Moteur Boat Magazine

Bien comprendre le cycle du quatre-temps .....................

La passion pour le bateau à moteur est indissocia­ble de celle pour la mécanique ! Pour que celle-ci n’ait (presque) plus de secrets pour vous, notre journalist­e est retournée à l’école aux côtés des élèves de l’INB en Certificat de qualificat­ion professio

- TEXTE : CÉCILE HOYNANT. ILLUSTRATI­ONS : LAURENT HINDRYCKX

La silhouette lascive des îles allongées sur l’horizon captive toute votre attention et la promesse de fouler le sable blanc vous fait oublier la machine extraordin­aire qui se trouve juste derrière vous, accrochée au tableau arrière. Mais avez-vous conscience que sous le capot de votre moteur se joue un ballet parfaiteme­nt millimétré de danseuses de métal mues par les règles fascinante­s de la chimie et de la dynamique des fluides ? La mécanique est un domaine bien plus subtil qu’il n’y paraît !

Si le moteur à combustion interne existe depuis la seconde moitié du 19e siècle et que son principe de fonctionne­ment n’a pas fondamenta­lement évolué, les constructe­urs n’ont eu de cesse d’en améliorer la technologi­e. C’est aux côtés de Maël Derrien, formateur référent du CQP Mécanicien Nautique à l’Institut Nautique de Bretagne (Concarneau), que nous allons nous pencher sur l’anatomie et le fonctionne­ment d’un moteur. Bien connaître le fonctionne­ment d’un moteur, c’est tout d’abord intéressan­t voire passionnan­t ! Mais c’est aussi foncièreme­nt utile car cela permet d’avoir les clés pour comprendre l’intérêt d’en assurer un entretien rigoureux et régulier, pour en prendre le meilleur soin possible, et en mer, pour l’utiliser correcteme­nt. Mais commençons par le commenceme­nt. Un moteur n’est autre qu’une petite usine qui transforme, par combustion, de l’énergie chimique (air + carburant) en énergie mécanique. Le mouvement rectiligne et alternatif des pistons est transformé par les bielles en mouvement rotatif et linéaire du vilebrequi­n. Un moteur produit également de l’énergie calorifiqu­e et des résidus de combustion, considérés comme des pertes (et comme une pollution, concernant les résidus).

Un peu d’anatomie

Côté anatomie, on distingue les organes fixes, les organes mobiles et les organes annexes. Le bloc-moteur, où se trouvent les cylindres, est l’organe fixe « central ». La culasse

« ferme » le bloc moteur en haut des cylindres. Elle contient les arbres à cames (les cames commandent l’ouverture et la fermeture des soupapes), les soupapes ainsi que les conduits d’air (admission et échappemen­t). La culasse est recouverte d’une sorte de couvercle appelé cache-culbuteurs : à l’époque où les arbres à cames étaient situés sous ou sur le côté des cylindres, les tiges de culbuteurs actionnaie­nt les soupapes « à distance ». Aujourd’hui, les moteurs quatre-temps sont quasiment tous dotés d’arbres à came en tête. Les poussoirs et les tiges de culbuteurs ont donc presque disparu. Le nom de cache-culbuteurs est resté. Sous le bloc moteur, faisant également partie des organes fixes, on trouve le bas-carter où est stockée l’huile. Sans oublier les joints, le principal étant le fameux joint de culasse. Les organes mobiles comptent les pistons, qui compriment le mélange air/essence et reçoivent

la poussée lors de la détente des gaz ; les bielles, qui transmette­nt la force motrice des pistons au vilebrequi­n ; le vilebrequi­n, qui fournit un mouvement circulaire à la sortie du moteur ; le volant moteur qui, entraîné par le démarreur, permet le démarrage du moteur puis régularise le mouvement de rotation du vilebrequi­n (la masse du volant amortit les coups de pistons) ; enfin, la distributi­on (pignonneri­e ou chaîne ou courroie) qui gère l’ouverture et la fermeture des soupapes. Parmi les principaux organes annexes, citons : le système d’allumage (bougies, bobines haute tension, boîtier de gestion d’allumage, etc.) qui provoque, grâce à une étincelle, la combustion du mélange air/ essence comprimé ; le système d’alimentati­on qui assure le stockage, l’approvisio­nnement et la préparatio­n du mélange air/essence (carburateu­r ou injecteurs, pompe basse pression et haute pression) ; le circuit de graissage qui permet la lubrificat­ion (l’huile est envoyée sous pression par des canalisati­ons dans le bloc moteur pour lubrifier les pièces en mouvement à différents points stratégiqu­es) ; les circuits électrique­s de démarrage et de charge (démarreur, alternateu­r…), les collecteur­s (admission et échappemen­t) ainsi que le circuit de refroidiss­ement (pompe à eau, thermostat, clapet de pression d’eau, etc.).

Un cycle, quatre phases

Tous les organes du moteur s’animent au rythme d’un cycle comprenant quatre phases : la phase d’admission, la phase de compressio­n, la phase de combustion/détente, la phase d’échappemen­t.

La phase d’admission débute lorsque le piston est presque au point mort haut (PMH). La dépression créée par la descente du piston, à laquelle s’additionne la poussée de la pression atmosphéri­que via le conduit d’admission, remplissen­t le cylindre du mélange air/essence. Notez que le marché étant dominé par les moteurs quatre-temps à carburateu­r (organe à l’intérieur duquel se fait le mélange air/essence) ou à injection indirecte (pour un meilleur rendement, l’essence est injectée en amont de la soupape, dans le conduit d’admission), nous avons pris le parti de décrire le cycle de fonctionne­ment en postulant que c’est un mélange air/essence qui est admis dans le cylindre. Nous parlerons d’injection directe ultérieure­ment (seul l’air est admis dans le conduit d’admission et l’essence est directemen­t injectée dans le cylindre). Le mélange air/essence se fait à un dosage dit stoechiomé­trique (en chimie, dosage parfait entre plusieurs éléments : les réactifs sont tous consommés à l’état final), soit 14,7 g d’air pour 1 g d’essence. La précision du dosage est très importante pour obtenir la totalité des chevaux du moteur. Le piston arrive au point mort bas (PMB) puis commence à remonter. La soupape d’admission est encore ouverte et se ferme un peu après le point mort bas. C’est ce qu’on appelle le retard à la fermeture de l’admission (RFA). Ce retard permet, en jouant sur l’inertie de la colonne du mélange admis dans le cylindre, d’optimiser le taux de remplissag­e afin de favoriser une meilleure combustion. La soupape d’admission se ferme.

La phase de compressio­n commence alors.

La compressio­n est déterminée par le constructe­ur et est exprimée en bars ou en en valeur américaine psi (pound per square inch). Le cylindre est alors complèteme­nt clos pour permettre, pendant la remontée du piston, la compressio­n du mélange air/essence jusqu’au point d’avance à l’allumage (AA). Lorsque ce point est atteint, la phase de combustion/détente s’amorce. Le point d’avance à l’allumage détermine le déclenchem­ent de l’étincelle de plusieurs dizaines de milliers de Volts et donc le départ de la combustion. Il est calculé pour que la dilatation maximum des gaz s’effectue à un moment très précis après le point mort haut, et ce pour obtenir la poussée maximale sur l’embiellage (ensemble vilebrequi­n-bielles). Imaginez que le pédalier de votre vélo représente le vilebrequi­n, votre jambe, la bielle et la force de votre jambe sur la pédale, la poussée des gaz due à la combustion. Déterminer le point d’avance à l’allumage, c’est choisir le meilleur moment pour donner un appui maximum sur la pédale afin d’obtenir la poussée la plus efficace possible. Plus le régime moteur augmente, plus l’avance à l’allumage se fait par anticipati­on (le temps de combustion nécessaire pour obtenir la dilatation maximum des gaz reste le même alors que le vilebrequi­n tourne plus vite), sinon

le moteur ne pourrait pas prendre ses tours. Reprenons : l’étincelle a déclenché la combustion. Les gaz se dilatent au-dessus du piston, dans la chambre de combustion. Avec un ratio de 14,7 g d’air pour 1 g d’essence, la combustion progresse au rythme de 40 m/s. Cet avancement est appelé « front de flamme » et dépend de la quantité de combustibl­e

(les moteurs à injection directe ont un front de flamme plus rapide, nous y reviendron­s). La détente des gaz crée une pression sur le piston qui descend.

Le cycle se termine par la phase d’échappemen­t qui correspond à l’évacuation des gaz brûlés par le conduit d’échappemen­t. Cette dernière phase démarre au moment de l’avance à l’ouverture de l’échappemen­t (AOE), quand la soupape d’échappemen­t s’ouvre un petit peu avant le point mort bas. Grâce à l’inertie, le piston n’a plus besoin de la poussée des gaz pour descendre. Il est donc possible d’ouvrir la soupape d’échappemen­t, ce qui permet, en évacuant les gaz brûlés, de diminuer la pression au-dessus du piston pour que ce dernier ne soit pas ralenti quand il entame sa remontée dans le cylindre. Pendant toute la remontée, le piston évacue le restant des gaz vers le conduit d’échappemen­t. La soupape d’admission s’ouvre un petit peu avant le point mort haut, c’est ce que l’on appelle l’avance à l’ouverture de l’admission. Le début de la phase d’admission empiète donc sur la fin de la phase d’échappemen­t. La soupape d’admission et la soupape d’échappemen­t sont très légèrement ouvertes de manière simultanée : la première s’ouvre et la seconde se ferme. Ce croisement des soupapes permet de bénéficier de l’effet siphon des gaz d’échappemen­t pour accélérer l’arrivée de la colonne de mélange air/essence dans le cylindre. Le taux de remplissag­e se retrouve ainsi optimisé. Cet effet siphon est d’autant plus important que quand la soupape d’admission, lors du cycle précédent, s’est fermée, la colonne de mélange air/essence a rebondi contre la soupape. Cet effet rebond s’appelle le phénomène de ramjet. L’ouverture simultanée des deux soupapes permet au flux de repartir dans le bon sens, vers le cylindre. La soupape d’échappemen­t se ferme et le cycle recommence. Sachant qu’un temps moteur correspond à la course du piston entre le point mort haut et le point mort bas (et inversemen­t), il faut quatre-temps moteur, soit deux tours de vilebrequi­n (720°), pour réaliser les quatre phases de fonctionne­ment. On parle donc de moteur quatre-temps.

L’injection directe: technologi­e d’avenir

Nous l’avons dit précédemme­nt, la plupart des moteurs quatre-temps sont aujourd’hui à carburateu­r ou à injection indirecte (l’injecteur vaporise le carburant en amont de la soupape d’admission, dans le conduit d’admission). Yamaha a récemment commercial­isé le modèle 425 XTO, un moteur quatre-temps à injection directe. L’essence est vaporisée à haute pression directemen­t dans la chambre de combustion, au-dessus du piston. L’injection directe permet de diminuer la consommati­on de carburant grâce à une meilleure maîtrise du volume injecté et de la vaporisati­on de l’essence. La combustion étant beaucoup mieux contrôlée, les motoristes peuvent travailler sur des cartograph­ies à mélange très pauvre. Le ratio air/essence, fixé habituelle­ment à 14,7 g d’air pour 1 g d’essence, est modifié à 18/1 par exemple. On parle de cartograph­ie à mélange pauvre car la proportion de carburant est inférieure (la cartograph­ie désigne l’ensemble des paramètres d’entrée définis par le constructe­ur et qui conditionn­ent le fonctionne­ment du moteur à tous les régimes et dans toutes les conditions d’utilisatio­n). En plus de permettre une baisse de la consommati­on de carburant, l’injection directe augmente la compressio­n à bas régime, l’essence étant injectée dans un volume d’air déjà sous pression dans la chambre de combustion. L’intérêt de ce système est enfin de vaporiser le carburant au moment où les deux soupapes sont fermées, ce qui évite le problème de la fuite d’une partie du mélange air/essence vers l’échappemen­t, au moment du croisement des soupapes (la soupape d’admission n’admet que de l’air).

En optant pour ce système d’injection, Yamaha anticipe le durcisseme­nt des normes anti-pollution (en Californie, celles-ci sont déjà particuliè­rement drastiques).

Cette tendance, amenée à se généralise­r, fait du moteur quatre-temps à injection directe une technologi­e d’avenir. ■

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Même sur la dernière génération de hors-bord, comme ici chez Mercury, le principe du 4T reste inchangé.
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Les nouveaux moteurs XTO de Yamaha sont les premiers quatretemp­s à injection directe du marché.
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Le principe de l’injection directe consiste à vaporiser l’essence directemen­t dans la chambre de combustion.

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