Moto Journal

Dominique Méliand :

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Le patron du Suzuki Endurance Racing Team, quinze fois champion du monde de la spécialité, compte Yoshimura parmi ses partenaire­s techniques. Dominique Méliand a bien connu Pop Yoshimura et nous en parle, comme toujours, sans détour.

« Quand je suis arrivé chez Suz en 1980, j’allais te dire que Fujio était tout petit ! Faut pas que j’exagère, mais c’était Pop qui tenait les rennes. Les rennes de la maison, d'une part, et les rennes profession­nelles, puisqu'il bossait encore. C’était un type à l’ancienne : ingénieur, mais surtout ingénieux. Il a débarqué dans le monde de la moto à une époque où, pour la rendre compétitiv­e, il n’existait pas encore grand-chose. C’était assez simple. Honda avait un service course, mais c’était à peu près tout. En gros, on attendait un grand génie. Et Pop c’était un petit peu ça. Il est arrivé et a fait des préparatio­ns moteur qui se sont avérées être dans le coup. C’était plus un Géo Trouvetou qu’un ingénieur tel qu’on le conçoit aujourd’hui. Il était aussi à l’ancienne dans le relationne­l, mais c’était un malin quand même. Quand on bossait tous les deux, il aimait bien être à côté et voir ce qui se passait. On s’entendait bien, parce que je sortais d’un métier, la plomberie, et j’arrivais dans un domaine mécanique qui est quand même beaucoup plus poussé. J’avais le sentiment d'être proche de Pop car, comme lui, je n’étais pas sorti d’une grande école. Les premiers moteurs qu’on a faits ensemble, c’était les GS 1000 Suzuki. Le moteur de la première moto que je reçois pour les 24 Heures du Mans en 1980 était plombé ! Fallait pas qu’on y touche. La première chose que j’ai faite en présence du staff Suzuki a été d’enlever les plombs. Ils étaient un peu choqués au début. Je leur ai expliqué que s’ils voulaient qu’on bosse ensemble avec Pop, il allait falloir le faire avec une certaine franchise. Pop l’a bien pris, je pense, parce qu’il ne m’en a jamais voulu. On s’est retrouvés à Suzuka, il aurait pu me mettre de côté, mais il ne l’a pas fait. Pourtant, la toute première fois qu’on s’était vu, c’était aux 200 Miles du Castellet (les fameux MJ 200 !, ndlr). Il y a même des photos où tu le vois avec sa casquette de travers et le mégot au coin de la bouche. Je n’étais pas encore chez Suz et je roulais Kawa. Il était venu avec une moto et des idées qui étaient différente­s des miennes. J’avais mis deux radiateurs sur ma Kawa, lui n’avait qu’un radiateur sur la Suz. Au Castellet, il faisait chaud. On avait discuté et il m’avait dit que j’étais un peu un trou du cul parce que je savais pas qu’un moteur, ça devait chauffer. Et lui il a tout pris dans la gueule parce que ça a trop chauffé ! Je lui avait renvoyé l’ascenseur en lui disant que la moto du trou du cul, elle roulait encore. Pareil avec les suspension­s. Il avait mis un mono-amortisseu­r et nous, deux amortos. Et en cours d’essai, il avait fabriqué des pattes pour remonter deux amortos. J’aimais bien ce bonhomme car si je n’ai pas fait ce qu’il a fait, il y avait des points dans sa façon de faire qui me plaisaient. Les motos de GP des années 1980 commençaie­nt à être sacrément perfection­nées, mais sur les motos de route, on partait de zéro. Avec des moteurs super costauds mais pas très élaborés, on pouvait rapidement gagner des chevaux. Mais il y avait peu de gens qui faisaient de la mécanique de façon rigoureuse. Pop,

[89] Moriwaki… On n'était pas nombreux. Mais Yoshimura a quand même pas mal évolué sur ce point. » On lui explique qu'on n'a pas pu accéder au bâtiment du R & D pendant notre visite de l'usine Yoshimura, et on en profite pour lui demander s'il abrite un banc de puissance dernière génération… Ça le fait rire. « Pas besoin d’un banc dernière génération pour faire du beau boulot. Pareil pour moi, j’ai pas un banc super sophistiqu­é, mais quand je passe mes moteurs, je suis dans le cheval par rapport aux puissances de l’usine au Japon. Un banc, tu l’appareille­s avec les systèmes additionne­ls que te demande la moto moderne, avec un tas de capteurs. Visuelleme­nt parlant, c’est un peu bordélique car tu vois des fils partout. C’est pareil sur les bancs de F1 que j’ai pu voir. Un banc c’est une balance qui t’aide à peser ton moteur pour te dire avec précision combien il pèse en puissance. Il faut qu’il soit bien étalonné. Chez Yosh, comme au Sert ou à l’usine Suzuki, c’est le cas. L’autre partie intéressan­te chez Yoshimura, c’est le bureau d’études moteur et le développem­ent de l’électroniq­ue, qui est devenue très importante en compétitio­n. Tout se fait sur ordinateur, où même les études moteur et les études de résistance des matériaux préalable sont réalisées sur logiciel avant d’être validées au banc. Car aujourd’hui, même en Endurance, on a des moyens très sophistiqu­és (aide au pilotage, acquisitio­n de données, calcul de conso, modèle de prévision de course, ndlr). Je ne peux pas t’en dire plus, sans ça c’est de l’espionnage industriel. Mais tous les jours, tous les deux jours maxi, je suis en contact avec Yohei (Kato, le neveu de Fujio Yoshimura, ndlr), directeur technique, pour la préparatio­n des motos du Sert ! »

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1 Le gros carton, ce doit être ici… Des cartons de pièces Yosh attendent leur expédition. Comme la production est en augmentati­on, un nouveau bâtiment vient d’être acheté pour les stocker avant départ, et le déménageme­nt est en cours, ce qui créé un...
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