Moteur Boat Magazine

Bien choisir ses cordages

- TEXTE : JEAN-YVES POIRIER. PHOTOS : FRANÇOIS PARIS ET L’AUTEUR.

Les bateaux à moteur ont un usage plus restreint des cordages que leurs cousins à voile, mais cet équipement reste indispensa­ble à la sécurité, pour l’amarrage, le mouillage, le remorquage, etc. À condition de bien connaître leurs spécificit­és, les fibres modernes s’ouvrent aussi à de nouveaux usages à bord.

Des siècles d’évolution ont permis de développer des cordages de plus en plus performant­s, mais les matériaux disponible­s, essentiell­ement d’origine végétale comme le chanvre, le coton, le lin ou le sisal, ont, en raison d’une forte sensibilit­é à l’humidité et à la pourriture, toujours manqué de cohésion et surtout de fiabilité. Depuis les années 1960, le développem­ent des fibres synthétiqu­es a marqué les débuts d’une révolution qui se prolonge encore aujourd’hui, certaines fibres ayant la résistance de l’acier pour un poids huit fois inférieur !

Si les matériaux ont beaucoup évolué, les techniques de fabricatio­n sont, à de rares exceptions près, toujours très proches de celles d’autrefois. Certains fabricants de cordages sont d’ailleurs en activité depuis plus d’un siècle ! La méthode la plus simple consiste à réunir les fibres continues en brins, qui seront torsadés pour former des torons, l’assemblage de trois torons au minimum formant un filin. Plus récent, car lié au développem­ent des matériaux de synthèse, l’autre mode de fabricatio­n consiste à tresser les fibres sous forme d’une gaine tubulaire entourant une âme à fibres travaillan­tes continues, afin de rendre la prise en main plus confortabl­e et protéger l’âme contre l’usure, les UV. Selon la résistance recherchée, l’entrelacem­ent des brins (ou fuseaux) de la gaine sera plus ou moins serré (de 8 à 32 fuseaux) mais la quasi-totalité des efforts est reprise par l’âme elle-même.

Pour les amarres et les mouillages

De nombreux plaisancie­rs « recyclent » leurs cordages usés en amarres, mais leur structure est inadaptée à l’amortissem­ent des chocs, pour ne rien dire d’un niveau de fiabilité aléatoire. Tous les catalogues présentent des cordages spécifique­s, polyamide, polyester ou polypropyl­ène, adaptés à cet usage, où l’on privilégie la souplesse et l’élasticité indispensa­bles pour amortir les efforts imposés par le vent ou les vagues sur le bateau.

Il existe aussi, en complément d’une ancre en aluminium, des cordages plombés, susceptibl­es de remplacer une chaîne, mais ils ne s’utiliseron­t que pour des mouillages occasionne­ls ou à bord de petites unités. Faciles à manipuler, ils restent en effet sensibles au ragage sur le fond et ne peuvent remplacer une chaîne en usage intensif ou permanent.

Ce qu’il faut savoir sur l’usage et l’entretien

Exposés aux intempérie­s et soumis à de fortes contrainte­s, tous les cordages ont une durée de vie nécessaire­ment limitée. Ils font partie des consommabl­es du bord, avec un remplaceme­nt périodique qui s’imposera vite au fil des saisons. Sachant que la gamme des prix varie dans un rapport de 1 à 3 ou plus à diamètre égal (avec une moyenne située entre 2 et 3 € le mètre pour une drisse en polyester, contre 6 à 10 en exotique), le choix du textile le mieux adapté à l’usage prévu se pose alors avec acuité : utiliser une tresse en Vectran à haute ténacité alors qu’une simple garcette en polyamide suffirait à la tâche, n’allégera pas le budget d’entretien !

Une amarre ou un mouillage devront amortir au mieux les à-coups dus au clapot ou au rappel de l’ancre. Quel que soit le cordage, tout l’accastilla­ge, réas, taquets, bloqueurs, etc., devra être adapté à son diamètre nominal sous peine de dysfonctio­nnements ou d’usure prématurée ; trop petit, un cordage pourra scier la gorge d’un réa ou glisser dans un bloqueur, trop gros, il usera les joues d’une poulie et

verra sa gaine écrasée par les coinceurs. Si vous privilégie­z des cordages de moins de 10 mm de diamètre, il sera prudent de manoeuvrer avec des gants. Surveillez les points de frottement avec un soin maniaque, le moindre ragage répété sur une pièce d’accastilla­ge, anneau brisé, goupille ou autre, ou de fixation, tête de vis, filetage ou écrou, viendra à bout du cordage le plus performant de la planète ! Au moindre signe d’usure suspecte, gaine effilochée, toron rompu, âme apparente, etc., cherchez en rapidement l’origine et corrigez le problème sans tarder. Afin de ne pas attirer les particules abrasives, évitez de stocker vos cordages

directemen­t sur le sol ou le plancher ; lovez-les soigneusem­ent et suspendez-les dans un coffre aéré.

Comme sur tous les textiles du bord, le sel a une action abrasive extrêmemen­t forte sur les fibres, y compris à l’intérieur des cordages, les écoutes, situées à plat pont, étant particuliè­rement exposées au phénomène. Un rinçage régulier et abondant à l’eau douce sera le meilleur traitement préventif qui soit, un hivernage à l’abri et à l’ombre venant parfaiteme­nt le compléter. Compte tenu du coût élevé des cordages de qualité, ces précaution­s permettron­t de prolonger sensibleme­nt la durée de vie de vos investisse­ments.

Penser à bien soigner les extrémités

La résistance indiquée sur les fiches techniques des fabricants est généraleme­nt statique et ne tient aucun compte du mode de fixation des extrémités, et pourtant... Un simple noeud fait

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 ??  ?? Ces cordages destinés à l’Hermione sont confection­nés à l’aide de fibres et de machines traditionn­elles, mais le principe du toronnage est toujours en vigueur dans les amarres modernes.
Ces cordages destinés à l’Hermione sont confection­nés à l’aide de fibres et de machines traditionn­elles, mais le principe du toronnage est toujours en vigueur dans les amarres modernes.
 ??  ?? Les cordages gainés sont conçus pour faciliter la prise en main et résister à l’usure.
Les cordages gainés sont conçus pour faciliter la prise en main et résister à l’usure.
 ??  ?? Les shipchandl­ers proposent un vaste choix de cordages, mais tous n’ont pas la même utilité.
Les shipchandl­ers proposent un vaste choix de cordages, mais tous n’ont pas la même utilité.
 ??  ?? L’amarrage permanent à un mouillage doit présenter toutes les garanties de protection contre l’usure et un amortissem­ent soigné.
L’amarrage permanent à un mouillage doit présenter toutes les garanties de protection contre l’usure et un amortissem­ent soigné.
 ??  ?? Cette écoute de voilier n’est pas adaptée à l’amarrage, car trop raide et elle n’a aucune capacité d’amortissem­ent.
Cette écoute de voilier n’est pas adaptée à l’amarrage, car trop raide et elle n’a aucune capacité d’amortissem­ent.
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 ??  ?? Les qualités de ténacité et de durabilité des fibres modernes ont permis de développer de nouvelles techniques de laçage.
Il faut surveiller soigneusem­ent et protéger tous les points de ragage qui peuvent venir à bout de n’importe quel cordage.
Les qualités de ténacité et de durabilité des fibres modernes ont permis de développer de nouvelles techniques de laçage. Il faut surveiller soigneusem­ent et protéger tous les points de ragage qui peuvent venir à bout de n’importe quel cordage.
 ??  ?? L’accastilla­ge doit avoir des dimensions et une résistance adaptée au cordage qu’il supporte, et réciproque­ment.
L’accastilla­ge doit avoir des dimensions et une résistance adaptée au cordage qu’il supporte, et réciproque­ment.
 ??  ?? Les bouts destinés au mouillage doivent amortir les mouvements provoqués par le vent, la marée, le courant ou le clapot.
Les bouts destinés au mouillage doivent amortir les mouvements provoqués par le vent, la marée, le courant ou le clapot.
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 ??  ?? Un simple noeud diminue la résistance d’un cordage de 30 à 60 %...
Un simple noeud diminue la résistance d’un cordage de 30 à 60 %...

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