La plaisance décomplexée
La 78e édition du Miami Boat Show s’est tenue du 14 au 18 février dernier et a mis, une fois encore, en évidence la démesure et l’extravagance de la plaisance américaine. Le tout avec le plus total aplomb !
Étonnant salon que ce Miami Boat Show ! Depuis plus de vingt-cinq ans que nous y allons, nous sommes à chaque fois surpris et sidérés par ce rendez-vous incontournable du mois de février. Quel décalage avec nos salons européens ! C’est à se demander si nous vivons sur la même planète et, cette année, encore plus que les éditions précédentes.
Des plaisanciers heureux !
En Europe, et en France plus particulièrement, si vous possédez un bateau avec un moteur de plus de 200 chevaux, on tend à vous faire culpabiliser et à vous faire passer pour un « nanti qui ne se préoccupe pas de la planète ». Là-bas, c’est tout le contraire ! Plus vous avez de moteurs sur votre tableau arrière, plus ça fait de bruit, mieux c’est ! La consommation ? Ce n’est pas un problème, d’autant que les moteurs actuels sont des petits bijoux de technologie de plus en plus propres et sobres. Résultat, les plaisanciers américains, et surtout floridiens, sont heureux et décomplexés, assument totalement leur passion et en
profitent au maximum. La preuve en est donnée par les chiffres insolents de l’industrie nautique américaine qui, pour la 7e année consécutive, sont en hausse. Les immatriculations de bateaux neufs ont augmenté en 2018 de 4 % par rapport à 2017, soit un total de 280 000 unités. Et les pronostics prévoient une augmentation de 3 ou 4 % pour 2019. Bref, tout va bien outre-Atlantique ! La plaisance américaine participe, à raison de 170,3 milliards de dollars, à l’activité économique du pays et la Floride est toujours le premier État en termes de ventes de bateaux devant la Californie, New York, le Texas et le Michigan.
Le week-end du President’s Day
Rien d’étonnant donc à ce que ce salon qui se déroule sur cinq jours seulement, chaque année au moment du President’s Day (lundi férié en l’honneur des différents présidents des États-Unis), ait un tel succès et attire plus de 100 000 visiteurs et près de 1 400 bateaux. Installé depuis 2016 sur Virginia Key au Miami Marine Stadium, ce salon est l’un des plus importants des États-Unis. Et, pourtant, il montre une facette de la plaisance américaine finalement assez décalée par rapport au marché national. Un peu comme le fait le Festival de la plaisance de Cannes pour notre marché français… On pourrait en effet croire en se basant sur les bateaux exposés,
leurs tailles et leurs motorisations de plus en plus démentielles que la majorité des unités neuves vendues aux États-Unis sont des « gros » bateaux. Or, il n’en est rien. Comme en France, 95 % de la flotte américaine mesure moins de 26 pieds (8 m).
Une industrie au top de sa forme
La majorité des ventes (75 000 unités) concerne des opens conçus pour la pêche en eaux protégées, des bateaux pontons en aluminium (58 000 unités) et des bateaux de sports de glisse (10 000 unités). Mais à Miami tout est permis et la Floride est l’un des États les plus riches ! Les chantiers comme les motoristes le savent bien et en profitent ; il semble qu’il n’y ait dans ce salon aucune limite. Le Tirranna 59 lancé par Cigarette pour ses 50 ans, et propulsé par six moteurs (sept, ça ne rentrait pas...), en est le parfait exemple. Tout comme les unités de plus de 15 mètres, tel le nouveau Scout 53 LXF, ou le plus gros open du monde, le 65 Estrella de HCB (Hydra-Sport Custom Boat), avec leur brochette de hors-bord – des modèles qui suscitent émerveillement mais aussi perplexité ! Quel est l’intérêt de dépenser 4,4 millions de dollars (soit le prix de deux Prestige 620 !) pour un open de 18 mètres ? Le Salon de Miami reflète le marché floridien, plus que celui national. Néanmoins, pour assagir son image et s’adresser à « monsieur Tout-le-Monde », cette édition de 2019 présentait deux nouvelles attractions, le Costa Conservation Village, une exposition destinée à faire prendre conscience aux visiteurs de l’importance de la protection des océans et de l’environnement marin, et des cours de révision et d’entraînement à la manoeuvre proposés par Boat US, la principale association américaine de propriétaires de bateaux. L’autre changement pour 2019 ne concerne pas directement le Miami Boat Show, mais le Miami Yacht Show, l’autre salon organisé non pas par la NMMA (la Fin américaine) mais par Informa Exhibitions et qui, depuis des années, se tenait aux mêmes dates, au nord de Miami Beach, le long de Collins Avenue. Pour la première fois, le Miami Yacht Show s’est installé plus près du Miami Boat Show, à Downtown près de la Sea Isle Marina. Des navettes, bus et « water taxis » permettaient de passer de l’un à l’autre, optimisant ainsi la fréquentation des deux salons. Concernant les tendances de cette édition 2019, le hors-bord a toujours la cote et reste le mode
de propulsion préféré des plaisanciers américains. Il équipe d’ailleurs 85 % des bateaux neufs vendus chaque année ; on s’en doutait un peu au regard de la quantité de hors-bord présents au salon. Le motoriste américain Mercury a annoncé avoir augmenté de 7 % le nombre de moteurs exposés cette année par rapport à 2018, soit un total de 200 blocs – une belle présence pour cette marque iconique qui fête en 2019 ses 80 ans et lançait son dernier bébé, le Verado 400 (voir article pages suivantes).
Les chantiers du Maine
Yamaha n’était pas en reste avec son XTO de 425 chevaux, installé par deux, trois, quatre et même cinq sur les tableaux arrière des bateaux de démonstration. Le hors-bord continue donc de s’inviter sur tous les types de coques, même les plus classiques à l’image du Vanquish 26 CC et du Back Cove 340, deux unités originaires du Maine (voir pages suivantes) qui cèdent à la tendance et sont propulsées par des hors-bord. Idem pour les cabin-cruisers, des unités qui ont beaucoup souffert de la crise, mais qui font leur réapparition, tel le Four Winns V355 Coupé. Cette année, les bateaux les plus motorisés au Miami Boat Show affichaient jusqu’à six gros moteurs, l’année prochaine verrons-nous des brochettes de sept ou huit moteurs ? ■