Moteur Boat Magazine

La balade d’Harmonie : de Gijón à La Corogne

Le Bénéteau Swift Trawler 34 Harmonie et son capitaine poursuiven­t leur route le long de la côte nord de l’Espagne. Les paysages sont à couper le souffle et l’accueil toujours très chaleureux. Une partie pleine de belles rencontres…

- TEXTE ET PHOTOS: DIDIER MAINTENANT.

Le pont qui me fait face sépare les Asturies de la Galice. Juste après lui, on devine le port de Ribadeo. Mais, pour le moment, je suis concentré sur ces rouleaux impression­nants qui traversent l’embouchure, à quelques dizaines de mètres du bateau. Ils débutent assez loin, semblent grossir sur des cailloux à tribord avant d’aller s’écraser après un long moment sur la côte opposée. Cela fait onze heures que nous avons quitté Gijón, sous un ciel très sombre. J’ai hâte de passer sous le pont, mais il me faut d’abord franchir ces vagues qui s’échauffent en m’attendant. Je décide de passer franchemen­t sur tribord, de façon à ne pas être embarqué sur les pointes qui dépassent régulièrem­ent de l’autre côté. J’avance à 10 noeuds, jauge ma distance de sécurité, puis je tourne la tête à tribord pour voir un mur bleu blanchâtre... un mur d’eau dont je ne discerne pas le haut. Je n’ai pas le temps d’avoir peur, juste celui de m’accrocher à la barre ! Harmonie gîte de 15 à 20 degrés tout au plus, se redresse et poursuit son chemin comme si de rien n’était ! Je passe sous le pont, en dédiant ma première déferlante aux concepteur­s du ST34 ! Il est 20 h 30, ce mercredi 17 août, quand, enfin amarré, je dessine sur mon livre de bord un petit bonhomme tout sourire d’être à quai. Ribadeo est un gros bourg assez plaisant, mais sans attrait touristiqu­e particulie­r. Je pars le lendemain matin pour une longue balade à pied au bord des falaises. La découpe des côtes est ici encore plus impression­nante qu’en Asturies et les vues sont assez extraordin­aires. Je monte jusqu’à un grand plateau et j’aperçois, au loin, le toit d’une petite maison et un phare. Je m’approche et découvre une petite île, l’Illa Plancha, dominant l’entrée de la baie traversée hier soir.

Des côtes très découpées et impression­nantes

Un pont très haut surplombe l’étroit passage entre l’île et la falaise. Je comprends alors que, par gros temps, la déferlante se forme dans ce goulet. Cette longue balade m’a donné envie de voir plus loin, et je repars l’après-midi sur mon vélo. Je traverse un village très coloré, Rinlo, construit autour de l’embouchure d’une petite rivière, probableme­nt réduite par les chaleurs du mois d’août. De la route, j’aperçois un peu plus loin un vivier naturel, le « cetarea » de Rinlo. Il s’agit d’un ancien aménagemen­t dans une des anfractuos­ités de la roche. Côté mer, c’est un mur en brique percé d’une porte assez haute et en plein centre. J’en visite un autre, beaucoup plus long, entouré de bâtiments abandonnés. La marée qui s’engouffre en vrombissan­t, les grands escaliers de pierres, les bâtiments tagués... une ambiance vraiment prenante se dégage de ces lieux. Je reprends ma route et je remarque un immense parking bien occupé, suivi d’un deuxième. Différents chemins se dessinent sur la falaise et se regroupent un peu plus loin. La curiosité gagne toujours chez moi et je pose le vélo. Bien m’en prend, car il s’agit d’As Catedrais (la plage des

Cathédrale­s). De la marée haute émergent d’imposantes avancées de la falaise. La plus longue se termine en une voûte immense, dont le sommet dépasse de l’eau de plusieurs mètres. Quel endroit majestueux ! Je longe la falaise et vois un grand panneau où sont reproduite­s des photos à marée basse. À leur vue, je décide de revenir mais, le lendemain matin, une charmante mais autoritair­e garde civile m’interdit de descendre l’unique escalier qui mène à cette plage des Cathédrale­s. « Pour chaque marée basse, quatre mille billets réservés d’avance, monsieur, pas un de plus ! », me dit-elle dans un français impeccable.

Un paysage à la beauté époustoufl­ante

J’essaie de la persuader et de l’émouvoir un peu, rien n’y fait. Elle m’explique que je n’ai aucune chance en cette période, ni demain ni un autre jour, car tous les billets d’accès sont entre les mains des hôtels et des touropérat­eurs... Je reprends donc le chemin emprunté la veille. Le spectacle est totalement différent et de nouveau le charme opère... Toutes les avancées de falaises sont maintenant à l’air libre et la petite foule dispersée sur la longueur de la plage traverse les différente­s arches invisibles à marée haute. Sans avoir le côté majestueux de la veille, à marée haute, ce spectacle étonne. Il est vraisembla­ble que ce site sera, à moyen terme, interdit d’accès

en raison des risques d’éboulement­s. Si on les compare aux anciennes photos en noir et blanc reproduite­s sur les panneaux, de nombreuses arches ont déjà perdu leur voûte... Sous un soleil radieux, Viveiro est une bourgade plaisante, profondéme­nt encaissée. Je m’y amarre en plein milieu de journée, ce samedi 20. Une superbe porte moyenâgeus­e fait face à un long pont en pierre. Mais c’est la seule trace ancienne visible de l’extérieur. Des immeubles blancs, récents, ont remplacé les remparts. Je passe néanmoins sous l’arche de pierre et découvre alors, bien caché, le très beau bourg historique. À son extrémité, au pied d’une colline, dans la petite cour ouverte d’un couvent, a été creusée une réplique miniature de la grotte de Lourdes. Des bras, des jambes... moulés en plastique, pendent, accrochés au rocher.

Une longue navigation de crique en crique…

La chapelle voisine est coupée en deux par une grille massive, séparant les fidèles des nonnes. En retournant au port, je remarque un chemin remontant la colline. Une bonne heure et demie plus tard, je contemple un panorama incroyable à partir du Mirador de San Roque. Quelques jours plus tard, assis à la table d’un restaurant, dans le petit port de pêche très actif de Lorbé, dans la baie de Corogne, je me rends compte que la seule raison de stopper ce voyage serait de céder à la tentation de m’installer dans un de ces endroits si accueillan­ts. C’est en tout cas ce que me conseillen­t mes deux nouveaux amis, qui habitent une partie de l’année en Galice et possèdent un appartemen­t près du port de Sada où sont amarrés leurs voiliers. Mais je résiste et, après une escale à Ferrol, je repars le jeudi 25 août de Sada pour La Corogne. Alors qu’à vol d’oiseau les deux ports ne sont séparés que d’un peu plus de dix kilomètres, il me faudra près de trois heures de navigation dans ce puzzle « d’ensenada » (crique). L’imposante tour construite sur la digue est masquée par le brouillard. Dès que j’ai passé cette longue digue qui coupe la Ria Coruña sur plus d’un tiers de sa largeur, j’aperçois la marina. On me guide alors par radio dans un dédale de pontons vides jusqu’à la darse proche de la capitainer­ie. L’accueil est chaleureux, les tarifs attrayants et je ressors avec une bouteille de vin offerte ; les jours à venir s’annoncent bien ! À l’instar de Santander, La Corogne est une grande ville dense, avec un centre plus animé que touristiqu­e. Elle comprend toutefois la grande statue de Maria Pita qui orne le centre de la grande place du même nom. Il n’est pas si fréquent qu’une femme soit ainsi honorée... Même si faire une escale à La Corogne peut sembler indispensa­ble, je délaisse pour une fois les balades et vais réserver un billet de train. Demain, je pars à Saint-Jacques-de- Compostel ! Voilà plus de trois heures que je suis assis, au pied d’une colonne de la grande galerie de l’Hôtel de ville, face à l’imposante cathédrale, même si toute la partie supérieure du porche est cachée par des échafaudag­es. Entre les deux s’étend une place immense où ne cessent d’entrer les pèlerins de chaque côté de la cathédrale. L’émotion est omniprésen­te et je ne cherche plus à essuyer les larmes. Hommes et femmes de tout âge se retrouvent, s’interpelle­nt, s’étreignent … Après les photos bras en l’air tenant les sacs, vélos ou bâtons de marche, ils s’assoient ou s’allongent. La plupart restent ainsi prostrés... Moments rares. Quand je décide de me lever et de visiter le centre historique, je suis désappoint­é par cette volonté d’impression­ner, d’écraser même, peut-être acceptable quelques siècles en arrière, mais totalement décalée aujourd’hui avec les motivation­s de ces pèlerins colorés. L’endroit le plus accueillan­t, légèrement excentré, se trouve dans la partie contempora­ine avec un long et large parc, très bien entretenu. Mais je reviens vite sur la grande place et m’assois à côté d’un grand sac à dos, d’un bleu fluo qui met encore plus en valeur la blancheur de la coquille SaintJacqu­es. Cette escale n’était pas programmée, l’idée m’en est venue en montant sur le plateau de Ribadeo, mais je ne la regrette pas... ■

 ??  ?? Avec ses grandes falaises dévoilant à marée basse des voûtes et des arcs, la plage des Cathédrale­s est l’un des plus beaux paysages naturels du nord de l’Espagne. Elle a été élue deuxième plus belle plage d’Europe en 2013.
Avec ses grandes falaises dévoilant à marée basse des voûtes et des arcs, la plage des Cathédrale­s est l’un des plus beaux paysages naturels du nord de l’Espagne. Elle a été élue deuxième plus belle plage d’Europe en 2013.
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 ??  ?? L’accès au port de plaisance de Viveiro ne présente pas de difficulté­s particuliè­res.
L’accès au port de plaisance de Viveiro ne présente pas de difficulté­s particuliè­res.
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 ??  ?? Ribadeo est une étape plaisante mais sans attrait touristiqu­e particulie­r, si ce n’est la tour de los Morenos de 1905.
Ribadeo est une étape plaisante mais sans attrait touristiqu­e particulie­r, si ce n’est la tour de los Morenos de 1905.
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