointain, il est important de s’assurer que l’on est en bonne santé, à vérifier donc avec votre médecin généraliste. Il vérifiera notamment vos vaccinations et traitements prophylactiques (diphtérie, tétanos, polio, hépatites, paludisme, rage, vaccin contre la fièvre jaune, etc.). Il est également souhaitable de voir son dentiste avant le départ. Pensez également à vous renseigner sur l’accès aux soins, les conditions d’assistance et de rapatriement en cas de problème de santé. Pour cela, n’hésitez pas à souscrire à la meilleure assurance possible qui prend en charge les frais d'évacuations dans la zone où vous voyagez (pas de franchise kilométrique si près de chez vous, etc.). Enfin, prévoyez un délai nécessaire de deux mois avant votre départ en cas de rappel vaccinal ou selon les soins dentaires.
DÉCLENCHER UN SECOURS
Si vous êtes bloqués sur un itinéraire et que vous ne savez pas comment vous en sortir (impossible de “shunter” le passage difficile, de rebrousser chemin ou de tirer des rappels de réchappe), ou en cas d’accident grave, il ne vous reste plus qu’une chose à faire : appeler les secours.
On ne déclenche pas une intervention pour n’importe quoi, mais si votre situation commence vraiment à devenir périlleuse, n’attendez surtout pas ! Il vaut mieux que l’hélicoptère vous treuille tant que la météo est encore clémente et qu’il fait jour, plutôt qu’en plein milieu d’un orage ou de nuit car vous avez trop attendu pour composer le fatidique numéro de téléphone. De même, inutile de vouloir à tout prix sortir une voie en prenant des risques inconsidérés : les secouristes préféreront toujours vous trouver installés sur une vire en train de les attendre, plutôt que morts 200 mètres plus bas.
Pour toute demande de secours en montagne, le numéro d’urgence européen est le 112. Ce numéro est facile et rapide à composer, gratuit. Difficile à oublier, il a l’avantage de bénéficier de conditions d’acheminement dérogatoires des numéros à dix chiffres, assurées de manière rigoureuse par les opérateurs de téléphonie, y compris étrangers. En d’autres termes, le 112 peut être acheminé via n’importe quel relais (donc accessible à partir d’un portable en « service limité »), y compris si vous êtes en zone frontalière, et dispose d’une priorité d’acheminement. Sachez que votre appel au 112 sera systématiquement enregistré, et peut bénéficier d’une géolocalisation.
Précisons quand même que le 112 nécessite qu’il y ait du réseau ! Dans le massif des Écrins par exemple, il n'y a aucun réseau, sauf quelques sommets ou quelques points précis, aléatoires et peu nombreux !
Sachant que le 112 ne reçoit pas les SMS, il existe aussi le 114, numéro équivalent créé spécialement pour les personnes « qui ne peuvent entendre et ne peuvent parler », en premier lieu desquels les sourds et les malentendants.
Dans des secteurs peu couverts par le réseau téléphone, il présente l’avantage de pouvoir passer un message écrit beaucoup plus facilement que les appels oraux.
Peu connu, ce numéro implique cependant un délai de traitement plus long et dispose d’une capacité de traitement très limité : cela reste un plan B et ne peut en aucun cas remplacer le 112, numéro européen réglementaire, qui bénéficie de ressources importantes.
Pendant votre conversation téléphonique, vous devez transmettre des informations claires et concises :
- indiquez le plus précisément possible le lieu de l’accident, le massif, et encore mieux, la commune (village à proximité), les coordonnées GPS si possible, l’itinéraire dans lequel vous êtes et précisez à quel niveau - le nombre de blessés, leur âge et leur état (conscient/inconscient, saignements, douleurs) - les conditions météo actuelles ou prévisibles (vent, nuages ou brouillard arrivant) - les conditions dans l’itinéraire (chutes de pierre, cordées au-dessus) - éventuellement, les signes de reconnaissance visuelle : couleur des habits, des sacs, des casques, etc.
- communiquez votre numéro de téléphone portable et surtout laissez-le allumé et libre (au cas où les secours cherchent à vous rappeler), tant que les secours ne vous ont pas rejoint, puis ensuite durant toute la durée de l’intervention.
En cas de blessure, vous allez être mis en relation avec un médecin du SAMU qui va évaluer la gravité des lésions. Vous aurez peut-être l’impression que l’échange dure un peu ou que vous vous répétez, mais sachez qu’à cet instant les secours sont déjà en route, et que ces éléments font gagner du temps par la suite (évacuation vers l’hôpital le plus compétent selon le type de pathologie).
Quand l’hélicoptère va approcher puis se positionner au-dessus de vous pour treuiller un secouriste, ça va souffler très fort ! Il faut donc attacher ou ranger dans les sacs tout le matériel qui risque de s’envoler (sacs, cordes, casquettes, vêtements). Surveillez également les chutes de pierres qui peuvent être déclenchées par le souffle du rotor.
Neuf fois sur dix le secours sera héliporté, et depuis le ciel l’équipage et les secouristes doivent pouvoir vous identifier. Pour cela il convient de leur adresser les signes de reconnaissance internationaux :