Des maquettes hyperréalistes
Quel meilleur moyen de se téléporter en enfance qu’une visite au Village, l’un des plus grands ateliers au monde pour la réalisation de maquettes ? Il se trouve à Tananarive, alors suivez le guide !
La Calypso, le Belem, le France, Pen Duick... tous ces bateaux de rêve sont construits entièrement à la main au Village à Madagascar. Fabricant de maquettes depuis 1993, cette société artisanale est située dans la capitale. Il suffit de pousser le portail pour arriver dans une ruelle pavée au milieu des arbres, bordée d’une enfilade de maisonnettes en briques et bois qui renferment un atelier où chacun a sa spécialité : accastillage, sculpture, ferrures en cuivre… C’est à peine croyable ; on a l’impression d’être un Gulliver visitant un monde miniature. Tout, ici, est produit en bois, souvent précieux, comme le palissandre et l’ébène issus « d’exploitations forestières contrôlées ». Il n’y a ni plastique ni résine, ce qui explique que Le Village soit spécialisé plutôt dans les bateaux anciens. Ils conçoivent également des multicoques ou des bateaux à moteur modernes, mais le rendu est moins satisfaisant qu’avec de la fibre de verre ou du plastique, dixit Olivier Vexlard, le directeur commercial.
Ils n’utilisent surtout pas de vernis
Une grande partie des maquettes est produite à l’échelle 1/50 ou 1/75, mais les ateliers peuvent faire plus grand, sur demande. Le plus gros modèle aujourd’hui au catalogue est l’imposant Soleil Royal, de Louis XIV. Il mesure 1,67 mètre de long, exige 1 500 heures de travail et se vend 10 000 €. Dans les ateliers, derrière chaque artisan, un plan original indique les proportions et l’emplacement des pièces, afin d’être le plus fidèle possible à la réalité. Les coques sont construites latte par latte, sur membrures. En bois, elles sont cintrées sur la flamme d’une bougie, à l’ancienne. Un travail beau, émouvant, de passionnés. Sur les établis, ciseau à bois, pinceaux et toile émeri sont les outils de base, mais quelques concessions sont tout de même faites à la modernité avec, çà et là, une petite perceuse ou une meuleuse électrique. Sur les galions pirates, les artisans sculptent les moindres petits accessoires, canons, barriques, poulies, barre à roue, pièces de quelques millimètres à peine. La partie la plus spectaculaire est sans doute le château arrière de ces galions, où les détails relèvent d’une extrême minutie. C’est dans cette partie du navire que le capitaine avait généralement ses quartiers. Les artisans du Village font appel à certains matériaux recyclés ; les voiles sont tenues par des fils de pêche par exemple. Elles sont teintées avec du thé, et le gréement est fonctionnel. Pour la finition, les ateliers refusent d’utiliser du vernis, qui d’après eux « vieillirait moins bien et nécessiterait plus d’entretien ». À la place, ils utilisent de l’huile de lin et de la cire d’abeille liquide. Un coup de pinceau suffit alors pour redonner à la maquette tout son lustre. Le Village compte trente employés, chacun ayant sa spécialité, mais restant tout de même polyvalent. Le catalogue compte une centaine de réalisations et chaque maquette nécessite entre six mois et un an pour être construite. La production tourne autour de trois cents
modèles par an. Dans le plus grand des ateliers, des artisans, le plus souvent des femmes, créent le gréement de l’Hermione, la frégate de La Fayette (1779), une tâche d’extrême précision. À côté, changement d’époque, on s’affaire sur une réplique du Charles de Gaulle longue de 1,20 mètre (le vrai mesure 262 m !). Notre oeil s’arrête aussi sur l’Abeille Liberté, saisissante de réalisme. À côté, sa grande soeur l’Abeille Flandre est prête à être expédiée vers la France. La réplique de 60 centimètres est vendue 760 € au départ de l’atelier. Le Ponant est là aussi, toutes voiles dehors, à côté d’une machine à coudre plutôt vintage. Le Village se vante d’être l’un des meilleurs ateliers de maquettes historiques de bateaux. « Jadis, une concurrence de haut niveau venait de l’île Maurice mais, dernièrement, la production de masse a pris le dessus sur la qualité », affirme Cyril Salabert, le chef d’atelier. Le Village n’a pas de site marchand à proprement parler. Il vend essentiellement aux particuliers, lesquels écrivent au site internet maquettedebateaux.com pour se faire envoyer un devis. En marge des bateaux, la société produit aussi des répliques de châteaux, des avions, des objets de décoration réalisés à partir de photos ou de plans. L’équipe du Village sera au prochain Grand Pavois de La Rochelle, du 26 septembre au 1er octobre sur le stand Madagascar puisque, rappelons-le, l’île est cette année l’invitée d’honneur du salon. ■