Moto Journal

L'interview croisée des tour-opérateurs

L'inde est une destinatio­n à la mode et au menu de moult moto-tour-opérateurs. Nous avons interrogé les représenta­nts de deux d'entre eux sur la façon dont ils optimisent la sécurité de leurs clients sur ces routes pas toujours faciles…

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La pratique motocyclis­te en Inde exige une certaine maîtrise… Y a-t-il une sélection ?

Bien sûr ! Tous nos circuits sont référencés en fonction de leur difficulté. Avant d'orienter un rider sur un voyage, on lui propose systématiq­uement de parler avec des passionnés de l'équipe Vintage Rides au téléphone. On lui pose une batterie de questions pour identifier ce qu'on appelle en interne son “profil rider” et son niveau moto. Sur quelle moto il/elle roule, à quelle fréquence, sur quel type de terrain, etc. On se renseigne aussi sur ses précédents voyages à moto, ce qu'il/elle a aimé, ce qui lui a semblé compliqué etc. Une fois que le niveau du futur Vintage Rider est clairement identifié, on peut l'orienter sereinemen­t en fonction de notre gamme de voyages : Raid Aventure pour les plus aventurier­s, Rando Découverte pour ceux qui aiment la route, à raison de 5 heures de roulage par jour en moyenne, et enfin Chic et Charme pour ceux qui cherchent un voyage cool avec de beaux palaces à l'étape, idéal pour les couples par exemple.

Quelles règles de sécurité imposez-vous à vos riders ?

On roule toujours en petit groupe, maximum 12 motos, avec le tour leader qui ouvre la marche. Il donne la cadence et assure la sécurité de l'ensemble du groupe qui n'est pas habitué au mode de conduite à l'indienne. Chacun doit garder le suivant dans son rétro de manière à pouvoir réagir vite en cas d'imprévu. Chez Vintage Rides, on roule cool. On explique clairement que la Royal Enfield prend tout son sens dans un voyage à 40-50 km/h pour profiter des paysages, de cette moto qui offre des sensations sympas à bas régime. C'est aussi un élément essentiel pour la sécurité de tous. Nous avons fait voyager plus de 4 000 voyageurs uniques en 10 ans et jamais un accident grave non maîtrisé. Pourvu que ça dure !

Comment faites-vous pour ne pas tous les perdre dans le chaos de la circulatio­n indienne ?

Ça fait partie de l'expertise Vintage Rides. En plus de notre mode de roulage en petit groupe au contact rétro, on a des itinéraire­s sur de petites routes bien loin des grands axes. Déjà, c'est plus safe, beaucoup plus authentiqu­e et moins fréquenté. Par conséquent, il est quasi impossible de nous perdre !

Une assurance-assistance est-elle incluse dans le prix ?

On propose à nos riders de s'assurer avec Chapka Assurance pour environ 60-80 €, et on impose à tous de nous donner leur attestatio­n d'assistance avant le voyage. Personne ne voyage sans assistance avec Vintage Rides.

Que se passe-t-il en cas d’accident corporel ?

Le tour leader formé aux premiers secours fait un premier diagnostic de la situation et amène l'accidenté à l'hôpital le plus proche. En parallèle, l'équipe d'experts Voyages Vintage Rides prend le relais avec l'assistance pour ouvrir le dossier. En général, avant que l'assistance du rider fonctionne, en pratique, c'est le team Vintage Rides qui s'occupe de l'assistance pendant les 2-3 premiers jours, car les relais locaux des assistance­s hors de la capitale sont rarement réactifs et jamais francophon­es.

Quel est le truc le plus incroyable que tu as vu sur une route indienne ?

Je guidais un groupe sur une petite route dans le Shekhawati, une province semi-désertique du Rajasthan. Le groupe était à l'aise, on roulait tranquille­ment à 40-50 km/h. Tout à coup, je me retrouve en face d'un chameau qui se fait doubler par un rickshaw qui se fait doubler par un camion. Là, je me suis dit : « Ça va pas le faire. » Pourtant je me suis arrêté, le camion a dépassé tout le monde, puis le rickshaw le chameau et le chameau s'est remis .... à gauche, sans qu'aucun ne s'arrête d'avancer. This is India...

La pratique motocyclis­te en Inde exige une certaine maîtrise… Pratiquez-vous une sélection de vos clients ?

Il est difficile de poser des généralité­s lorsqu'il s'agit de l'inde. Bien sûr, la densité du trafic et ce fameux trafic un peu fou sont très spécifique­s. Même si cela paraît improbable, il y a très peu d'accidents. Conduire à Paris est, de mon point de vue, plus dangereux : vitesse, non-respect des deux-roues et pavés glissants sont de sacrés ennemis. J'ai toujours roulé à deux-roues, mais n'ai jamais été un “grand motard”. Cependant, j'ai conduit des milliers de kilomètres à moto en Inde sans le moindre accrochage. Nous n'opérons pas de sélection proprement dite. Tout se fait lors des échanges que nous avons avec nos clients au moment de l'élaboratio­n du voyage. Nous constituon­s un voyage à la carte, qui prend en compte leur expérience, le rythme qu'ils veulent suivre, leurs intérêts. Cela permet de constituer des groupes homogènes et de petite taille. Nous n'acceptons pas de groupes trop nombreux, cela pose de sérieux problèmes de sécurité. Bien entendu, le permis moto est obligatoir­e.

Quelles règles de sécurité imposezvou­s à vos riders ?

Lors de chaque tour, nous prenons une journée avec prise en main des motos, un brief complet du voyage et des règles de conduite locale, puis un tour de 2-3 heures dans la campagne. En fonction, nous ajustons l'étape du premier jour et l'itinéraire choisi.

Comment faites-vous pour ne pas tous les perdre dans le chaos de la circulatio­n indienne ?

Notre point de départ est Pondichéry, une petite ville, nous ne sommes pas dans le chaos de Bombay ou de Delhi. Ensuite, nos itinéraire­s ont demandé plus de 18 mois de reconnaiss­ance pour trouver les routes de campagnes peu fréquentée­s, éviter les grands axes étouffants et dangereux. Nous proposons des itinéraire­s hors sentier battus pour la plupart. Nous pouvons avoir jusqu'à cinq options pour relier la même destinatio­n, cela nous permet de nous adapter au niveau et aux envies de nos clients. C'est pour ça que nous n'avons jamais voulu opérer dans le Ladakh, qui, en plus d'être ultra-fréquenté, et même si le paysage est absolument superbe, ne propose aucune alternativ­e de route. Au-delà de quatre conducteur­s, en plus du tour leader, un membre de notre équipe ferme le peloton. Cela nous permet d'être en contrôle maximal et très réactifs en cas de problème.

Une assurance-assistance est-elle incluse dans le prix ?

Nous disposons de trois packages : Adventure, qui inclut la base, la moto, les hébergemen­ts, le tour leader, la logistique générale, etc. Assistance, qui comprend une voiture, un mécanicien, le transport des bagages, etc. All inclusive : s'ajoute la prise en charge des repas, des entrées sur les sites, etc.

Que se passe-t-il en cas d’accident corporel ?

Les moyens mis en place dépendent de la gravité des dommages et du type de pack choisi. Adventure induit une solidarité totale dans le groupe, car en cas de problème, tout le monde est impliqué jusqu'à sa résolution. Dans les autres packages, une voiture et un membre du staff en plus du tour leader sont présents, donc cela nous donne une grande réactivité. Nous avons un kit secours pour les soins de base. Si la moto est endommagée, le client suit avec la voiture ou devient passager le temps de résoudre le problème. Si nécessaire, l'accidenté est transporté à l'hôpital le plus proche, suivi par un membre de notre équipe. En cas de dommage sur la moto uniquement, celle-ci est remplacée par celle du staff qui fermait le peloton jusqu'à la réparation. En cas d'accident grave, hôpital voire organisati­on du rapatrieme­nt. Nous assurons une présence, une assistance dans la mesure des moyens à notre dispositio­n. Le fait que nous constituio­ns majoritair­ement des groupes homogènes, qui voyagent ensemble et se connaissen­t à la base, induit une solidarité lors de problèmes. C'est aussi un gage de sécurité.

Quel est le truc le plus incroyable que tu as vu sur une route indienne ?

Une nuit, je double une moto conduite par un gars un peu éméché, ils étaient deux. Je les dépasse et là, j'entends un gros bruit de choc. Et je vois les deux gars voler à mes côtés, comme dans un dessin animé, nos regards se croisent, ils tombent au sol et je m'arrête. En fait, ils s'étaient pris une vache sans la voir, la moto était restée d'un côté de la vache, eux avaient volé de l'autre. 3 minutes après, ils relevaient la moto et repartaien­t comme si de rien n'était…

« Nos circuits sont référencés en fonction de leur difficulté » « Conduire à Paris est plus dangereux »

 ??  ?? Gregory Lassus, l'un des trois cofondateu­rs de The Royal Riders, agence de tours en Royal Enfield Bullet basée à Pondichéry depuis 2013 (www.theroyalri­ders.com).
Gregory Lassus, l'un des trois cofondateu­rs de The Royal Riders, agence de tours en Royal Enfield Bullet basée à Pondichéry depuis 2013 (www.theroyalri­ders.com).
 ??  ?? Benjamin Benini, operation manager Vintage Rides, agence de voyage en Royal Enfield en Asie depuis 2006 (www. vintagerid­es.com).
Benjamin Benini, operation manager Vintage Rides, agence de voyage en Royal Enfield en Asie depuis 2006 (www. vintagerid­es.com).

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