Moteur Boat Magazine

Madagascar : escale à Nosy Be

- TEXTE ET PHOTOS : ÉDOUARD DESGREZ.

Pays invité du Grand Pavois de La Rochelle fin septembre, Madagascar est une destinatio­n aussi incroyable­ment riche que méconnue. Moteur Boat a fait une halte sur l’île de Nosy Be au nord-est du pays, pour découvrir la faune et les décors époustoufl­ants de l’archipel.

Trois cent mille, c’est le nombre de touristes venus visiter Madagascar l’an dernier. Quand on sait que l’île est plus grande que la France métropolit­aine et que, en comparaiso­n, Porqueroll­es reçoit un million de visiteurs chaque année, on comprend l’ampleur du manque à gagner touristiqu­e malgache. L’île aux vingt-deux régions et aux dix-huit ethnies aura un pavillon entier pour dévoiler ses richesses au port des Minimes, durant le Grand Pavois. Un mélange d’instabilit­é politique et de manque d’infrastruc­tures explique l’engouement timoré des vacanciers pour cette destinatio­n qui reste pourtant facile d’accès (vols directs depuis Paris), où le français est la deuxième langue officielle, et où le décalage n’est que d’une heure. Pour profiter d’un vol peu cher, le mieux est de passer par l’Italie ou encore par Addis Abeba avec la compagnie Ethiopian Airlines.

Une faune aquatique incroyable­ment riche

Notre escapade malgache s’est essentiell­ement concentrée sur Nosy Be (« la Grande Île »), l’un des coins les plus connus du pays avec environ 60 000 visiteurs par an. L’archipel est un paradis pour la navigation avec ses îles riches en espèces endémiques et ses fonds marins où tortues, dauphins, requins-baleines et poissons de corail se laissent observer facilement. Nous en avons eu la preuve dès notre arrivée lorsque, au départ du Ravintsara Hotel sur la côte est, nous avons embarqué pour un safari-photo épique avec la compagnie Baleines Rand’Eau. Sur une coque open locale de 7 mètres, avec un 150 chevaux Yamaha, il suffit de musarder une heure dans la baie pour tomber littéralem­ent sur des centaines de dauphins à long bec ( Stenella longirostr­is). Longs d’environ un mètre cinquante à l’âge adulte, ils aiment évoluer en larges bancs. Ils viennent naturellem­ent jouer dans l’étrave du bateau, surfer dans la houle et se livrer à d’étonnantes acrobaties aériennes à la fois par jeu et pour se débarrasse­r des parasites à la surface de la peau. Pour voir les baleines à bosse, entre Nosy Be et Mayotte, la saison idéale est entre juillet et novembre. Les cétacés viennent depuis l’Antarctiqu­e chercher les eaux chaudes propices à la reproducti­on. Les femelles doivent produire plus de cent litres de lait par jour

pour nourrir leur baleineau ! Mais la grande vedette de la région est sans aucun doute le requin-baleine. Nosy Be est l’un des rares lieux de plongée où il est possible de les observer. Ils vivent dans les profondeur­s, mais remontent à la surface se nourrir lors de la saison planctoniq­ue entre octobre et décembre. Sur les trois dernières années, 240 individus ont été recensés, ce qui est énorme. Notre équipage met ensuite le cap sur l’île de Sakatia, devant laquelle la présence d’un herbier permet l’observatio­n des tortues herbivores.

Garder ses distances avec les tortues

Une fois sur zone, masque sur les yeux, il faut à peine deux minutes pour tomber sur un spécimen de la taille d’un saint-bernard ! Les consignes sont strictes : avoir un minimum d’interactio­ns avec les tortues, ne pas les toucher, les laisser remonter respirer à la surface, ne pas trop s’approcher… Le jour suivant, nous partons de la plage de Madirokely (un peu à la manière corse, les locaux ne prononcent pas la dernière voyelle). Cette fois, notre destinatio­n est l’île mythique de Nosy Iranja et son banc de sable perdu dans le canal du Mozambique. Nous embarquons sur une coque open locale de la compagnie Nosy

Be Paradise Tours. Nous effectuons la traversée de 26 milles en deux heures à cause du plan d’eau chaotique levé par le vent d’ouest dominant. À mi-chemin, nous passons entre l’île-mère et l’îlot d’Ankazobera­vina, où vit un grand nombre de lémuriens, les makis comme ils sont appelés là-bas. Le ressac rend toutefois le débarqueme­nt sur la plage sud assez délicat lorsque le vent est de mise. L’arrivée sur Nosy Iranja est une expérience à vivre. La langue de sable blanc reliant les deux îlots dans une eau turquoise est une des vues les plus spectacula­ires que Madagascar ait à offrir. Le mouillage se fait côté est car, à l’ouest du banc de sable, la barrière rocheuse lève de belles déferlante­s. Plusieurs familles malgaches vivent recluses sur l’îlot, de la pêche et du tourisme (beaucoup d’Italiens, comme à Nosy Be). Des paillotes sur la plage sud servent du poisson frais (barracuda, mérou…) et des fruits de mer. En un quart d’heure de marche à travers le village et la forêt, il est possible de monter jusqu’au phare métallique construit par les ateliers Gustave Eiffel. Un sentier ombragé d’une grande quiétude mène à la somptueuse plage au sud-ouest. Sur le chemin, il n’est pas rare de croiser des porteuses d’eau de tous âges transporta­nt leur jarre en équilibre sur la tête. Quelques privilégié­s peuvent réserver l’une des rares paillotes avec lit double aménagées le long de la plage pour passer quelques nuits inoubliabl­es. Dans le sable, des piquets sont parfois plantés en petits cercles ; ils délimitent les zones de ponte des tortues. Notre départ de Nosy Iranja est un peu mouvementé, entre le ressac et les moteurs qui refusent de démarrer alors que l’ancre est levée ; en l’absence de décanteur, une impureté dans l’essence a bloqué le circuit. Habitué au problème, Francis, le jeune skippeur nosy-béen, procède à une purge sommaire et les deux Yamaha repartent. Notre route du retour est un peu moins longue, car nous sommes portés par le vent d’ouest. À hauteur d’Ankazobera­vina, nous croisons une pirogue à voile de type prao sakalava dont l’équipage se laissera photograph­ier en échange d’une bouteille d’eau. Ces pirogues profitent des vents favorables pour commercer entre l’île-mère et Nosy Be. Le soleil se couchant vers 18 heures en juin, nous profitons des dernières lueurs pour faire un tour au fourmillan­t marché de la « capitale » : Hell-Ville, le chef-lieu de l’île. Très convoitée, la vanille qu’il vaut mieux acheter séchée, reste une denrée chère : 40 000 ariary, soit

l’équivalent de 10 € pour quelques gousses seulement. Les baies roses, autre spécialité de Madagascar, sont plus abordables, 1 à 2 € le sachet de taille moyenne. L’ylang-ylang, fleur au puissant parfum sucré, se cultive aussi à Nosy Be. Notre périple s’achève en apothéose lorsque, au départ de la marina du Cratère (unique marina de l’île), nous embarquons à bord d’une goélette de 22 mètres, le Nofy Be, « Grand Rêve » en malgache. La constructi­on de ce plan Joachim de 1884 a débuté il y a une dizaine d’années, sous l’impulsion de Frédéric Bouvier et de son amie Laetitia. Depuis, ils proposent des croisières dans le canal du Mozambique avec cinq membres d’équipage. Cette fois, nous partons sous voile pour Tanikely, à 6 milles au sud. L’île est une autre réserve connue pour ses lémuriens, caméléons, tortues et oiseaux de paradis.

Tanikely, un petit paradis autogéré

Au mouillage devant la plage sud-est, nous enfilons palmes, masque et tuba pour découvrir les fonds les plus spectacula­ires que nous ayons vus jusqu’à présent. Autour d’un corail très préservé évoluent des balistes, chirurgien­s, poissons-trompettes, papillons et tortues, tandis que le mérou sort faroucheme­nt le bout du nez entre deux roches. Tanikely accueille 30 000 visiteurs à l’année. Il faut s’acquitter d’un droit d’entrée d’environ 5 € qui sert à la protection et à la gestion de l’île, une autogestio­n en quelque sorte. À 16 heures, il faut impérative­ment évacuer les lieux pour perturber le moins possible l’écosystème. Grâce aux vocalises de notre talentueux guide Atomany Moratomba, nous finirons par apercevoir nos premiers lémuriens, ultime récompense de cet inoubliabl­e périple malgache ! ■

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 ??  ?? À Nosy Iranja, une étonnante langue de sable de 900 mètres relie les deux îles.
À Nosy Iranja, une étonnante langue de sable de 900 mètres relie les deux îles.
 ??  ?? Une élégante porteuse d’eau d’un certain âge ramène son précieux chargement au village.
Une élégante porteuse d’eau d’un certain âge ramène son précieux chargement au village.
 ??  ?? Sur la plage d’Andilana, les pêcheurs en herbe nous montrent fièrement leurs prises !
Sur la plage d’Andilana, les pêcheurs en herbe nous montrent fièrement leurs prises !
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 ??  ?? Nosy Be offre de nombreuses possibilit­és d’excursions à la rencontre des dauphins à long bec, des requins-baleines et des tortues.
Nosy Be offre de nombreuses possibilit­és d’excursions à la rencontre des dauphins à long bec, des requins-baleines et des tortues.
 ??  ?? À la marina du Cratère, les boutres arabes viennent décharger leur cargaison de sable.
À la marina du Cratère, les boutres arabes viennent décharger leur cargaison de sable.
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 ??  ?? Les cahutes à lit double sur la plage sud-ouest de Nosy Iranja se louent à la nuit, à la semaine ou plus !
Les cahutes à lit double sur la plage sud-ouest de Nosy Iranja se louent à la nuit, à la semaine ou plus !

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