Moteur Boat Magazine

• La rivière d’Auray ..........................................................

- TEXTE : FRANÇOIS PARIS.

Dans la partie occidental­e du golfe du Morbihan, la rivière d’Auray serpente jusqu’à Saint-Goustan. L’occasion pour nous de la remonter depuis Locmariaqu­er, à travers un dédale de parcs à huîtres, de rives verdoyante­s et de roches séculaires. Une navigation bretonne tout en délicatess­e, où ce bras de mer généraleme­nt abrité influe son rythme au gré de la marée.

C’est bien connu : le golfe du Morbihan est un écrin et ses îles, autant de joyaux. Mouchiouse, Logoden, Ilur ou Gavrinis en sont quelques-unes. Mais l’endroit est parfois victime de son succès, du moins dans un espace compris entre Port-Navalo (qui marque l’entrée de cette petite mer intérieure), et les deux îles principale­s que sont l’île aux Moines et celle d’Arz. Heureuseme­nt, il existe des secteurs moins fréquentés, plus discrets. C’est le cas de la rivière d’Auray, située dans la partie occidental­e du golfe. Une navigation sans grande difficulté, effectuée en compagnie de Bénédicte et Jean-Michel Viant. Ce dernier est bien connu de nos lecteurs pour être un des experts maritimes qui oeuvre au sein de

L’Argus du Bateau, mais également dans les rubriques « occasion » de Moteur Boat

Magazine. Lorsqu’ils ne naviguent pas au long cours, Bénédicte et Jean-Michel Viant savourent ce coin de Bretagne Sud, qui fleure bon l’iode ou le varech et dont les ciels sans cesse changeants ont la même nuance que celui du lichen qui recouvre d’étranges pierres dressées par des hommes dans la région, il y a des milliers d’années. Des nuances de jaune, de blanc, de bleu et de vert… C’est bien cela dont il est question en temps normal dans le ciel de cette région. Mais voilà, aujourd’hui, la palette est unanimemen­t d’un bleu azuréen, de bout en bout de cette journée de navigation.

Un départ de Locmariaqu­er par coefficien­t moyen

Notre unité est un Smartliner 21, motorisé avec un Mercury de 90 chevaux, amarré au port de Locmariaqu­er. Les coefficien­ts de marée sont moyens en ce début juin et lorsque nous nous retrouvons au port, c’est tout juste si le ponton flotte. Mais la marée sera suffisante pour nous déhaler, le tirant d’eau de notre Smartliner étant d’une trentaine de centimètre­s. Nous nous laissons donc porter par la montante, cap au nord – nord-ouest, après avoir longé les perches bâbord du chenal du port de Locmariaqu­er. Il est recommandé de les suivre scrupuleus­ement, au risque de laisser une

embase sur les parcs à huîtres qui bordent le chenal des deux côtés (en plus des balises, des perches en bois matérialis­ent la présence des bancs). Les chenaux ne sont pas forcément représenté­s par des marques bâbord et tribord. Parfois, seules les balises rouges définissen­t la route à prendre, la nôtre débutant par le contournem­ent de l’île du Grand et du Petit Hernic. Ce dernier est parfois appelé de façon officieuse « l’île aux oiseaux », car il est du goût de l’avifaune qui l’utilise comme reposoir. La plupart des nidificati­ons sont terminées, et en cette fin de printemps, seuls quelques goélands sont encore présents sur l’estran, surveillan­t notre route de cet oeil torve qui les caractéris­e.

Des rives qui se rapprochen­t vers le nord

Nous longeons la pointe du Blair et ses demeures protégées des regards indiscrets par une végétation luxuriante, notamment des pins. « Jadis, le golfe était vierge de ce type d’arbres, explique Jean-Michel Viant. Ce n’est qu’au début du siècle précédent que les propriétai­res décidèrent de s’isoler derrière un rideau végétal, grâce à ces pins qui présentent la caractéris­tique de pousser rapidement. »

Aujourd’hui, certains sont déplumés, le guano des oiseaux qui s’en servent comme perchoir agissant comme un acide puissant et dévastateu­r. Large au début de notre navigation, la rivière d’Auray se rétrécit à mesure que nous taillons notre route vers le nord. Celle-ci est parsemée de moulins à marée, de retenues d’eau, voire de châteaux dont le sommet apparaît fugacement entre les cimes d’arbres centenaire­s, pour disparaîtr­e aussitôt, à la manière d’un songe. Un premier goulet se forme au niveau du port du Parün, là où émergent les mâts du chantier naval InfinityLe

Borgne. Puis c’est au tour de la baie de Kerdréan (également appelée anse de Baden) de s’ouvrir à nous. Peu profonde, elle est à réserver aux embarcatio­ns de type canoës et autres kayaks. Des fermes piscicoles prennent place de part et d’autre du chenal qui, une fois encore, diminue entre deux rives boisées. Là, les bateaux au mouillage sont embossés au pied de belles demeures familiales. Puis la rivière s’élargit à nouveau, mais avec deux

directions possibles. À tribord, le Bono est surplombé par un pont aux lignes modernes. Nous y reviendron­s plus tard. Pour l’heure, nous franchisso­ns le pont de César, qui n’a d’ailleurs de pont que le nom… S’il ne reste plus aucune pile visible depuis la surface, à l’époque romaine, il permettait de franchir le gué au niveau de la pointe de Kerisper. Près des herbus, c’est également l’endroit où des pêcheurs en scaphandre autonome ramassaien­t autrefois des clams. Puis, au détour de la pointe du Plessis, c’est un tout autre décor qui apparaît, moins intime, plus dégagé, avec d’immenses vasières en train d’être recouverte­s par le flux. Sur l’autre rive, le château du Plessis-Kaër s’élève. Il annonce l’approche d’Auray, tout comme le pont de la route nationale qui mène à Vannes.

Une escale de charme à Saint-Goustan

Au bout, c’est Saint-Goustan, un des quartiers de la ville d’Auray, celui du port à proprement parler. Le décor est enchanteur, une vraie carte postale, avec ses quais sur lesquels des maisons à colombages surveillen­t à leurs pieds des vieux gréements. De l’autre côté, le long des quais empierrés (appelés dans la région vannetaise « rabines »), des arbres majestueux servent d’abris aux promeneurs qui piquenique­nt à l’ombre. Nous les imitons, mais en nous amarrant sur un ponton, le temps d’une pause pour le déjeuner, au calme, avec comme toile de fond les deux clochers qui veillent sur Saint-Goustan. Le port était jadis le théâtre d’une intense activité commercial­e, et pour l’anecdote, le quai Franklin où nous sommes amarrés est nommé ainsi en hommage à l’Américain célèbre venu demander de l’aide aux Français au moment de leur guerre d’indépendan­ce. L’heure est venue de remettre le Mercury en marche. Le tirant d’air sous les arches du pont est trop bas pour espérer passer de l’autre côté ; c’est une navigation réservée aux canoës, mais il est théoriquem­ent possible de remonter la rivière d’Auray audelà, qui prend alors le nom de Loc’h. Nous préférons explorer d’autres lieux, à commencer par la rivière du Bono, enjambée par deux ponts. Le premier est celui de la route départemen­tale, l’autre, entièremen­t piéton et rénové récemment, est plus ancien mais également plus flatteur pour l’oeil. Il domine le ravissant petit port du Bono où musardent des stand-up-paddles. Il est amusant de constater qu’entre ces deux rivières, pourtant toutes proches, la différence de paysages est autant marquée. Non qu’il y en ait une plus belle que l’autre, mais certains endroits font penser à la Scandinavi­e, alors que d’autres, comme ce cimetière de bateaux ou ces quais avec leurs anciennes cabanes ostréicole­s, sont estampillé­s 100 % breton pur beurre… salé ! Même si nous atteignons le port de Plougoumel­en à la haute mer et son étonnante plage attenante, nous faisons demi-tour, conscients que l’eau se retire vite à Locmariaqu­er, notre port d’attache. La distance n’est pas forcément importante entre ces deux points (une petite dizaine de milles, tout au plus), mais il faut tenir compte de la faible vitesse imposée dans le golfe du Morbihan qui, rappelons-le, est de 10 noeuds maximum, voire 5 noeuds lorsque l’on navigue dans la zone des 300 mètres. Cette balade nous aura permis de porter un autre regard sur le golfe du Morbihan, à l’écart des secteurs les plus fréquentés. Pour sûr, nous reviendron­s ! ■

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PHOTOS : PIERRICK CONTIN.
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 ??  ?? Parmi les vedettes qui croisent dans le golfe, celles-ci, en bois, semblent sortir tout droit d’une bande dessinée d’aventures.
Parmi les vedettes qui croisent dans le golfe, celles-ci, en bois, semblent sortir tout droit d’une bande dessinée d’aventures.
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La rivière d’Auray, ici photograph­iée après la baie de Kerdréan, est parsemée de mouillages où les bateaux sont embossés.
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 ??  ?? L’escale à Saint-Goustan nous a permis de déguster un pique-nique raffiné, à base de crevettes !
L’escale à Saint-Goustan nous a permis de déguster un pique-nique raffiné, à base de crevettes !
 ??  ?? Bien souvent, en remontant vers Auray, seul un côté du chenal est matérialis­é par des perches.
Bien souvent, en remontant vers Auray, seul un côté du chenal est matérialis­é par des perches.
 ??  ?? Après avoir été restauré en 2004, le vieux pont qui enjambe le Bono est désormais piéton. Datant de plus de 170 ans, il est l’un des derniers modèles de ce type en France.
Après avoir été restauré en 2004, le vieux pont qui enjambe le Bono est désormais piéton. Datant de plus de 170 ans, il est l’un des derniers modèles de ce type en France.
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 ??  ?? Le port du Bono est situé au pied du vieux pont. Très bien protégé, il ne manque pas de charme avec ses vieilles demeures abritées derrière des murets en pierres sèches.
Le port du Bono est situé au pied du vieux pont. Très bien protégé, il ne manque pas de charme avec ses vieilles demeures abritées derrière des murets en pierres sèches.
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 ??  ?? Le château de Plessis-Kaër apparaît subreptice­ment entre les cimes des arbres. Une architectu­re digne d’un roman gothique.
Le château de Plessis-Kaër apparaît subreptice­ment entre les cimes des arbres. Une architectu­re digne d’un roman gothique.
 ??  ?? Le Smartliner 21, qui nous a servi à remonter la rivière d’Auray, a pour port d’attache Locmariaqu­er, situé près de la sortie du golfe.
Le Smartliner 21, qui nous a servi à remonter la rivière d’Auray, a pour port d’attache Locmariaqu­er, situé près de la sortie du golfe.
 ??  ?? Si les volets bleus et la façade blanche de cette maison évoquent les îles grecques, le climat nous rappelle que nous sommes en Bretagne !
Si les volets bleus et la façade blanche de cette maison évoquent les îles grecques, le climat nous rappelle que nous sommes en Bretagne !
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Le quai qui borde la rive orientale de Saint-Goustan porte le nom de Franklin, en souvenir de l’homme politique américain venu demander de l’aide aux Français.
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La plaisance traditionn­elle occupe une part importante dans le golfe. En plus des Guépards, typiques de l’île aux Moines, on peut croiser des gréements à l’ancienne, comme ce sardinier.
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Les pierres ont depuis toujours intrigué les hommes qui, dans la région, en ont fait des tumulus, des dolmens ou des allées couvertes. De nombreux vestiges sont encore visibles.

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