CHARADE 1972
Dans le camping du GP de France, Hervé pose fièrement sur son Aermacchi. 45 ans après, l’italienne roule toujours et Hervé se porte bien !
Comme beaucoup d’italiennes, les Aermacchi se sont taillé une belle réputation en compétition. La plus célèbre des Aermacchi est l’ala d’oro, née en 175 cm3, déclinée en 250 (1960) et 350 (1964), qui permit à de nombreux pilotes de se mettre en évidence. Dont Renzo Pasolini, en 1966, pilote officiel de la marque, 3e au championnat du monde 350, juste derrière les multicylindres des ténors Mike Hailwood (Honda) et Giacomo Agostini (MV Agusta). En 1971, les Etablissements Leconte reprennent l’importation des Aermacchi en France et proposent ces machines aux gènes de sportives à une clientèle de connaisseurs. La TV 350 est la version la plus performante de la gamme.
UNE LENTE RÉSURRECTION
Produite à environ 500 exemplaires, cette 350 TV de 1971 a un historique des plus limpides, puisque votre serviteur l’a achetée en 1985 à son premier propriétaire ! Pour mille balles (soit environ 150 €), j’ai récupéré une moto démontée en petits morceaux et stockée au fond d’une cave depuis quelques années. Il a fallu que je croise la route de Francis Garnier, un ancien mécano de Tech 3, pour que la “Macchi” reprenne vie. Au printemps 2001, j’ai récupéré une TV refaite à neuf et équipée d’un garde-boue arrière d’un modèle de 1972 trouvé dans le champ situé à côté de l’atelier de Francis, l’original avait été égaré par un peintre négligeant ! Après un déverminage ponctué de quelques pannes électriques et d’autant de séances de poussette, l’aermacchi avait retrouvé toute sa fougue. Le démarrage nécessite une concentration totale à cause d’un kick placé à gauche, d’une compression élevée (9 à 1 tout de même) et d’un Dell’orto gavé à l’oxygène pur via le petit cornet en alu. Sur les petites routes tortueuses, on se régale de la légèreté de la machine qui se balance sans le moindre effort, on savoure le couple délivré dès les plus bas régimes par le petit monocylindre culbuté, on se délecte de rouler à 90 km/h, enveloppé dans les volutes d’essence remontant du carbu. Il faut juste ne pas oublier que le sélecteur est à droite (avec la première en haut) et que le freinage, confié à un joli tambour double came, reste modeste… La Macchi incarne le bonheur simple de rouler à moto sans prise de tête. Au mois d’août 2016, la 350 TV a fêté ses 45 ans et ses 24 000 km certifiés. A cette occasion, Jean-louis Rigouste, de l’officina, lui a greffé un allumage électronique en 12 V suite au décès de la dynamo. Elle démarre mieux, à froid comme à chaud, et est prête à célébrer son demi-siècle sur les rives du lac de Varèse !
LA FIN D’UNE LIGNÉE PRESTIGIEUSE
Cette italienne de bonne famille (fourche Ceriani, jantes alu Borrani, carburateur Dell’orto, échappement Lafranconi, feu arrière CEV, instruments Veglia, poignée de gaz Tommaselli, etc.) cultivait sa différence, mais ne pouvait séduire qu’une frange de motards purs et durs (rappelez-vous le combat des purs et des minets à l’aube des années 70). Pas toujours facile à démarrer, avec une esthétique vieillotte héritée des années 60, l’aermacchi a vu sa sportivité s’effilocher au fil du temps. En 1971, elle se retrouve cruellement handicapée face à des japonaises aussi désirables que performantes : Honda CB 350 (5 785 F, prix en décembre 1971), Suzuki T 350 (6 000 F), Yamaha 350 YR5 (6 280 F) ou Kawasaki 350 S2 (7 200 F), les nouvelles reines de la route. En 1972, la TV 350 reçoit un nouvel habillage plus séduisant, mais la messe est dite, il faudra attendre encore quelques années pour que l’industrie italienne reprenne du poil de la bête. Une fois retapée, la “Macchi” a
eu envie de revoir son premier propriétaire. Vingt-cinq ans après me l’avoir cédée à prix motard, Hervé redécouvrait son mono. A l’époque, lui qui militait très à gauche, avait pris soin de faire disparaître les mentions “impérialistes” que l’on trouvait sur l’italienne. Traduction : syndicaliste à la régie Renault, Hervé avait masqué le nom de Harley-davidson sur l’arrière de la selle, sur le réservoir et sur le carnet d’entretien ! Il faut rappeler aux plus jeunes lecteurs que la petite firme de Varèse avait passé une joint venture avec Harley Davidson en 1960. Cet accord permettait à la marque américaine de disposer d’une gamme de petites et moyennes cylindrées pour alimenter l’immense marché américain. En 1972, Aermacchi sera
intégralement digéré par le groupe AMF auquel appartenait Harley à l’époque. En 1978, les frères Castiglioni rachèteront Aermacchi et l’usine de Varèse pour créer Cagiva. Mais ceci est une autre histoire…