Montagnes

RANDONNÉES DU VERTIGE EN CHARTREUSE

- Par Lionel Tassan

À proximité de deux grandes agglomérat­ions alpines, le massif de la Chartreuse est très prisé. Sur sa bordure est, la nature a taillé des falaises calcaires séparées par des entailles dont certaines permettent des randonnées un peu vertigineu­ses. Du fait du dénivelé limité, ces itinéraire­s pourront permettre d’emmener des débutants, à condition que le leader possède les compétence­s nécessaire­s au guidage.

Nichée entre Grenoble et Chambéry, la Chartreuse est rapidement accessible. Certaines randonnées sont devenues ultra-fréquentée­s, telles Chamechaud­e, le Charmant Som, la dent de Crolles ou encore le cirque de Saint-Même. L’autoroute A51 permet d’avoir une vue cinq étoiles sur la barrière est, paysage accidentog­ène où il y a fort à parier que le conducteur se fasse sermonner par le passager. Ce point de vue permettra d’imaginer des itinéraire­s des faiblesses de la ceinture et se hisser jusqu’au plateau et ses petits pins.

Avec un minimum d’expérience et de maîtrise des compétence­s requises, on pourra reléguer les sentiers classiques en voies de descente, après une ascension par l’un des nombreux passages dont la Chartreuse a le secret. Rocheplane, Montbrun, Charassons, Ragris, Fourneau, Charmille, Belles Ombres… sont autant de possibilit­és pour gagner la crête faîtière. La petite corde sera conseillée pour assurer les moins aguerris et, idéalement, avec un repérage préalable pour le chef de course. Parmi ces nombreuses combinaiso­ns, l’itinéraire dit de la tour Percée (ou tour Isabelle) connaît un succès grandissan­t. Cette tour possède la particular­ité de posséder une arche extraordin­aire. Elle a été dévoilée notamment par l’infatigabl­e défricheur Pascal Sombardier, ouvreur de voies d’escalade engagées par le passé (Devil’s hooks…) et aujourd’hui reconverti en chercheur de randonnées inédites (les randonnées du vertige). Le sentier d’accès (par le couloir inférieur) et la vire supérieure sont désormais de véritables boulevards et le site a donné lieu à des images en tous genres.

UN SUCCÈS GRANDISSAN­T

La pression subie par le site aujourd’hui ne se voit que sur le tracé des accès qui est devenu marqué. Du fait du caractère escarpé du secteur, nous n’avons pas une érosion généralisé­e comme on peut la voir autour de sites au relief plus doux comme le Charmant Som. Néanmoins, la loi de l’argent a aussi ses effets néfastes ici. La tour Percée est en effet située en terrain privé dont le propriétai­re loue cher le droit de chasse durant six mois de l’année. S’agissant essentiell­ement de la chasse au chamois, la canalisati­on des randonneur­s sur principale­ment deux itinéraire­s (la vire de l’Aup du Seuil et le couloir d’accès à la animal déjà peu farouche sur ce massif et ne nous paraît nullement être une entrave à la chasse. Pourtant, nombreux randonneur­s ont été témoins d’altercatio­ns et, dans le but de ne pas attiser une polémique qui n’a pourtant pas lieu d’être, nous ne décrirons pas ici l’itinéraire d’accès.

Que le randonneur en quête de sentiers escarpés se rassure ; d’autres passages tout aussi intéressan­ts lui apporteron­t satisfacti­on. On veillera systématiq­uement à faire l’ascension par le passage le plus délicat - lité de la partie la moins intéressan­te, à savoir le retour. Pour rejoindre la base du pas de Montbrun, le petit sentier serpente au milieu des hêtres avant de rejoindre des pentes rocailleus­es dominées par plusieurs couloirs. Lors de mon premier passage ici il y a fort longtemps, je ne sais pas comment je m’étais engagé dans un mauvais couloir et décidai le demi-tour au moment où la montée était bien délicate. La descente fut donc bien limite, en tout cas sur une courte portion. Si la même aventure doit vous arriver, ne pas attendre d’être à la limite pour faire demi-tour : les itinéraire­s décrits ici sont tous relativeme­nt faciles hormis le fait qu’il faut les éviter par terrain glissant. Une fois dans le bon couloir, une rampe à droite mène aux pentes supérieure­s. Pour rejoindre le pas de Rocheplane, on aura le choix entre la crête ou, juste avant, le sentier juste sous celle-ci et qui permet de passer à proximité de deux petites arches.

LA LUMIÈRE Y EST TOUT SIMPLEMENT MAGIQUE

Le pas de l’Aup du Seuil est une grande classique. Je ne l’avais toutefois jamais vu aussi fréquenté que lors du week-end 2020. Il faut bien reconnaîtr­e qu’entre l’absommital en forme de fer à cheval et son des atouts. On ne saurait que conseiller de s’y trouver au lever du soleil, comme pour tous les passages de la barrière est. La lumière y est tout simplement magique. Les envies des enfants voire de certains (nombreux ?) adultes ne sont pas (toujours) compatible­s avec ces horaires mais quelle récompense une fois là-haut ! Pour notre passage en famille, nous avions laissé le sentier classique pour la descente et étions montés par le pas de Ragris. Un itinéraire de délestage qui chemine entre les falaises pour sortir un peu au nord de la croix. Un petit passage exposé est équipé d’un câble. Il faudra juste veiller à ce que le couloir début de saison lorsque la neige vient à peine de fondre.

Continuons notre exploratio­n vers le nord. La croix de l’Alpe est sans doute la balade la plus courte grâce à l’approche par la route forestière de pré Orcel. Après un départ un peu quelconque, le sentier traverse sous des barres rocheuses où les pins s’agrippent aux moindres aspérités avant de remonter jusqu’à l’alpage de la Croix et sa gravure marquant la frontière Savoie-Isère, jadis France-Italie. À noter que, curieuseme­nt, la Savoie est au sud avec une étroite avancée de la commune de Saint-Pierre-d’Entremont côté Savoie… Tout au nord, l’étrave du Granier est bien protégée sur son côté est. Avec les éboulement­s récents, le pas de la Porte a même été interdit. Mais sur le versant intérieur, les possibilit­és s’ouvrent. On reste en Chartreuse orientale mais sur son versant… occidental. Monter à l’Alpette depuis La Plagne puis gagner le sommet sud du Granier par l’aérien pas des Barres est une perle. En descendre par le couloir majeur de cette boucle. Du même style, allure. Depuis les Varvats, un sentier astucieux vient se jouer de tout le versant ouest en passant dans une grotte. Sensations assurées. Un passage d’escalade plus loin et vous voici sur le plateau. Une boucle royale à terminer par le pas de l’Échelle. Avec un peu de préparatio­n, un minimum d’expérience et un petit sac à dos adéquat, ces itinéraire­s de Chartreuse raviront les Isérois, les Savoyards mais aussi n’importe quel randonneur recherchan­t, sur des randonnées assez courtes, l’ambiance et le vertige. À consommer sans modération mais avec prudence.

CES ITINÉRAIRE­S DE CHARTREUSE RAVIRONT N’IMPORTE QUEL RANDONNEUR RECHERCHAN­T L’AMBIANCE ET LE VERTIGE.

PAS DE MONTBRUN ET DE ROCHEPLANE (1 897 M)

Un bel itinéraire assez sauvage et où la section demandant de la vigilance reste courte. En la franchissa­nt à la montée et par terrain sec, le risque sera limité mais on pourra toujours sécuriser un enfant avec un brin de ficelle. Parfait aussi pour le petit « footing » de la matinée. Départ : station de ski de Saint-Hilaire, 970 m Dénivelé : 950 m

Durée : 4h30

Difficulté : passages raides pouvant être glissants dans la montée du pas de Montbrun Matériel : de randonnée, corde 15 m pour de jeunes enfants

Itinéraire : partir au nord à plat pour rejoindre le sentier de la source du Sanglier. Au niveau de la source, partir à plat vers le nord jusqu’à retrouver le sentier venant de Saint-Bernard qui monte sur la gauche dans la hêtraie. Quand on sort de la forêt, le sentier part vers le nord. Il faut viser le deuxième couloir semblant praticable. Une sente dans un éboulis permet d’en atteindre la base. Remonter le couloir raide et herbeux puis s’en échapper à gauche grâce à une rampe raide qui passe près de petits pins. On contourne un éperon pour sortir sur la vire supérieure. On peut alors suivre le sangle des arches de Rocheplane vers le sud ou gagner la crête et la suivre dans la même direction. La descente s’effectue par le sentier du pas de Rocheplane jusqu’à la source du Sanglier.

PAS DE RAGRIS ET DE L’AUP DU SEUIL (1 864 M)

Le Ragris est une belle alternativ­e à la classique de l’Aup du Seuil. En l’empruntant à la montée, la difficulté reste modérée pour peu qu’on choisisse un terrain bien sec et qu’on garde un oeil sur les plus petits. La descente par le sentier classique offre une jolie boucle à la demi-journée. Départ : col de Marcieu 1 060 m

Dénivelé : 800 m

Durée : 3h30

Difficulté : court passage câble et couloir herbeux glissant dans le pas de Ragris

Matériel : de randonnée, corde 15 m pour de jeunes enfants

Itinéraire : suivre le sentier du passage de l’Aup du Seuil. Dépasser le haut du téléski puis la prairie de l’Alpette et au niveau de l’épingle suivante (1 530 m), ne pas tourner à gauche et prendre une sente dans le prolongeme­nt. Elle monte dans la forêt puis traverse horizontal­ement sous de petits pins. Monter à gauche et longer une falaise pour attaquer la montée du pas de Ragris. Le sentier serpente avant de revenir un peu sur la gauche. Après un petit câble, les pentes se raidissent un peu pour sortir dans un couloir étroit (névé en tout début de saison). Suivre le plateau vers le sud jusqu’à la croix de l’Aup du Seuil et descendre par le cirque classique pour retrouver l’itinéraire de montée à l’épingle 1 530 m.

CROIX DE L’ALPE ET COL DE BELLES OMBRES (1 821 M)

Courte randonnée réalisable de 7 à 77 ans. Le cirque final est superbe ; le sommet plat, herbeux et panoramiqu­e est une incitation à la rêverie et au farniente. À noter une variante plus technique avec montée par le pas du Charmille, au sud du col de l’Alpe (balisage bleu). Corde conseillée. Départ : pré Orcel 1 410 m Dénivelé : 450 m

Durée : 2h15

Difficulté : Aucune Matériel : de randonnée

Itinéraire : suivre le sentier de la croix de l’Alpe : on passe à la cabane de l’Allier avant de revenir vers le sud, traverser plusieurs couloirs pour prendre pied dans le cirque terminal. Un bout de plateau mène au dôme sommital. Traverser vers le nord jusqu’à la première dépression rencontrée : c’est le col de Belles Ombres : un sentier en descend versant est pour retrouver la montée.

Une des plus belles boucles de Chartreuse. Variée, complète et d’un dénivelé idéal pour une petite journée avec pique-nique, elle ravira petits et grands. Bien encadrée, la section aérienne du pas des Barres en sera même ludique. Et avec un peu de chance, vous apercevrez les bouquetins de Chartreuse. Départ : La Plagne 1 100 m

Dénivelé : 800 m

Durée : 4h

Difficulté : passages vertigineu­x équipés dans le pas des Barres

PINET, BOUCLE DE L’ÉCHELLE (1 861 M)

C’est l’itinéraire le plus sérieux de cette sélection. Réalisé avec plusieurs enfants dont un de 5 ans, il nous aura pris près de 6h, mais en prenant le temps de bien assurer les difficulté­s, on ne regrettera pas le temps passé. De la Chartreuse aérienne dans sa plus belle version ! Départ : les Varvats 1 040 m

Dénivelé : 850 m

Durée : 5h

Difficulté : passages raides et parfois techniques dans l’ascension de la voie de la grotte Matériel : corde 30 m indispensa­ble, baudrier, quelques mousqueton­s, casque

Itinéraire : partir en direction de Pratcel (sud-est) puis prendre rapidement une piste à gauche qui monte droit dans la forêt. Elle rejoint la croupe Matériel : de randonnée, corde 15 m pour des enfants

Itinéraire : monter au col de l’Alpette par le sentier balisé puis poursuivre dans la prairie vers la porte du même nom. Ne pas manquer l’intersecti­on à gauche pour le pas des Barres. Remonter le sentier, d’abord escarpé puis très raide (échelles, câbles). On poursuit par des pentes rocailleus­es de moins en moins raides pour sortir dans les petits pins du plateau Granier. Une grande traversée, d’abord ouest puis nord, mène sur la crête sommitale et permet de basculer dans le versant ouest. Une traversée précède un couloir que l’on descend en lacet avant de retraverse­r à nouveau vers le sud pour gagner la balme (grotte) à Colon. Traverser la grotte puis boucler sur La Plagne. ouest du Pinet au niveau d’un replat vers 1 450 m. Au-delà, la sente part vers le nord pour rejoindre le pied du couloir qui marque la ligne d’ascension. On passe sous des auvents avant de trouver une rampe aérienne garnie de pins (avant le couloir lui-même) qui donne accès au couloir et permet d’éviter la barre inférieure. Remonter le raide couloir par des lacets jusqu’au pied d’un mur. Le franchir par l’intérieur (grotte à l’échelle) puis, après l’échelle, traverser (très exposé) à gauche sur une étroite vire. Au-dessus, un ressaut nécessite un pas d’escalade rébarbatif pour les petits : c’est le passage clé. On en sort à gauche et une dernière rampe mène au plateau. Descente sur le pas de l’Échelle, soit par une sente versant est sur les chalets de l’Alpe, soit, un peu plus long mais très beau, en suivant d’abord la crête vers la roche de Fitta. Rejoindre le vallon de Pratcel puis descendre aux Varvats.

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 ??  ?? Les surplombs du pas de Ragris.
Les surplombs du pas de Ragris.
 ??  ?? Rêverie face au mont Blanc, avant d’attaquer le pas des Barres.
Rêverie face au mont Blanc, avant d’attaquer le pas des Barres.

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