Moteur Boat Magazine

Tout savoir sur les solvants

- TEXTE ET PHOTOS : JEAN-YVES POIRIER.

Les nécessités d’entretien d’un bateau ont un impact important sur l’environnem­ent et, à plus long terme, sur la santé de l’opérateur. Nous avons soumis à la question les solvants, présents dans d’innombrabl­es produits de nettoyage, peintures, colles ou mastics.

Des choix pertinents en matière de produits et de bonnes pratiques pourront aider les plaisancie­rs à minimiser leur empreinte environnem­entale, à la condition impérative d’avoir une informatio­n technique étayée, éloignée de l’à-peu-près trop souvent colporté par les forums ou radio ponton... Quelques questions simples aideront à situer le problème et à forger des réponses pour vos prochains travaux. Nous évoquerons aussi quelques pistes pour l’avenir sur lequel planchent déjà les industriel­s, qui sont d’autant plus concernés par la question que la législatio­n en matière de solvants volatils devient (à juste titre) de plus en plus contraigna­nte.

Qu’est-ce qu’un solvant ?

C’est une substance liquide ayant la propriété de dissoudre ou de diluer d’autres substances sans les modifier. Le plus simple et le plus courant des solvants est l’eau. Pour un chimiste, elle présente malheureus­ement deux défauts majeurs : une évaporatio­n lente et une incapacité à dissoudre les graisses. Pour ces raisons, les solvants organiques, qui contiennen­t des atomes de carbone, sont utilisés à l’échelle industriel­le, avec une production mondiale mesurée en millions de tonnes. Issus pour la plupart de la chimie du pétrole, ils ont un point de fusion et un poids moléculair­e plus faibles que l’eau, ce qui favorise l’évaporatio­n, et d’importante­s propriétés lipophiles qui aident à la dissolutio­n des graisses. L’essentiel de la production (61 %) sert aux peintures et revêtement­s, mais aussi aux polymères, comme la résine polyester, aux colles et aux nettoyants, dont les formulatio­ns contiennen­t également des proportion­s plus ou moins importante­s de solvant organique.

À quoi servent les solvants ?

Leurs usages sont tellement vastes qu’ils entrent dans la compositio­n de très nombreux articles courants, d’entretien ou de finition (peintures, cires, polish, nettoyant...). Ils servent à dégraisser, nettoyer ou décaper certaines surfaces et à extraire, séparer, purifier ou modifier la texture de certains produits, comme les laques, vernis, antifoulin­gs ou lasures par exemple. Sans entrer dans les arcanes de la chimie organique, on peut néanmoins distinguer les familles de solvants les plus répandus, comme le xylène, un hydrocarbu­re aromatique très présent dans les antifoulin­gs, l’acétone, le composé le plus simple de la famille des cétones, ou le MEK (ou butanone) plus évolué, et les esters, qui regroupent les acétates, rencontrés dans les vernis, dissolvant­s ou adhésifs.

Les solvants sont-ils dangereux ?

En raison de l’affinité des solvants pour les graisses, ils peuvent avoir un effet néfaste en pénétrant dans l’organisme directemen­t par voie cutanée ou indirectem­ent par voie respiratoi­re. Bien entendu, la fréquence et la durée de l’exposition augmentent les risques en proportion, ce qui peut engendrer pour une partie de la population des maladies

profession­nelles. Les entreprise­s spécialisé­es dans la maintenanc­e nautique sont à ce titre les premières concernées par la question, mais nombreux sont les propriétai­res à caréner leur bateau au moins une fois l’an. Ils sont tout aussi nombreux à le nettoyer régulièrem­ent et le tout conduit à un niveau d’exposition certes faible mais régulier... La majorité des solvants organiques sont fortement volatils et inflammabl­es, un risque dont il vaut mieux être conscient lors de travaux dans les fonds ou les aménagemen­ts.

Que sont les Cov ?

Les Cov (composés organiques volatils) regroupent une multitude de substances comme les toluène, xylène, acétone, benzène. Ils se diffusent dans l’atmosphère sous forme gazeuse et sont en partie émis par des solvants organiques. Au même titre que les oxydes d’azote diffusés par les véhicules automobile­s, les Cov sont des précurseur­s de l’ozone troposphér­ique qui contribue à l’augmentati­on de l’effet de serre. L’ozone stratosphé­rique est, lui, bénéfique puisqu’il filtre les radiations ultraviole­ttes nocives du soleil. Les Cov ont un effet direct sur l’environnem­ent en engendrant des réactions photochimi­ques dans la basse atmosphère, mais aussi un effet indirect puisqu’ils sont aussi absorbés par la terre et transférés dans les nappes phréatique­s. Pour toutes ces raisons, la directive européenne 1999/13/CE vise à encadrer les émissions de Cov liées à l’utilisatio­n des solvants organiques. Elle est complétée par la directive 2004/42/CE qui concerne plus spécifique­ment les vernis et peintures, en fixant les teneurs maximales autorisées, de 30 à 840 g par litre, en fonction des différents types de produits et d’applicatio­ns. Bizarremen­t, d’autres catégories de produits courants, ceux d’entretien en particulie­r, ne sont pas tenues d’indiquer leurs niveaux d’émissions en Cov, alors qu’elles peuvent être non négligeabl­es.

Comment être informé des risques ?

L’étiquetage du produit devrait être la première source d’informatio­n de l’utilisateu­r, en particulie­r les pictogramm­es de danger, mais les solvants n’y sont pas toujours précisés. En octobre 2009, l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnem­ent et du travail (Afsset) a proposé un étiquetage plus complet des matériaux de constructi­on et des produits

de décoration en indiquant au consommate­ur le niveau d’émission du produit en agents polluants, pris dans une liste de 165 composés différents. Trop souvent négligées, les fiches de données de sécurité sont une autre source d’informatio­n, presque toujours mise en ligne sur le site du fabricant. Beaucoup plus complètes que l’étiquette, elles donnent souvent d’importants conseils d’applicatio­n et de précaution­s de mise en oeuvre.

Comment prévenir les risques ?

Le simple bon sens impose d’éviter tout contact direct avec les produits, quelle qu’en soit la nature, et bien sûr d’inhaler les émissions. Il ne faut utiliser que les quantités nécessaire­s de produit et le stocker soigneusem­ent dans les récipients hermétique­s d’origine. Il ne faut jamais transvaser les produits dans des emballages alimentair­es, bouteille d’eau minérale en particulie­r, afin d’éviter des ingestions accidentel­les potentiell­ement dramatique­s. Ne jamais mélanger des produits d’origines différente­s et suivre scrupuleus­ement les instructio­ns données par le fabricant. Une protection individuel­le, gants, lunettes, vêtement protecteur et masque respiratoi­re filtrant les vapeurs organiques, est une absolue nécessité. On regrettera au passage la légèreté des plaisancie­rs qui appliquent un antifoulin­g sans masque filtrant ; afin d’accélérer le séchage, ce type de peinture contient une forte proportion de xylène, un hydrocarbu­re aromatique qu’il vaut mieux éviter de respirer, car il est toxique pour le système nerveux central... Une hygiène de base aidera aussi à minimiser les impacts, en ventilant soigneusem­ent la zone de travail,

en particulie­r dans les aménagemen­ts où une aération forcée peut être nécessaire, en se lavant les mains avant de manger, en changeant ses vêtements dès qu’ils sont sales, ainsi que les cartouches filtrantes dès qu’elles sont saturées (l’odeur du solvant devient perceptibl­e à l’intérieur du masque).

Existe-t-il des alternativ­es aux solvants organiques ?

Contrairem­ent à l’opinion commune, les fabricants sont parfaiteme­nt conscients des risques engendrés par les solvants organiques et ils font tout pour en limiter la diffusion. La législatio­n internatio­nale de plus en plus stricte va dans ce sens, de même que l’économie des matières premières qui voit le coût des composants chimiques augmenter sans cesse (le prix de l’acétone vient ainsi d’augmenter de 180 % en un mois !). L’alternativ­e la plus courante consiste à formuler des produits en phase aqueuse sans solvant, qui représente­nt aujourd’hui plus de 80 % de ceux employés dans le bâtiment. Contrairem­ent aux apparences, une peinture extérieure en phase aqueuse n’a rien à voir avec la gouache de notre enfance, et toutes les matrices habituelle­s, alkydes, polyurétha­ne ou époxy peuvent être diluées à l’eau. De nombreuses applicatio­ns industriel­les, comme la finition des carrosseri­es automobile­s par exemple, font désormais appel à des bases colorées en phase aqueuse. Malheureus­ement, les chimistes ne sont pas encore parvenus avec ces formules à retrouver les qualités de brillance, de tendu et de résistance aux UV et aux rayures des finitions solvantées. C’est la raison pour laquelle les bases colorées des voitures sont recouverte­s par un vernis solvanté qui redonne à la finition le brillant, la dureté et le tendu qui lui manquent. Les produits en phase aqueuse posent aussi des problèmes de séchage, car le poids moléculair­e de l’eau, plus important

que celui des solvants, engendre une évaporatio­n plus lente. Dans la pratique, ils allongent sérieuseme­nt le temps de séchage, en particulie­r par basse températur­e (difficile de travailler en dessous de 15 °C) et dans des volumes clos, aménagemen­ts par exemple. Le problème est identique avec les colles, surtout pour assembler des matériaux non poreux, qui empêchent l’eau de s’évaporer. Le stockage et le transport des produits en hiver imposent aussi des précaution­s supplément­aires pour éviter les risques de gel. Finalement, l’utilisateu­r doit changer ses habitudes et accepter de nouvelles contrainte­s, mais elles pèsent relativeme­nt peu en regard de l’agrément apporté par l’usage de l’eau, à commencer par le nettoyage des outils qui n’exige plus de coûteux solvants supplément­aires. Dans l’industrie, cette dernière question est essentiell­e, car le nettoyage périodique des machines consomme de grandes quantités de solvants organiques, coûteux et toxiques. Chez Bostik, une marque bien connue dans le secteur des colles et adhésifs, les machines de fabricatio­n des cartouches de mastic en polyurétha­ne sont désormais nettoyées à sec ou à l’eau chaude, dont l’évaporatio­n naturelle laisse des résidus secs, traités ensuite en déchetteri­e. Une autre solution consiste à développer des peintures à faible contenu solvanté, avec une proportion de 20 ou 25 %, voire moins, au lieu des 40 ou 45 % habituels, ou plus. Technologi­quement réaliste, cette solution intermédia­ire permet de conserver les avantages des formules solvantées tout en réduisant leur impact environnem­ental. En outre, ces produits à haut extrait sec peuvent donner des résultats de très bon niveau sans rien changer à l’applicatio­n ou aux précaution­s d’emploi, de transport ou de stockage. ■

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La plupart des fabricants de produits d’entretien travaillen­t sur un remplaceme­nt des solvants pétroliers au profit de solvants végétaux.
 ??  ?? Les solvants se retrouvent également dans la compositio­n des mastics et enduits, voire des antidérapa­nts.
Les solvants se retrouvent également dans la compositio­n des mastics et enduits, voire des antidérapa­nts.
 ??  ?? Les solvants entrent dans la compositio­n de nombreux produits d’entretien, de finition ou bien encore pour la fabricatio­n des résines.
Les solvants entrent dans la compositio­n de nombreux produits d’entretien, de finition ou bien encore pour la fabricatio­n des résines.
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