Moteur Boat Magazine

Balade d’Harmonie : de Lisbonne à Lagos

- TEXTE ET PHOTOS: DIDIER MAINTENANT.

Partis en juin 2016 de Paris pour rejoindre, par le grand tour, la Méditerran­ée, Didier Maintenant et son Swift Trawler 34 ont fait une halte d’un an à Lisbonne. Les voilà repartis pour la seconde partie de leur périple en direction de Valence. Mais la route est longue et parsemée de nombreuses étapes. Voici la première qui mène Harmonie et son capitaine de Lisbonne jusqu’à Lagos au sud du Portugal.

L’organisati­on de dîners sur le ponton, juste devant Harmonie, avait rythmé cette fin d’été 2017, dans la petite partie navigable de l’immense marina du parc des Nations de Lisbonne, s’ensablant inéluctabl­ement au fil des jours (voir encadré). L’annonce de mon prochain départ trouble donc d’autant plus la quiétude des relations amicales installées au fil du temps entre les plaisancie­rs sédentaire­s, que le décompte s’accélère également pour les « derniers voileux vacanciers ». Se désespéran­t d’une météo de moins en moins disposée aux traditionn­els basculemen­ts de vent saisonnier­s, ils se résolvent à une remontée au moteur pour rentrer en France dans les temps.

Direction le sud et plus particuliè­rement l’Algarve

Cette rupture avec l’ambiance indolente incite aux bonnes résolution­s et quelques indécis lavent, réparent, rénovent, soucieux de s’appuyer sur cette dynamique pour reprendre eux aussi la mer. En ces mois de septembre et octobre 2017, nous serons ainsi un certain nombre à dénouer les amarres, pour des destinatio­ns éparses : Madère, Canaries, Açores, golfe de Gascogne... Pour moi, ce sera le sud et plus particuliè­rement l’Algarve ! Un an, quasiment jour pour jour, après mon arrivée, je repars, accompagné par les tintements de la cloche de la capitainer­ie. Adieux un peu disproport­ionnés, car j’ai décidé de passer deux nuits dans le port central de Lisbonne pour me rapprocher de l’entreprise qui a effectué la révision du moteur d’Harmonie. Pendant un séjour estival à Sesimbra, j’ai pu me rendre compte que de l’eau s’égouttait de nouveau de la chambre de la turbine aspirant l’eau de mer de refroidiss­ement. Le joint doit donc être reposition­né, le couvercle resserré et le silent-bloc, situé juste en dessous, refixé après avoir été repeint. L’environnem­ent de ce port est tristounet, avec un immense parking d’un côté et des conteneurs de l’autre, pontons engoncés entre des murs très hauts, et, surtout, des nuisances sonores pour le pont du 25 avril. Il faut compter 13 milles pour sortir définitive­ment de la baie de Lisbonne et apponter dans le superbe village de Cascais dont j’ai longuement parlé lors de mon premier passage en sens inverse (voir Moteur Boat n° 337). Enfin, le 30 septembre 2017, au petit matin, je mets cap au sud, pour l’un des endroits les plus envoûtants du Portugal : Sesimbra au cap Espichel. Les plages fréquentée­s par les Lisboètes s’étendent sur toute la première partie de la navigation. Cova do Vapor, un village sauvage, menacé

régulièrem­ent de destructio­n par les pouvoirs administra­tifs, marque le début de cette longue langue de sable. La pratique ancestrale d’une pêche au filet s’y perpétue ; un bateau plat part du bord de la plage et décrit un arc de cercle de plusieurs milles, en déroulant le filet. Il accoste quelques centaines de mètres plus bas que son lieu de départ et le filet est tiré. Malgré l’utilisatio­n actuelle de moteurs rotatifs, installés sur des tracteurs, il faut bien plus d’une heure pour tirer le filet en intégralit­é, pour un résultat pas toujours proportion­nel au travail accompli. Plus au sud sur la côte, la lagune d’Albufeira et ses maisons flottantes sont une destinatio­n familiale très prisée. Sesimbra est un de ces bijoux dont le Portugal peut à juste titre s’enorgueill­ir. Situé avant la baie de Setúbal, le village offre tout un panorama de vues grandioses sur l’océan ou sur les coteaux et falaises qui l’environnen­t. Avec ses bateaux

de pêche colorés, son fort en plein milieu de la plage, ses ruelles étroites qui escaladent la colline, il est devenu un lieu de détente réputé. En été, le petit port de plaisance est plein (et cher !). J’y étais venu en juillet 2017 en car pour faire un repérage et j’avais réussi à convaincre les responsabl­es du port de pêche de me louer un emplacemen­t parmi l’amas chaotique de bouées protégées par la digue principale. J’étais resté dix jours, le temps de voir se rompre une à une les cordes immergées accessible­s autour d’Harmonie. Il faut dire que, dans ce qui pourrait être un petit paradis, chaque soir, vers 19 heures descend un vent de terre allant de 20 à 40 noeuds ! Le cap Espichel fut au Moyen Âge un haut lieu de pèlerinage. Des pêcheurs avaient reconnu, dans des traces gravées dans une falaise à pic, les pas d’une mule gigantesqu­e. Elle ne pouvait qu’avoir été montée par la Vierge elle-même, pour réussir une telle escalade... Pendant plusieurs siècles, des repentants arrivèrent de toute l’Europe, avant que le lieu ne retombe en désuétude. Il reste aujourd’hui un ensemble d’habitats bien entretenus, avec une église, totalement peinte à l’intérieur, assez remarquabl­e. La fréquentat­ion du lieu, sans commune mesure avec le succès passé, a toutefois repris ces dernières années.

Les ports se font rares sur la côte sud du Portugal

Des scientifiq­ues ont en effet reconnu dans ces fameuses traces de pas gravées verticalem­ent et toujours visibles, celles de dinosaures qui seraient passés sur une plage, avant que celle-ci ne devienne une falaise ! Les touristes succèdent aux pèlerins... Il se dégage néanmoins de cet endroit rare, aussi bien au niveau des bâtiments que des falaises abruptes, un sentiment particulie­r qui m’y a fait revenir à plusieurs reprises pendant mon année à Lisbonne. La côte atlantique sud du Portugal, de Sesimbra au cap Saint-Vincent, ne propose qu’un seul port, Sines. Une longue navigation de 30 milles entre Sesimbra et Sines, puis de 71 milles, est nécessaire pour contourner le cap Saint-Vincent. Malgré des « pépites » naturelles comme Porto das Barcas ou Vila Nova de Milfontes, cette région, peu fréquentée des touristes, est également petit à petit abandonnée par la jeunesse locale. Sines, malgré un port agréable et bien protégé, est un gros bourg qui impression­ne par le nombre de maisons laissées à l’abandon. Ce n’est pourtant pas faute de créativité de la part des élus qui ont, en effet, instauré un réseau de passerelle­s le long des falaises, avec comme point central un ascenseur reliant le plateau sur lequel s’étale le village aux plages en contrebas... J’en repars le 3 octobre, sous le charme d’un lever de soleil précurseur d’une navigation agréable, accompagné­e régulièrem­ent de groupes de dauphins. Dès la pointe Saint-Vincent contournée, le spectacle naturel impression­ne avec des falaises profondéme­nt scarifiées, d’une couleur ocre relevée par le soleil de fin d’après-midi. Bienvenue en Algarve ! Si l’on excepte l’enceinte naturelle de Sagres, dans lequel de multiples petits bateaux au mouillage se protègent, le premier port d’Algarve est Lagos à trois heures de navigation du cap Saint-Vincent. Mais quelle navigation ! Au bout d’un canal qui traverse la ville, la marina de Lagos, bien protégée, est immense.

Mais Lagos est... anglaise ! Cette dénominati­on symbolique repose en effet sur la vaste communauté britanniqu­e vivant surtout dans les bateaux sédentaire­s de la marina ou dans les immeubles qui l’entourent, mais aussi dans la jolie mais très touristiqu­e ville elle-même. Au moment de mon passage, le Brexit n’était encore qu’un épouvantai­l animant les petitsdéje­uners (à la bière) dans les nombreuses brasseries alignées sur les quais. Gageons qu’aujourd’hui l’inquiétude doit être bien concrète, même si les autorités portugaise­s se sont déclarées prêtes à faciliter les démarches administra­tives de demande de résidence. Sans souhaiter quoi que ce soit de néfaste ni à nos amis anglais, ni aux acteurs économique­s locaux qui en dépendent, ce risque de rupture amènera peut-être les dirigeants de la marina de Lagos à reconsidér­er l’accueil des bateaux de passage avec un peu plus d’amabilité ! Lagos est... exceptionn­elle ! Sa longue côte propose une succession de petites plages, encastrées dans de gigantesqu­es sculptures naturelles, mélange de sable, de terre ocre et d’amas de fossiles. Contrairem­ent à ce que je découvrira­i plus tard pour la grande majorité des côtes de l’Algarve, le choix a été fait ici de laisser libre la nature. On ne peut s’empêcher de se questionne­r sur le devenir de ces grottes, pics, falaises, inlassable­ment rongés par l’océan. Lisbonne, quittée quelques jours plus tôt, est déjà loin. Un autre voyage commence... ■

 ??  ?? Situé en face de Lisbonne à l’embouchure du Tage, Cova do Vapor est un charmant petit village de pêcheurs.
Situé en face de Lisbonne à l’embouchure du Tage, Cova do Vapor est un charmant petit village de pêcheurs.
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 ??  ?? Dernière photo de Lisbonne et du quartier d’Alfama.
Dernière photo de Lisbonne et du quartier d’Alfama.
 ??  ?? Les environs de Lagos offrent les plus belles plages de l’Algarve.
Les environs de Lagos offrent les plus belles plages de l’Algarve.
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 ??  ?? La marina de Lagos est installée en plein coeur de la ville, à quelques mètres des superbes plages de l’Algarve.Sesimbra est l’une des plus jolies stations balnéaires du Portugal.
La marina de Lagos est installée en plein coeur de la ville, à quelques mètres des superbes plages de l’Algarve.Sesimbra est l’une des plus jolies stations balnéaires du Portugal.
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Vila Nova de Milfontes est située à l’embouchure du rio Mira et offre de grandes étendues de sable.
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 ??  ?? Occupé par un phare et un monastère, le cap Saint-Vincent, situé en Algarve, est le point le plus au sud-ouest de l’Europe.
Occupé par un phare et un monastère, le cap Saint-Vincent, situé en Algarve, est le point le plus au sud-ouest de l’Europe.
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Dans la lagune d’Albufeira, l’eau est magnifique et plus chaude que dans l’océan.

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