Madagascar : escale à Nosy Be
Pays invité du Grand Pavois de La Rochelle fin septembre, Madagascar est une destination aussi incroyablement riche que méconnue. Moteur Boat a fait une halte sur l’île de Nosy Be au nord-est du pays, pour découvrir la faune et les décors époustouflants de l’archipel.
Trois cent mille, c’est le nombre de touristes venus visiter Madagascar l’an dernier. Quand on sait que l’île est plus grande que la France métropolitaine et que, en comparaison, Porquerolles reçoit un million de visiteurs chaque année, on comprend l’ampleur du manque à gagner touristique malgache. L’île aux vingt-deux régions et aux dix-huit ethnies aura un pavillon entier pour dévoiler ses richesses au port des Minimes, durant le Grand Pavois. Un mélange d’instabilité politique et de manque d’infrastructures explique l’engouement timoré des vacanciers pour cette destination qui reste pourtant facile d’accès (vols directs depuis Paris), où le français est la deuxième langue officielle, et où le décalage n’est que d’une heure. Pour profiter d’un vol peu cher, le mieux est de passer par l’Italie ou encore par Addis Abeba avec la compagnie Ethiopian Airlines.
Une faune aquatique incroyablement riche
Notre escapade malgache s’est essentiellement concentrée sur Nosy Be (« la Grande Île »), l’un des coins les plus connus du pays avec environ 60 000 visiteurs par an. L’archipel est un paradis pour la navigation avec ses îles riches en espèces endémiques et ses fonds marins où tortues, dauphins, requins-baleines et poissons de corail se laissent observer facilement. Nous en avons eu la preuve dès notre arrivée lorsque, au départ du Ravintsara Hotel sur la côte est, nous avons embarqué pour un safari-photo épique avec la compagnie Baleines Rand’Eau. Sur une coque open locale de 7 mètres, avec un 150 chevaux Yamaha, il suffit de musarder une heure dans la baie pour tomber littéralement sur des centaines de dauphins à long bec ( Stenella longirostris). Longs d’environ un mètre cinquante à l’âge adulte, ils aiment évoluer en larges bancs. Ils viennent naturellement jouer dans l’étrave du bateau, surfer dans la houle et se livrer à d’étonnantes acrobaties aériennes à la fois par jeu et pour se débarrasser des parasites à la surface de la peau. Pour voir les baleines à bosse, entre Nosy Be et Mayotte, la saison idéale est entre juillet et novembre. Les cétacés viennent depuis l’Antarctique chercher les eaux chaudes propices à la reproduction. Les femelles doivent produire plus de cent litres de lait par jour
pour nourrir leur baleineau ! Mais la grande vedette de la région est sans aucun doute le requin-baleine. Nosy Be est l’un des rares lieux de plongée où il est possible de les observer. Ils vivent dans les profondeurs, mais remontent à la surface se nourrir lors de la saison planctonique entre octobre et décembre. Sur les trois dernières années, 240 individus ont été recensés, ce qui est énorme. Notre équipage met ensuite le cap sur l’île de Sakatia, devant laquelle la présence d’un herbier permet l’observation des tortues herbivores.
Garder ses distances avec les tortues
Une fois sur zone, masque sur les yeux, il faut à peine deux minutes pour tomber sur un spécimen de la taille d’un saint-bernard ! Les consignes sont strictes : avoir un minimum d’interactions avec les tortues, ne pas les toucher, les laisser remonter respirer à la surface, ne pas trop s’approcher… Le jour suivant, nous partons de la plage de Madirokely (un peu à la manière corse, les locaux ne prononcent pas la dernière voyelle). Cette fois, notre destination est l’île mythique de Nosy Iranja et son banc de sable perdu dans le canal du Mozambique. Nous embarquons sur une coque open locale de la compagnie Nosy
Be Paradise Tours. Nous effectuons la traversée de 26 milles en deux heures à cause du plan d’eau chaotique levé par le vent d’ouest dominant. À mi-chemin, nous passons entre l’île-mère et l’îlot d’Ankazoberavina, où vit un grand nombre de lémuriens, les makis comme ils sont appelés là-bas. Le ressac rend toutefois le débarquement sur la plage sud assez délicat lorsque le vent est de mise. L’arrivée sur Nosy Iranja est une expérience à vivre. La langue de sable blanc reliant les deux îlots dans une eau turquoise est une des vues les plus spectaculaires que Madagascar ait à offrir. Le mouillage se fait côté est car, à l’ouest du banc de sable, la barrière rocheuse lève de belles déferlantes. Plusieurs familles malgaches vivent recluses sur l’îlot, de la pêche et du tourisme (beaucoup d’Italiens, comme à Nosy Be). Des paillotes sur la plage sud servent du poisson frais (barracuda, mérou…) et des fruits de mer. En un quart d’heure de marche à travers le village et la forêt, il est possible de monter jusqu’au phare métallique construit par les ateliers Gustave Eiffel. Un sentier ombragé d’une grande quiétude mène à la somptueuse plage au sud-ouest. Sur le chemin, il n’est pas rare de croiser des porteuses d’eau de tous âges transportant leur jarre en équilibre sur la tête. Quelques privilégiés peuvent réserver l’une des rares paillotes avec lit double aménagées le long de la plage pour passer quelques nuits inoubliables. Dans le sable, des piquets sont parfois plantés en petits cercles ; ils délimitent les zones de ponte des tortues. Notre départ de Nosy Iranja est un peu mouvementé, entre le ressac et les moteurs qui refusent de démarrer alors que l’ancre est levée ; en l’absence de décanteur, une impureté dans l’essence a bloqué le circuit. Habitué au problème, Francis, le jeune skippeur nosy-béen, procède à une purge sommaire et les deux Yamaha repartent. Notre route du retour est un peu moins longue, car nous sommes portés par le vent d’ouest. À hauteur d’Ankazoberavina, nous croisons une pirogue à voile de type prao sakalava dont l’équipage se laissera photographier en échange d’une bouteille d’eau. Ces pirogues profitent des vents favorables pour commercer entre l’île-mère et Nosy Be. Le soleil se couchant vers 18 heures en juin, nous profitons des dernières lueurs pour faire un tour au fourmillant marché de la « capitale » : Hell-Ville, le chef-lieu de l’île. Très convoitée, la vanille qu’il vaut mieux acheter séchée, reste une denrée chère : 40 000 ariary, soit
l’équivalent de 10 € pour quelques gousses seulement. Les baies roses, autre spécialité de Madagascar, sont plus abordables, 1 à 2 € le sachet de taille moyenne. L’ylang-ylang, fleur au puissant parfum sucré, se cultive aussi à Nosy Be. Notre périple s’achève en apothéose lorsque, au départ de la marina du Cratère (unique marina de l’île), nous embarquons à bord d’une goélette de 22 mètres, le Nofy Be, « Grand Rêve » en malgache. La construction de ce plan Joachim de 1884 a débuté il y a une dizaine d’années, sous l’impulsion de Frédéric Bouvier et de son amie Laetitia. Depuis, ils proposent des croisières dans le canal du Mozambique avec cinq membres d’équipage. Cette fois, nous partons sous voile pour Tanikely, à 6 milles au sud. L’île est une autre réserve connue pour ses lémuriens, caméléons, tortues et oiseaux de paradis.
Tanikely, un petit paradis autogéré
Au mouillage devant la plage sud-est, nous enfilons palmes, masque et tuba pour découvrir les fonds les plus spectaculaires que nous ayons vus jusqu’à présent. Autour d’un corail très préservé évoluent des balistes, chirurgiens, poissons-trompettes, papillons et tortues, tandis que le mérou sort farouchement le bout du nez entre deux roches. Tanikely accueille 30 000 visiteurs à l’année. Il faut s’acquitter d’un droit d’entrée d’environ 5 € qui sert à la protection et à la gestion de l’île, une autogestion en quelque sorte. À 16 heures, il faut impérativement évacuer les lieux pour perturber le moins possible l’écosystème. Grâce aux vocalises de notre talentueux guide Atomany Moratomba, nous finirons par apercevoir nos premiers lémuriens, ultime récompense de cet inoubliable périple malgache ! ■