• La rivière d’Auray ..........................................................
Dans la partie occidentale du golfe du Morbihan, la rivière d’Auray serpente jusqu’à Saint-Goustan. L’occasion pour nous de la remonter depuis Locmariaquer, à travers un dédale de parcs à huîtres, de rives verdoyantes et de roches séculaires. Une navigation bretonne tout en délicatesse, où ce bras de mer généralement abrité influe son rythme au gré de la marée.
C’est bien connu : le golfe du Morbihan est un écrin et ses îles, autant de joyaux. Mouchiouse, Logoden, Ilur ou Gavrinis en sont quelques-unes. Mais l’endroit est parfois victime de son succès, du moins dans un espace compris entre Port-Navalo (qui marque l’entrée de cette petite mer intérieure), et les deux îles principales que sont l’île aux Moines et celle d’Arz. Heureusement, il existe des secteurs moins fréquentés, plus discrets. C’est le cas de la rivière d’Auray, située dans la partie occidentale du golfe. Une navigation sans grande difficulté, effectuée en compagnie de Bénédicte et Jean-Michel Viant. Ce dernier est bien connu de nos lecteurs pour être un des experts maritimes qui oeuvre au sein de
L’Argus du Bateau, mais également dans les rubriques « occasion » de Moteur Boat
Magazine. Lorsqu’ils ne naviguent pas au long cours, Bénédicte et Jean-Michel Viant savourent ce coin de Bretagne Sud, qui fleure bon l’iode ou le varech et dont les ciels sans cesse changeants ont la même nuance que celui du lichen qui recouvre d’étranges pierres dressées par des hommes dans la région, il y a des milliers d’années. Des nuances de jaune, de blanc, de bleu et de vert… C’est bien cela dont il est question en temps normal dans le ciel de cette région. Mais voilà, aujourd’hui, la palette est unanimement d’un bleu azuréen, de bout en bout de cette journée de navigation.
Un départ de Locmariaquer par coefficient moyen
Notre unité est un Smartliner 21, motorisé avec un Mercury de 90 chevaux, amarré au port de Locmariaquer. Les coefficients de marée sont moyens en ce début juin et lorsque nous nous retrouvons au port, c’est tout juste si le ponton flotte. Mais la marée sera suffisante pour nous déhaler, le tirant d’eau de notre Smartliner étant d’une trentaine de centimètres. Nous nous laissons donc porter par la montante, cap au nord – nord-ouest, après avoir longé les perches bâbord du chenal du port de Locmariaquer. Il est recommandé de les suivre scrupuleusement, au risque de laisser une
embase sur les parcs à huîtres qui bordent le chenal des deux côtés (en plus des balises, des perches en bois matérialisent la présence des bancs). Les chenaux ne sont pas forcément représentés par des marques bâbord et tribord. Parfois, seules les balises rouges définissent la route à prendre, la nôtre débutant par le contournement de l’île du Grand et du Petit Hernic. Ce dernier est parfois appelé de façon officieuse « l’île aux oiseaux », car il est du goût de l’avifaune qui l’utilise comme reposoir. La plupart des nidifications sont terminées, et en cette fin de printemps, seuls quelques goélands sont encore présents sur l’estran, surveillant notre route de cet oeil torve qui les caractérise.
Des rives qui se rapprochent vers le nord
Nous longeons la pointe du Blair et ses demeures protégées des regards indiscrets par une végétation luxuriante, notamment des pins. « Jadis, le golfe était vierge de ce type d’arbres, explique Jean-Michel Viant. Ce n’est qu’au début du siècle précédent que les propriétaires décidèrent de s’isoler derrière un rideau végétal, grâce à ces pins qui présentent la caractéristique de pousser rapidement. »
Aujourd’hui, certains sont déplumés, le guano des oiseaux qui s’en servent comme perchoir agissant comme un acide puissant et dévastateur. Large au début de notre navigation, la rivière d’Auray se rétrécit à mesure que nous taillons notre route vers le nord. Celle-ci est parsemée de moulins à marée, de retenues d’eau, voire de châteaux dont le sommet apparaît fugacement entre les cimes d’arbres centenaires, pour disparaître aussitôt, à la manière d’un songe. Un premier goulet se forme au niveau du port du Parün, là où émergent les mâts du chantier naval InfinityLe
Borgne. Puis c’est au tour de la baie de Kerdréan (également appelée anse de Baden) de s’ouvrir à nous. Peu profonde, elle est à réserver aux embarcations de type canoës et autres kayaks. Des fermes piscicoles prennent place de part et d’autre du chenal qui, une fois encore, diminue entre deux rives boisées. Là, les bateaux au mouillage sont embossés au pied de belles demeures familiales. Puis la rivière s’élargit à nouveau, mais avec deux
directions possibles. À tribord, le Bono est surplombé par un pont aux lignes modernes. Nous y reviendrons plus tard. Pour l’heure, nous franchissons le pont de César, qui n’a d’ailleurs de pont que le nom… S’il ne reste plus aucune pile visible depuis la surface, à l’époque romaine, il permettait de franchir le gué au niveau de la pointe de Kerisper. Près des herbus, c’est également l’endroit où des pêcheurs en scaphandre autonome ramassaient autrefois des clams. Puis, au détour de la pointe du Plessis, c’est un tout autre décor qui apparaît, moins intime, plus dégagé, avec d’immenses vasières en train d’être recouvertes par le flux. Sur l’autre rive, le château du Plessis-Kaër s’élève. Il annonce l’approche d’Auray, tout comme le pont de la route nationale qui mène à Vannes.
Une escale de charme à Saint-Goustan
Au bout, c’est Saint-Goustan, un des quartiers de la ville d’Auray, celui du port à proprement parler. Le décor est enchanteur, une vraie carte postale, avec ses quais sur lesquels des maisons à colombages surveillent à leurs pieds des vieux gréements. De l’autre côté, le long des quais empierrés (appelés dans la région vannetaise « rabines »), des arbres majestueux servent d’abris aux promeneurs qui piqueniquent à l’ombre. Nous les imitons, mais en nous amarrant sur un ponton, le temps d’une pause pour le déjeuner, au calme, avec comme toile de fond les deux clochers qui veillent sur Saint-Goustan. Le port était jadis le théâtre d’une intense activité commerciale, et pour l’anecdote, le quai Franklin où nous sommes amarrés est nommé ainsi en hommage à l’Américain célèbre venu demander de l’aide aux Français au moment de leur guerre d’indépendance. L’heure est venue de remettre le Mercury en marche. Le tirant d’air sous les arches du pont est trop bas pour espérer passer de l’autre côté ; c’est une navigation réservée aux canoës, mais il est théoriquement possible de remonter la rivière d’Auray audelà, qui prend alors le nom de Loc’h. Nous préférons explorer d’autres lieux, à commencer par la rivière du Bono, enjambée par deux ponts. Le premier est celui de la route départementale, l’autre, entièrement piéton et rénové récemment, est plus ancien mais également plus flatteur pour l’oeil. Il domine le ravissant petit port du Bono où musardent des stand-up-paddles. Il est amusant de constater qu’entre ces deux rivières, pourtant toutes proches, la différence de paysages est autant marquée. Non qu’il y en ait une plus belle que l’autre, mais certains endroits font penser à la Scandinavie, alors que d’autres, comme ce cimetière de bateaux ou ces quais avec leurs anciennes cabanes ostréicoles, sont estampillés 100 % breton pur beurre… salé ! Même si nous atteignons le port de Plougoumelen à la haute mer et son étonnante plage attenante, nous faisons demi-tour, conscients que l’eau se retire vite à Locmariaquer, notre port d’attache. La distance n’est pas forcément importante entre ces deux points (une petite dizaine de milles, tout au plus), mais il faut tenir compte de la faible vitesse imposée dans le golfe du Morbihan qui, rappelons-le, est de 10 noeuds maximum, voire 5 noeuds lorsque l’on navigue dans la zone des 300 mètres. Cette balade nous aura permis de porter un autre regard sur le golfe du Morbihan, à l’écart des secteurs les plus fréquentés. Pour sûr, nous reviendrons ! ■