DES GRANDES VOIES POUR TOUS
Débuter en grande voie n’est pas chose aisée. La peur de la hauteur, la perspective d’une éventuelle retraite ou tout simplement la recherche d’un itinéraire réellement facile sont autant de freins à prendre en compte. Les topos existants de type 6a max sont une mine d’or mais ces itinéraires restent souvent destinés à des grimpeurs déjà un peu initiés. Nous avons donc défriché le terrain avec une vingtaine de lignes abordables au débutant.
Après quelques séances en falaise sportive, la tentation est grande de vouloir se diriger vers des ascensions de plus grande envergure. Pour le débutant, cette nouvelle aventure impose parfois une pression, celle de savoir si on sera à la hauteur. De la même façon, le chef de cordée initié, voire expérimenté, se posera les mêmes questions quant à l’accessibilité des lignes choisies pour son enfant. Les contraintes sont nombreuses : éviter un passage de 5 trop obligatoire, éviter les trop grandes longueurs rendant la communication (et - cile, être abordable aux plus petits (qui ne pourront pas toujours se saisir des mêmes prises, parfois trop éloignées, que les adultes), éviter le « plein gaz », éviter aussi la longueur… Quand on se plonge dans un topo quel qu’il soit, on se rend compte que les véritables itinéraires d’initiation, en 5b max non obligatoire, bien équipés, pas trop longs et avec une descente raisonnable ne sont vraiment pas légion. On peut resteront modestes pour une cordée déjà un peu initiée, voire téméraire, mais seront peut-être déjà trop importantes pour un enfant ou pour un débutant un peu stressé. années que j’ai pu faire cette différence entre itinéraire facile et itinéraire d’initiation. Je me suis rendu compte également qu’il ne fallait pas mettre la charrue avant les boeufs. Malgré tout ce dont on peut être capable pour rassurer, un minimum d’apprentissage des techniques demeure indispensable. Nos premières expériences, bien que sur des itinéraires réellement initiatiques, auraient pu leur laisser quelques peurs et réticences pour la suite. Parfois, cela ne tient pas à grand-chose. On n’oubliera donc pas le chapitre « école » pour se familiariser avec la hauteur, les manipulations de corde, l’assurage et, bien sûr, l’escalade elle-même ! On n’hésitera pas non plus à se rendre sur des sites permettant technique du rappel, à l’installation d’un relais et à l’assurage du second depuis le relais. Ces moments passés seront précieux et garants de la réussite des premières grandes voies si elles sont bien choisies.
LA PETITE CORSE
Pour ses premières armes en tête, j’avais emmené ma grande (12 ans) sur un nouveau site du sud Belledonne. Baptisé « La Petite Corse » par les ouvreurs en raison d’un certain nombre de clins d’oeil avec l’île de Beauté, ce secteur est devenu à la mode en raison de la proximité de nombreuses voies, jamais très longues, aux cotations modérées voire généreuses et dotées d’un équipement irréprochable. Pour cette première visite, nous avions fait deux voies de quatre longueurs plutôt qu’une seule plus longue. Cette possibilité permet de voir, à la sortie du premier objectif, si l’apprenti veut (et demeure en état de) continuer sans en être obligé. Après un accès (encordé !) par la vire médiane, nous avions rejoint le pied de Tête de Maure, la plus à droite de la falaise et une des plus faciles. À vrai dire, j’étais
UN MINIMUM D’APPRENTISSAGE DES TECHNIQUES DEMEURE INDISPENSABLE.
parti pour grimper en tête mais devant la proximité de l’équipement et l’aisance de Stella, je lui avais naturellement proposé de passer devant dès la suivante, ce qu’elle nous étions redescendus (à pied et non par les rappels) pour en faire une seconde et cette fois-ci, c’est elle qui souhaitait partir en tête. Je me souviens toutefois de cette dernière longueur de Corsica Ferries, très belle également, mais avec des points un tout petit peu plus éloignés sur un passage (en fait un équipement tout à fait en moi un brin d’angoisse. Évidemment pour rien puisque tout s’était bien passé. Cette première expérience en tête avait été rendue possible par de nombreuses séances en intérieur et sur des sites écoles comme celui du col du Coq en Chartreuse.
L’ÉPERON DE LA ROUTE
La route est longue en escalade. Ce n’est pas une activité où l’on a forcément envie de griller les étapes. Lors de ce beau week-end de printemps, voyant son envie de poursuivre cette expérience de grandes voies, j’emmenais cette fois Stella dans le Briançonnais. L’éperon de la route est une falaise des Cerces qui domine directement moyennant une vingtaine de minutes d’approche tout en réservant de superbes vues sur les Écrins. J’en gardais le souvenir d’un très beau rocher. La première voie est vite avalée. Je grimpe devant en quelques minutes par longueur et Stella ne perd pas de temps derrière. Les relais sont rondement menés et la météo reste favorable. Je lui propose de prolonger jusqu’au sommet de Roche Robert. Vingt minutes supplémentaires seront nécessaires pour rejoindre le pied de la face sud pour une seconde ascension jusqu’à la croix qui marque le - semble, une descente en quatre rappels qui mettra en pratique la technique initiée en falaise école. Assurément un site taillé pour apprendre.
MAGIQUE QUEYRAS
Un mois plus tard, me voici à nouveau à Briançon. Cette fois, nous poussons un peu pour passer le col de l’Izoard, non sans jeter un coup d’oeil à la fameuse Casse
Déserte. Je suis accompagné de mes deux filles pour ce début de vacances d’été. J’ai épluché le superbe topo de mon ami Guillaume (Vallot et de Sylvain Pusnel). Si la Nebbia nous chasse de l’axe frontalier et de la Rocca Bianca désirée, nous trouvons deux belles petites courses du côté d’Arvieux. La petite crête de Balari ne paye pas de mine. Au départ du parking du Queyron, il n’y a pas foule. Il est déjà une heure avancée de l’après-midi mais l’approche est courte, nonobstant un petit détour pour éviter le patou de la bergerie. Les sept longueurs de la voie font pile 25 m et les difficultés sont peu soutenues. Le seul pas de 5 sup, au demeurant si besoin. Crête secondaire mais véritable petit sommet une fois en haut. Un rappel de 15 m après quelques mètres d’arêtes et le tour est joué. Le lendemain, ce sera rebelote au-dessus du col de Furfande. À la lecture des cotations, j’étais allé jusqu’à imposer à tout le monde l’escalade en baskets. Sous l’effet de l’enthousiasme, je propose à Stella de passer en tête et de mener la cordée composée de sa soeur Émie et de moi-même, dans cette petite voie équipée du côté des Croseras. Après une première longueur sans véritables sensations, il faudra que je reprenne les rênes avant qu’elle reprenne le contrôle à mi-hauteur après avoir commencé à
LA ROUTE EST LONGUE EN ESCALADE.
« sentir » le contact d’une chaussure de randonnée sur du rocher. L’apprentissage sommet. Nul besoin d’avoir un nom. Il fort aérienne et une descente chamois avec un rappel et les enfants auront l’impression d’avoir réalisé une vraie petite course de montagne. Magique Queyras !
LE CHEMIN DE L’ÉCOLE
On apprend à tout âge. Il m’a fallu attendre la seconde moitié de la quarantaine pour découvrir ce qu’est l’équipement des voies d’escalade. Cela faisait plusieurs années que je souhaitais le faire mais entre les envies et les actions, il demeure parfois un réalisation sera complètement initiatique. - gleton, bien connu de Belledonne, j’avais été attiré par des rochers à l’automne précédent. Alors équipé de chaussures d’approche aptes à adhérer sur le rocher, je me dirigeais vers le pied du premier gros bloc haut d’une quinzaine de mètres. Je Quelques pas de quatre en excellent rocher et je suis en haut. Quelques secondes de marche dans l’herbe m’amènent au pied retrouve au sommet d’une petite pointe, après avoir gravi sept ou huit longueurs en 4c maxi, souvent séparées par quelques - raire d’initiation à faire partager ? M’y revoilà au printemps suivant avec l’ami François, armé du matériel pour l’équipement. Il me faudra juste y revenir le surlen
Le rocher est vraiment beau et nous avons laissé, à chaque fois que possible, la place initiation « montagne ». Quelques jours gravirent en cordée autonome et réversible, tandis que je les surveillais sur une corde statique, en faisant à chaque fois le on ne cherchait ni l’ambiance ni même une ligne logique pour gravir un (petit) sommet, on nota cet avantage pour un leader de pouvoir surveiller sa cordée. maître d’école. Le chemin de l’école sera son nom et cela lui va comme un gant. Une nouvelle saison s’ouvre à nous. Fort de ces expériences, nul doute qu’elle nous offrira à nouveau de beaux itinéraires abordables pour tous.