Moteur Boat Magazine

Tout savoir sur l’injection indirecte

- TEXTE : CÉCILE HOYNANT. ILLUSTRATI­ONS : LAURENT HINDRYCKX.

L’injection indirecte est la technologi­e la plus répandue sur les moteurs quatre temps de moyennes et de grosses puissances. Principe de fonctionne­ment, avantages et limites du système, c’est le menu concocté par Maël Derrien, formateur référent du CQP mécanicien nautique à l’INB.

L’injection d’essence, gérée par le boîtier électroniq­ue, répond à un double enjeu. Avant l’avènement de l’injection électroniq­ue, le mélange air/essence se faisait – et se fait toujours sur les moteurs jusqu’à 25 chevaux environ – à l’intérieur du carburateu­r (voir MB n° 369). Le carburateu­r ne peut pas s’adapter aux variations de pression atmosphéri­que, de températur­e extérieure et d’hygrométri­e. Ces paramètres influent pourtant sur le dosage stoechiomé­trique du mélange air/essence (14,7 g d’air pour 1 g d’essence) et donc sur la performanc­e du moteur. Parallèlem­ent, les constructe­urs ont dû s’adapter aux normes antipollut­ion progressiv­ement mises en place à partir de 1990. De ce point de vue, le carburateu­r fait également figure de mauvais élève, les phases délicates de démarrage à froid et d’accélérati­on ne permettant pas une maîtrise optimale de la consommati­on (les moteurs deux temps à carburateu­r ont ainsi été interdits pour la plaisance en 2007). L’injection électroniq­ue, gérée par le boîtier électroniq­ue du moteur, permet à la fois de maintenir un dosage stoechiomé­trique constant à tous les régimes et dans toutes les conditions d’utilisatio­n et de diminuer la consommati­on de carburant.

Deux types d’injection: indirecte et directe

L’injection directe (l’essence est vaporisée « directemen­t » à l’intérieur du cylindre) ne concerne à ce jour que les modèles XTO de Yamaha (les deux temps à injection directe ne sont plus commercial­isés). Cette technologi­e sera traitée à part dans un prochain article. Dans un système d’injection indirecte, l’injecteur, commandé par le boîtier électroniq­ue et positionné dans le conduit d’admission d’air, vaporise l’essence juste au-dessus de la soupape d’admission, lorsque celle-ci est encore fermée (pour le cycle du moteur quatre temps, voir MB n° 368). On compte autant d’injecteurs que de cylindres ; on parle donc d’injection électroniq­ue indirecte multipoint (l’injection monopoint, avec un injecteur unique, est désuète). Quand la soupape d’admission s’ouvre, le mélange air/essence pénètre dans la chambre de combustion grâce à l’action conjuguée de l’aspiration du piston et de la poussée de la pression atmosphéri­que. L’injection indirecte offre au moteur de meilleures performanc­es qu’un carburateu­r (démarrage facilité et combustion mieux maîtrisée) tout en étant moins coûteuse que l’injection directe, grâce à la simplicité de la cartograph­ie et du système d’alimentati­on en essence ; les injecteurs, montés sur un rail d’injection commun, sont de simples vaporisate­urs et la pression d’injection est inférieure. L’injection indirecte ne permet cependant pas d’obtenir un contrôle optimal de l’homogénéit­é du mélange air/essence. L’essence est en effet vaporisée sur des surfaces de températur­es variables (le conduit d’admission est plus frais que la soupape). L’homogénéit­é est donc perturbée à cause du phénomène de condensati­on. On observe par ailleurs un effet de « rebond » de type ramjet (voir MB n° 368) : la soupape d’admission est fermée lorsque l’injecteur vaporise l’essence qui rebondit contre celle-ci. À l’ouverture de la soupape, le flux est de nouveau perturbé par le mouvement du piston (descente puis remontée), ce qui nuit également à l’homogénéit­é du carburant. Sans oublier que celui-ci condense également à l’intérieur de la chambre de

combustion, au contact des parois du cylindre, de la culasse, du piston, etc. À bas régime, la condensati­on est d’autant plus importante que le carburant circule « à basse vitesse » et a donc plus le temps de condenser. À cause de l’ensemble de ces perturbati­ons, la richesse du mélange n’est donc pas égale en tout point de la chambre de combustion.

Le circuit d’alimentati­on en essence

Le circuit d’alimentati­on en essence d’un moteur à injection indirecte est identique à celui d’un moteur à carburateu­r (voir MB n° 369).

À la place du carburateu­r, on trouve une pompe haute pression à l’intérieur de la cuve à niveau constant. Cette dernière est également appelée, selon les motoristes, dégazeur, VST (Vapor Separator Tank) ou FSM (Fuel System Module). Selon le même principe que le carburateu­r, la cuve à niveau constant permet de stocker une

quantité d’essence sous forme liquide.

Elle contient un ensemble flotteur/pointeau, une pompe haute pression protégée par une filtration et un régulateur de pression d’essence. La pompe haute pression aspire le carburant et le refoule dans la ligne haute pression composée d’une filtration, d’un rail (ou rampe) d’injection et d’injecteurs. Le régulateur de pression d’essence permet de maintenir une pression constante dans le circuit à tous les régimes : la pompe haute pression ayant un débit constant, quand les injecteurs débitent moins au ralenti (temps d’ouverture inférieur), le régulateur (clapet, piston, bille, etc.) limite la pression en s’ouvrant au maximum. L’excédent de carburant non vaporisé par les injecteurs est renvoyé dans la cuve à niveau constant via le retour. Ici, le régulateur se trouve à l’intérieur de la cuve, mais il peut se situer n’importe où sur le circuit d’injection. Le rôle de la rampe de refroidiss­ement, située sur la ligne haute pression, en amont du retour au régulateur, est de condenser l’essence qui a tendance à dégazer à cause de la chaleur du bloc-moteur et de la pression d’injection. Cette configurat­ion est valable pour un circuit d’injection à pression constante.

Il existe d’autres systèmes à pression variable (en fonction du régime) plus complexes, sur lesquels nous ne nous attarderon­s pas.

L’utilité de la commande d’injection

La commande d’injection correspond au pilotage électrique de l’ouverture des injecteurs. Pour l’injection indirecte, il existe deux grands types de commande : continue et intermitte­nte. Sur des moteurs d’ancienne génération à injection continue, l’essence est injectée sans interrupti­on dans le conduit d’admission. La variation concerne uniquement la quantité de carburant injectée, qui augmente avec le régime moteur. L’injection intermitte­nte est une technologi­e plus récente et plus évoluée qui permet de vaporiser l’essence à un moment précis, en fonction de la position du vilebrequi­n. Au sein de l’injection séquentiel­le, on distingue quatre variantes : l’injection simultanée (tous les injecteurs sont commandés en même temps), l’injection groupée ou semi-séquentiel­le (les injecteurs sont commandés par groupe, par exemple deux par deux), l’injection séquentiel­le

(les injecteurs sont commandés séparément, un par un) et l’injection séquentiel­le à durée variable (les injecteurs sont commandés séparément et avec des réglages indépendan­ts). L’injection simultanée est le système le plus basique au sein de l’injection intermitte­nte. La quantité de carburant est injectée en deux courtes salves par cycle moteur (soit deux tours de vilebrequi­n). L’inconvénie­nt de ce système est que l’homogénéit­é du mélange air/essence n’est pas identique entre les cylindres ; pour les cylindres 1 et 4, le carburant est injecté après la fermeture des soupapes d’admission et stagne en amont de celles-ci pendant 360° (un tour moteur), ce qui favorise la condensati­on (perte de carburant par condensati­on donc mélange appauvri). Pour les cylindres 2 et 3, le moment d’injection coïncide avec l’ouverture des soupapes : l’homogénéit­é du mélange est meilleure. La commande groupée (ou semi-séquentiel­le) permet d’affiner l’injection tout en restant simple ; il n’y a plus qu’une injection par cycle avec une durée d’injection plus longue. Pour les cylindres « défavorisé­s » (2 et 3), le mélange reste au repos derrière les soupapes pendant 180° (un demi-tour moteur).

Avec une cartograph­ie d’injection séquentiel­le, le carburant est injecté juste avant l’ouverture de la soupape d’admission pour chaque cylindre (l’homogénéit­é du mélange air/essence est donc identique).

Le système le plus abouti est l’injection séquentiel­le à durée variable qui permet de moduler la durée d’injection afin de compenser le phénomène de cliquetis. Le cliquetis désigne un bruit métallique caractéris­tique généré par une onde de choc qui se diffuse à l’intérieur

de la chambre de combustion. L’onde naît suite à la rencontre de plusieurs fronts de flamme ; l’augmentati­on brutale de la températur­e à l’intérieur du cylindre peut causer des dommages irréversib­les aux pistons, aux soupapes ou à la culasse.

Pour éviter le cliquetis, des capteurs détectent l’onde de choc, qui est toujours comprise entre 5 000 et 8 000 Hz. Ces derniers envoient l’informatio­n au boîtier électroniq­ue qui modifie la commande d’injection : la durée d’injection est augmentée (uniquement dans le cylindre concerné) pour diminuer la rapidité d’avancement du front de flamme (le front de flamme progresse moins vite lorsque le mélange est enrichi) et faire légèrement tomber la températur­e à l’intérieur de la chambre de combustion.

La combustion la plus efficace est obtenue à la limite du cliquetis, d’où l’importance pour un moteur efficient d’être muni de capteurs anticlique­tis et d’être doté d’une cartograph­ie dite d’injection électroniq­ue indirecte multipoint à commande intermitte­nte séquentiel­le à durée variable... ■

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Le carburant est injecté dans le conduit d’admission, juste au-dessus de la soupape.
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L’injection électroniq­ue indirecte permet de diminuer la consommati­on de carburant.
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