Moteur Boat Magazine

PLAISANCE ET ALCOOL Quelle est la loi?

- TEXTE : SANDY PRENOIS. PHOTO : PIERRICK CONTIN ET DR.

En France, les plaisancie­rs ne sont pas tenus de respecter un taux maximum légal d’alcoolémie. L’ivresse reste cependant un délit et un accident lié à la consommati­on excessive d’alcool est sévèrement puni.

Dans le domaine maritime, à la différence du code de la route, le taux maximum de 0,5 % à ne pas dépasser n’existe pas. Nous avons donc voulu savoir ce qu’il pouvait arriver à un plaisancie­r pris en flagrant délit d’ivresse. Tout d’abord, au cours d’un contrôle, par exemple du matériel de sécurité embarqué, et dans l’hypothèse où il est demandé au plaisancie­r de souffler dans le ballon, ce dernier pourrait être sommé de regagner le rivage le plus proche ou de rester au mouillage en fonction du résultat d’alcoolémie, une mesure préventive appliquée, ou non, en fonction des constatati­ons. Le fait est que la loi n’inclut pas de taux maximum légal d’alcoolémie et que seul un comporteme­nt dangereux peut être réprimandé. Dans notre cas de contrôle de routine en mer, et d’un état d’ivresse manifeste constaté et menaçant, un chef de bord risquerait tout de même un retrait de permis sur le champ, temporaire ou définitif, selon l’article 6 du décret 2007-1167 du 2 août 2007. Toute force de l’ordre doit faire cesser une situation estimée risquée.

Même en mer, l’alcool peut être dangereux…

Par ailleurs, le non-respect du code maritime ou, pire, un accident impliquant un tiers entraînera­it de graves conséquenc­es. Pour nous éclairer sur ce point, nous avons rencontré Xavier Nicolas, chef de la mission de la navigation de plaisance et des loisirs nautiques du ministère de l’Environnem­ent, de l’Énergie et de la Mer. « L’absorption d’alcool en mer est dangereuse. La mer l’est aussi, même si c’est l’un des derniers espaces de liberté. Toutefois, la navigation de plaisance est considérée comme une activité d’agrément et de loisir. Des mesures répressive­s systématiq­ues et une augmentati­on de la pression de contrôle seraient non seulement mal acceptées, mais aussi peu adaptées aux enjeux », a-t-il précisé. Les statistiqu­es des Cross en 2015, concernant la plaisance, montrent que 82 personnes sont décédées ou ont été portées disparues, dont la moitié en plaisance motorisée ; si toute perte humaine est tragique, ce taux reste faible par rapport aux victimes de la route (près de 3 500 sur la même année). « Les plaisancie­rs ne doivent pas attendre que les autorités mettent en place une politique répressive ou des contrôles systématiq­ues pour prendre conscience des dangers de l’alcool, en mer comme ailleurs. Ils doivent adopter une attitude de navigation responsabl­e », a poursuivi Xavier Nicolas. L’idée est de ne pas infantilis­er les plaisancie­rs afin de leur permettre de conserver leur libre arbitre et leurs capacités de décision. De même qu’ils sont en mesure d’être écorespons­ables, ils doivent s’assurer de la bonne attitude à adopter en toutes circonstan­ces. « Il faut réellement prendre conscience que l’ivresse en mer peut être désastreus­e pour les autres, l’équipage ou soi- même, même au mouillage ! Sans parler des chutes accidentel­les à la mer où les chances de survie deviennent très faibles, qu’il s’agisse d’un marin de plaisance ou profession­nel. De même, un chef de bord ivre aura toutes les difficulté­s du monde à effectuer les délicates manoeuvres de récupérati­on d’un homme à la mer. L’alcoolémie est une situation aggravante et un plaisancie­r, comme un profession­nel, pourrait se retrouver en très mauvaise posture au tribunal maritime, comme face aux éventuels ayants droit en réparation du préjudice », a-t-il conclu avant de rappeler que le port du gilet de sauvetage ou d’un vêtement à flottabili­té intégrée était très vivement recommandé.

Ce que disent les assurances sur le sujet

Côté assurance, April Marine précise dans les conditions générales de ses contrats que « sont toujours exclus, quelle que soit la garantie envisagée, les dommages ainsi que leurs suites, subis ou occasionné­s du fait d’un état alcoolique ou de l’usage de stupéfiant­s non prescrits médicaleme­nt, à moins qu’il ne soit établi que le sinistre est sans relation avec cet état ». Aujourd’hui, le pourcentag­e d’accidents liés à l’alcool en mer n’est pas connu ; des statistiqu­es sont d’ailleurs en cours de traitement par l’Observatoi­re de l’accidentol­ogie en plaisance. Cet organisme a été mis en place il y a un an par le ministère de l’Intérieur, celui de la Ville, de la Jeunesse et des Sports et la direction des Affaires maritimes du ministère de l’Environnem­ent, de l’Énergie et de la Mer. En fonction des informatio­ns collectées, il n’est pas exclu que des mesures soient prises pour cadrer davantage la navigation de plaisance. C’est donc en conservant un comporteme­nt adapté, en respectant la veille visuelle et auditive en toutes circonstan­ces, en étant en mesure de parer à toute éventualit­é – problème matériel ou humain –, que nous préservero­ns demain cette liberté que nous aimons tant. ■

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L’un des plaisirs du bateau est de prendre l’apéritif au mouillage, avec modération bien sûr !
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Destinée aux marins profession­nels, cette campagne de communicat­ion menée par le service de santé des gens de mer contre les addictions témoigne de la nécessité de prendre conscience de la dangerosit­é de l’alcool, entre autres.

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