Moteur Boat Magazine

Escapade aux Pays-Bas

Terre des polders, du gouda et des moulins, les Pays-Bas représente­nt en Europe l’un des endroits les mieux adaptés pour la navigation fluviale. Cyril Jouanjan, lecteur de Moteur Boat, a parcouru à bord d’une péniche les rivières et canaux de Hollande, et

- TEXTE ET PHOTOS : CYRIL JOUANJAN.

Les Pays-Bas, vous connaissez ? C’est le plat pays, celui du gouda, des moulins à vent et des polders. J’avais décidé il y a quelques années de visiter ce pays et d’y associer le plaisir de la navigation fluviale que nous apprécions tant avec mon épouse. Un vieil article de Moteur Boat

Magazine m’avait aussi donné envie de faire cette découverte au fil de l’eau. C’est en 2018 que nous avons programmé ce tour fluvial. Associant mon beau-frère et son épouse à ce projet, j’ai entrepris dès l’hiver 2017 de trouver une réservatio­n de bateau (le terme pénichette est une marque déposée) pour passer une semaine au fil de l’eau, en cherchant un loueur local tel que Delos Yachtchart­er, plutôt qu’un gros loueur internatio­nal, et surtout un bateau avec un agréable espace de vie intérieur et extérieur, ainsi que deux cabines séparées, afin de privilégie­r le confort (voir encadré).

Prendre garde au tirant d’air des bateaux

Le point le plus important en Hollande est le tirant d’air, en raison du nombre impression­nant de ponts, qui ne sont pas tous levants ou tournants, d’autant plus que le niveau des cours d’eau et canaux peut varier suivant la saison. La base de location de la société Delos Yachtchart­er, entreprise familiale loin des grosses structures, se trouve à Nieuwegein, dans la marina de Marnemoend­e. Nous avions réservé pour une navigation du 4 au 10 août 2018 pour un prix d’environ 1 600 € la semaine. Pendant le printemps, j’avais préparé un projet de circuit avec des étapes d’arrêt et de visite, mais les conseils pertinents du patron à notre arrivée au port l’ont quelque peu modifié. Il fut donc décidé d’effectuer la boucle suivante : Gouda, Alphen, Amsterdam, Weesp et Utrecht. Le samedi 4 août vers 12 h 30, nous découvrons notre bateau. Après l’embarqueme­nt de l’avitaillem­ent, le loueur nous fait découvrir la navigation

et les manoeuvres durant trente minutes. Elles ne sont pas trop perturbant­es pour mon épouse et moi, à part la masse du bateau, mais c’est la première fois que mon beau-frère pilote un tel engin. Au-delà de la manoeuvre, il faut tenir compte des nageurs en pleines eaux, des stand-up paddle qui parfois se transforme­nt en nageurs, des canoës qui se trouvent sur le parcours et nécessiten­t l’attention malgré la faible vitesse de navigation. Nous appareillo­ns à 14 h 35 vers Montfoort que nous atteignons une heure plus tard pour faire une pause avitaillem­ent. La première manoeuvre d’accostage entre deux bateaux déjà amarrés ne se passe pas très bien, malgré la présence d’un propulseur d’étrave et de poupe. Il faudra nous y reprendre à deux fois pour caser ce bateau contre la rive ; c’est le métier qui rentre. La vitesse sur les rivières et canaux varie de 8 à 12 km/h, mais le calcul du temps de navigation doit prendre en compte deux autres paramètres : le passage des écluses, même si elles sont peu nombreuses, et surtout celui des ponts qui va rythmer et ralentir notre navigation.

Une rivière qui serpente au milieu des prés

Les ponts sont le plus souvent levants, mais aussi basculants avec une ou deux parties basculante­s, et parfois tournants. Le passage est géré par le même système de feux que les écluses (voir encadré). Les horaires sont aussi importants, les ponts étant fermés à partir d’une certaine heure, et il faut consulter une espèce d’almanach de 300 pages écrit en hollandais qui contient les horaires de plusieurs milliers de ponts (chacun possède un numéro) de tous les Pays-Bas ! Je mettrai plusieurs jours pour en comprendre le mode d’emploi ! Depuis notre départ nous naviguons sur la jolie rivière Hollandse IJssel (Yssel hollandais) qui serpente tranquille­ment au milieu des prés. Après Montfoort, nous atteignons Oudewater vers 17 h 15 et arrivons devant le pont 734b Goverwelle­brug à 18 h 30. Nous ne sommes qu’à dix minutes de l’écluse d’entrée de la ville de Gouda, mais le pont a fermé à 18 heures. Nous rebrousson­s chemin d’un kilomètre pour nous amarrer non loin, directemen­t avec des piquets sur la berge derrière deux autres bateaux, et profiter de la douceur estivale de cette fin de journée sur le carré arrière. La carte que m’a fournie le loueur est très utile, car il y est indiqué tous les amarrages possibles, combien de temps on peut rester (généraleme­nt trois fois 24 h) et si l’eau et l’électricit­é sont présentes (en général gratuites). L’amarrage est souvent équipé de bittes à terre pour s’y attacher, mais parfois, comme ce premier soir, il faut sortir trois piquets avec anneau à planter pour s’amarrer directemen­t dans l’herbe. Nous aurons recours trois fois à cette technique durant la semaine de navigation. Le lendemain, nous appareillo­ns à 9 h 30. C’est l’occasion d’apercevoir notre premier moulin à vent. Mais nous devons attendre longtemps pour passer l’écluse de Gouda dans laquelle nous rentrerons de justesse avec un autre bateau. Nous nous amarrons près de la vieille ville à 10 h 45. Gouda, qui est au confluent de la rivière IJssel et du canal Gouwe, est une ville traversée par de jolis petits canaux très étroits. Il y a en fait un premier jeu d’écluses pour passer de la rivière au canal et un deuxième pour accéder au centre historique de la ville. Nous resterons sur la rivière principale en raison du tirant d’air limitant de notre bateau. Nous passons une bonne partie de la journée à visiter Gouda. Au-delà de sa place centrale et de son marché aux fromages à pâte dure célèbres dans le monde entier, il existe aussi un très joli musée dans un château à visiter, ainsi que, dans la ville en bord de canal, un moulin en fonctionne­ment. Nous repartons vers 16 h 30. Le passage de l’écluse sud de Gouda avec plusieurs voiliers non démâtés nous permet d’accéder au canal Gouwe. C’est a priori une voie importante, car les ponts sont larges et assez hauts. Nous naviguons pendant deux heures et demie pour rallier Alphen et nous trouvons un point d’amarrage bien abrité du vent du soir à la sortie de la ville qui se trouve sur le canal de l’Aar, un lieu de toute quiétude où, après une nuit de repos, nous pourrons admirer un superbe lever de soleil se reflétant en miroir sur l’eau. Nous repartons assez tôt, car nous souhaitons faire un détour sur une rivière affluente pour notre repas du midi et ensuite nous rapprocher d’Amsterdam. Direction est donc prise vers l’écluse 724b de Tolhuisslu­izen que nous atteignons vers 9 h 50. Elle nous permet de basculer sur la rivière Amstel qui descend (ou monte, on ne sait jamais vu que ce pays est parfaiteme­nt plat) vers Amsterdam.

À l’approche d’Uithoorn, nous ratons la confluence de la rivière Kromme et après un demi-tour nous remontons cette petite rivière sinueuse et parfois très étroite, ce qui complique un peu la navigation, d’autant plus que des enfants se baignent parfois en plein milieu. Nous ne savons pas très bien ce que nous allons trouver, car notre loueur nous a recommandé un restaurant de « pancakes »... là au milieu des champs ! Effectivem­ent, sur la carte il existe bien un amarrage situé à De Hoef. Lorsque nous y arrivons à 11 h 35, le ponton de la crêperie De Strooppot est minuscule et il y a juste deux places dont une déjà occupée. Nous arrivons à nous y attacher, mais la visite du village nous apprend l’absence de tout commerce pour ravitaille­r le bateau. Nous déjeunons en terrasse de succulente­s crêpes assaisonné­es de nombre d’ingrédient­s ; notre loueur était donc de bon conseil, et nous ne regrettero­ns pas cette escapade.

Une baignade dans la rivière, en pleine nature

Vers 13 h 20, nous remettons en marche et faisons un arrêt de deux heures à Uithoorn pour l’avitaillem­ent. Puis nous repartons et pensons nous arrêter dans le petit village d’Ouderkerks­ur-l’Amstel mais, plus nous nous approchons d’Amsterdam, moins il y a d’amarrages disponible­s. Nous finissons par nous arrêter en bord de rivière contre un morceau de rivage un peu renforcé et bien droit. Je sors de nouveau les piquets et procède à un amarrage suivant les règles maritimes, pointe et garde avant et arrière plus un traversier, afin que le bateau soit fortement limité dans ses mouvements ; le trafic fluvial se poursuit en effet parfois assez tard, tant se promener en bateau est ici une institutio­n. La soirée permet de nous baigner dans cette rivière très propre. Nous sommes en pleine nature et, pourtant, au loin dans la plaine, nous apercevons les grands immeubles de la ville et une autoroute qui semble être le périphériq­ue d’Amsterdam. Depuis trois jours que nous naviguons, la températur­e tant en journée que pendant la nuit a été très chaude (autour de 30 °C), mais le matin du quatrième jour, quand nous nous réveillons, elle est tombée à 14 °C et une épaisse brume recouvre la plaine, permettant une superbe photo de lever de soleil dans ce halo matinal. Malgré cette fraîcheur matinale, la journée est annoncée à 32 °C. Nous levons l’amarrage à 8 heures en direction d’Amsterdam. Initialeme­nt, nous avions prévu de traverser la ville en bateau, d’y dormir une nuit, puis de basculer dans l’énorme mer intérieure l’IJmeer avant de retourner dans le fleuve Vecht. Mais, vu le nombre de ponts à passer, j’ai compris que nous perdrions la journée pour rallier le port. Nous avons donc choisi de nous arrêter à la George marina à l’entrée de la ville (35 € la nuit), près du canal latéral Trekvaart, puis de chercher un moyen de transport pour la visite de la capitale. Bien nous en a pris, car, après un sympathiqu­e accueil par le maître de port parlant le français, et le branchemen­t de l’électricit­é au quai, nous avons appris qu’un supermarch­é pour l’avitaillem­ent se trouvait juste à côté, et que la gare se situait à deux cents mètres du port, avec trois stations avant la ville historique et cinq pour la station Amsterdam-Central. J’en profitai également pour négocier la possibilit­é de ne quitter le port que le lendemain vers 17 heures afin d’avoir deux jours pleins pour la découverte de la capitale. Le standing est ici assez élevé, avec beaucoup de belles unités. La zone est entourée d’immeubles, sans grand monde dans les rues. À l’approche de ce port,

nous avons aussi noté de nombreuses péniches de type « Mobilhome », certaines sommaires, d’autres très luxueuses avec parfois un bateau rangé sur un quai privé attenant, ce qui tend à confirmer que les Hollandais aiment vivre sur l’eau.

Le royaume des vélos et de la navigation fluviale

Que dire de la capitale économique et culturelle des Pays-Bas ? Ville fluviale par excellence, elle héberge 850 000 habitants au milieu de 100 kilomètres de canaux, 1 500 ponts et environ 90 îles. Mais c’est aussi le royaume du vélo, car les Néerlandai­s utilisent massivemen­t ce moyen de transport, à tel point que, dans les rues, les priorités sont d’abord accordées aux vélos, puis aux piétons, et enfin aux voitures ! L’agglomérat­ion est immense et brille par son architectu­re, sa peinture ou sa vie nocturne plus ou moins chaude, quartier moderne ou quartier rouge. Après avoir effectué un tour du côté du marché aux fleurs, puis visité quelques musées (Rijksmuseu­m, musée d’Art moderne, Museumplei­n et Van Gogh Museum), nous avons décidé de nous adjoindre les services d’un guide d’Amsterdam Autrement, parlant français et organisant des visites de petits groupes du centre ancien. Durant deux heures et demie de marche, notre guide nous a ainsi fourni de nombreux détails sur le quartier du Jordaan, puis nous a conduits dans le plus ancien « café brun » de la ville, avant de nous conseiller de bonnes adresses de restaurant­s loin du flux des rues à touristes, et en particulie­r le « café brun » T Papeneilan­d, d’un très bon rapport qualité/prix et spécialist­e de tartes aux pommes. À notre retour à la George marina, nous avons eu la surprise de découvrir les deux petites plages bondées de monde et des dizaines d’embarcatio­ns à l’ancre avec de nombreux passagers en train de prendre l’apéritif, de se baigner, d’écouter de la musique... une soirée d’été typiquemen­t hollandais­e ! J’en profitai pour plonger quelques têtes dans l’eau très agréable vu la températur­e ambiante... Le lendemain, après une autre journée de visite et un avitaillem­ent, nous étions prêts à passer sous le pont près de la marina, ouvert de 18 heures à 20 heures. Nous prenons la direction du village de Weesp, via le canal Trekvaart. Après une succession de nombreux ponts, nous atteignons une

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 ??  ?? Avec ses 10,70 mètres, le Stern peut accueillir quatre personnes avec un très bon niveau de confort.
Avec ses 10,70 mètres, le Stern peut accueillir quatre personnes avec un très bon niveau de confort.
 ??  ?? Les points d’amarrage le long des rives ne manquent pas, comme ici sur le paisible canal de l’Aar situé à proximité d’Alphen.
Les points d’amarrage le long des rives ne manquent pas, comme ici sur le paisible canal de l’Aar situé à proximité d’Alphen.
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 ??  ?? Nombreuses sont les habitation­s à disposer de leur propre accès à l’eau, et de leur ponton privatif.
Nombreuses sont les habitation­s à disposer de leur propre accès à l’eau, et de leur ponton privatif.
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 ??  ?? Les écluses ne sont pas forcément très longues et c’est tout juste si deux bateaux peuvent tenir ensemble. Il a fallu patienter quelques heures avant de pouvoir accéder à la ville de Gouda.
Les écluses ne sont pas forcément très longues et c’est tout juste si deux bateaux peuvent tenir ensemble. Il a fallu patienter quelques heures avant de pouvoir accéder à la ville de Gouda.
 ??  ?? Le pont surélevé à l’arrière, abrité par un taud enveloppan­t, est idéal pour prendre ses repas. La vue sur le décor alentour est imprenable !
Le pont surélevé à l’arrière, abrité par un taud enveloppan­t, est idéal pour prendre ses repas. La vue sur le décor alentour est imprenable !
 ??  ?? C’est en faisant route pour la ville de Gouda que l’équipage aperçoit son premier moulin à vent. Une vraie image d’Épinal !
C’est en faisant route pour la ville de Gouda que l’équipage aperçoit son premier moulin à vent. Une vraie image d’Épinal !

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