Montagnes

PREMIÈRE DE CORDÉE

- Virginie Troussier

Elles ne sont aujourd’hui qu’une trentaine en France, Martine Rolland fut la toute première… Pionnière parmi les femmes guides de haute montagne, Martine Rolland est vraiment ce que l’on peut appeler une première de cordée. Ce livre raconte son histoire, ses courses dans les voies alpines les plus engagées, ses expédition­s en Alaska, en Himalaya, la passion partagée avec son mari, mais surtout, le chemin parcouru pour devenir guide et exercer son métier en totale indépendan­ce. À l’examen probatoire, en 1979, porte d’entrée à la formation de guide, les journalist­es l’observent, un flash la fait chuter en pleine voie, elle est assaillie de questions et devient, malgré elle ,« le porte-drapeau de la cause féministe tout en étant face à une fr ange de montagnard­s absolument opposés à l’ ouverture de la profession aux femmes ». À l’ époque, la profession s’ appuie sur la réputation du guide« viril, rustique, fort et inébranlab­le devant des conditions difficiles… un vrai héros ». M art ineRoll an décrit que cette vision n’a depuis pas beaucoup changé. Quand elle présente l’examen, certains professeur­s de l’ENSA, les plus âgés surtout, chamoniard­s depuis des génération­s, sont très sceptiques quant à ses capacités à exercer le métier de guide. L’un d’ entre eux est catégoriqu­e :« Même si techniquem­ent elle as es chances, de mon vivant, je ne laisserai aucune femme réussir l’ examen !» Martine Rolland réussit l’examen. Sa performanc­e sera saluée par de nombreux compagnons, mais ignorée par d’autres. La désapproba­tion la plus significat­ive reste celle de l’UIAGM (Union internatio­nale des associatio­ns de guides de montagne) qui, par l’intermédia­ire de son secrétaire général, Xavier Kalt, un guide suisse, refuse de l’accepter en son sein parce qu’elle est une femme. En réponse, Daniel Stolzenber­g, alors président du SNGM (Syndicat national des guides de montagne) et professeur à l’ENSA déclare catégoriqu­ement que les femmes ayant réussi le cursus de formation au métier de guide en France ne peuvent être exclues de l’UIAGM. On retiendra également que René Desmaison a sous-entendu qu’elle avait monnayé son résultat par des avances faites à certains professeur­s. « Ces attitude sen disent longsurl’ opinion qu’ il sont des femmes!»éc rit-elle. La volonté de Martine Rolland n’était pas de porter un combat féministe, mais elle est consciente d’incarner l’image d’une femme libre. « Jeveux continuer à partager notre passion en couple, car c’ est notre équilibre et notre choix de vie. Je ne pourrai spasme sentir enfermée dans un rôle de «mère au foyer »(…). Si je devais sacrifier ma passion, il me manquerait unepartied­emoi-même », écrit-elle. Elle a revendiqué la participat­ion des femmes dans le métier de guide et elle y voit un moyen d’accès à une autonomisa­tion sociale plus générale. En passant l’examen de guide, elle souhaitait seulement être traitée comme tous les candidats, aller en montagne comme les hommes le faisaient. Elle est alpiniste avant tout. Pour elle, devenir guide, après des années de montagne à haut niveau, était un rêve tout à fait naturel : vivre de sa passion, ne rien céder à l’ essentiel ,« partager avec des gens, qui cherchent à leur manière à se dépasser, à rompre avec une vie toute tracée et qui font de la montagne unidéal. » Bravo et merci madame.

Première de cordée, Martine Rolland, Édit ions G lé nat ,288 pages,19,95€.

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