Aprilia 1100 Tuono V4 RR, BMW S 1000 R, KTM 1290 Super Duke R, Yamaha MT-10 SP
Avec près de 180 ch pour moins de 210 kg et une électronique à la pointe de la technologie, les gros roadsters sportifs ont passé un cap cette année. Des performances de haut vol pour nos quatre nouveaux monstres qui ont tout pour plaire sous leur robe ai
Il a y un paquet d'années, un roadster était reconnaissable entre mille avec son phare rond et ses lignes simples et dépouillées au possible. La plupart des modèles étaient dotés d'un châssis en tubes de chauffage, équipés de freins plus ou moins puissants et animés par un gros moulin, souvent un 4-cylindres en ligne. A bord, la présentation était sommaire, avec deux compteurs à aiguilles basiques et le strict minimum. En revanche, la puissance, pour l'époque, était déjà importante pour ce genre de moto. Et, comme l'euro constant, la puissance s'est elle aussi jouée de l'inflation aujourd'hui, jusqu'à enfler sérieusement pour s'approcher de celle des sportives actuelles. Au jeu des chiffres, c'est la KTM 1290 Super Duke R qui impressionne le plus avec 170 ch mesurés au bout de son vilebrequin pour un couple camionesque de 14,5 mkg. Niveau performances, on atteint des sommets avec un 0 à 100 km/h expédié en moins de 2”8 et des reprises éclair. Le 90 à 130 km/h est avalé en à peine plus de 2” sur le quatrième rapport. Pas trop de problèmes pour expédier un dépassement en un clin d'oeil… Des chiffres que les plus de 50 ans n'auraient même pas imaginés une seule seconde, même sur la plus sportive des motos de leur jeunesse. La BMW S 1000 R s'en sort aussi avec les honneurs quand son 4-cylindres en ligne s'énerve à 11 000 tr/mn pour distiller ses 164 ch. L'allemande a profité du passage à la norme Euro 4 pour être légèrement restylée avec un équipement plus complet (shifter up & down) et une puissance en légère hausse. Les chiffres de mesures ne sont pas en reste, avec les meilleures reprises sur le dernier rapport et des accélérations dignes de celle d'une sportive.
MÉLODIE
Quant à la Yamaha MT-10 SP, elle est créditée d'à peine 154 ch à 11 500 tr/mn. Enfin, on devrait plutôt dire qu'elle délivre 154 pur-sang qui ne demandent qu'à la faire bondir tout en faisant valser la roue avant vers les cieux. Une vraie bombinette,
KTM 1290 Super Duke R A chaque rotation de la poignée de gaz, les 180 chevaux vous catapultent dans une autre dimension !
cette Yamaha, grâce à son moteur ultravivant. Car si sa puissance et son couple se sont révélés inférieurs à la concurrence lors de notre passage au banc, ce n'est pas le moins expressif sur la route. Bien au contraire. Son calage Cross Plane le rend hypervivant et pétillant. S'il est un peu creux à bas régime, son caractère prend le dessus avant que la puissance n'arrive en flèche aux alentours de 5 000 tr/mn. Et, en plus, il a de la voix ! Certes, la Yamaha n'est pas au niveau du registre musical du V4 qui anime la Tuono à la sonorité de motogp, mais elle se défend bien sur ce point avec son court silencieux. En plus de distiller une belle mélodie, le moteur de l'aprilia se montre performant, avec une puissance maxi de 175 ch à 12 000 tr/mn. Certes le passage à Euro 4 l'a un peu amputé de son couple sous 5 000 tr/mn, mais on lui pardonne avec son frissonnant broaaaapp qui vous chatouille les tympans à chaque accélération. Passé ce cap, les montées en régimes sont vives et sans interruption jusqu'à la zone rouge, avec un sérieux coup de pied au cul au-delà de 10 000 tr/mn. L'allonge semble sans fin, avec une puissance qui va crescendo, et on s'empresse de passer le rapport supérieur du bout de l'orteil gauche sans couper grâce au shifter parfaitement calibré. On se prendrait presque pour un pilote du TT, avec ce chant magnifié par l'écho des gorges du Verdon.
FEUTRÉE
Sur la BMW, c'est un autre registre qui s'offre au pilote. La sonorité est plus feutrée sur le régime de ralenti et, dès le lâcher d'embrayage, on est surpris par la douceur de fonctionnement pour une moto de ce calibre. Le 4-cylindres en ligne au calage ordinaire (big bang) permet de descendre sous 40 km/h sur le dernier rapport sans le moindre
soubresaut. Il repart ensuite gentiment sur le couple, pour prendre des tours tout en accroissant sa poussée au fur et à mesure que le régime augmente. Quelle que soit la graduation pointée par l'aiguille du compte-tours, le moteur répond toujours présent, avec une réactivité de bon niveau pour venir chatouiller la zone rouge. Efficace. Mais, plus linaire, moins fun, il manque de caractère par rapport à la concurrence. Surtout quand on le compare au kolossal V2 de la KTM, incroyable au niveau des sensations. Du haut de ses 1 301 cm3 (la plus grosse cylindrée), il déménage. A chaque rotation de la poignée droite,
L'aprilia Tuono 1100 V4 RR possède un châssis affûté qui permet des entrées en courbe redoutables
on a l'impression de creuser des tranchées dans le bitume avec la roue arrière. Ça vibre, ça tracte, ça arrache. Pour faire simple, c'est comme si l'élastique de la catapulte se tendait jusqu'à 5 000 tr/mn, pour ensuite lâcher d'un seul coup sans prévenir. On prend une sérieuse claque à chaque fois qu'on ose mettre à fond pour bondir de virage en virage. Mais l'avantage par rapport à la catapulte, c'est qu'on sait quand l'élastique va lâcher : toujours à 5 000 tr/mn, où les entrailles se déchaînent et les deux pistons bastonnent sévère. En cas d'optimisme, on peut compter sur une partie-cycle saine et ultraagile. Bien assis, avec une moto assez étroite, on plonge sans hésiter dans les virages même lorsqu'on arrive en survitesse.
SPORTIFS ROADSTERS
Si l'équipement des roadsters d'antan était chiche, celui des contemporains est riche. On retrouve ce qui se fait de mieux, que ce soit au niveau de l'électronique ou des pièces utilisées. Gros cadre en aluminium, bras oscillant de sportive, système de freinage haut de gamme, suspensions électroniques pour certaines, tableau de bord en couleur pour d'autres, shifter fonctionnant à la montée et à la descente des rapports et électronique issue des meilleures sportives. Il n'y a qu'à lire la fiche technique de l'aprilia (la mieux équipée de ce côté-là) pour s'en rendre compte : contrôle de motricité réglable, contrôle de roue arrière, aide au départ, régulateur de vitesse, ABS fonctionnant en virage, shifter fonctionnant à la montée et à la descente, sans oublier les gros étriers de frein Brembo monoblocs pour stopper efficacement la bête. Une liste quasi copiée sur celle de sa soeur RSV4. Un équipement pléthorique, mais bien utile quand il s'agit d'exploiter ses 175 ch (réels) sur route. A son guidon, on découvre une position assez sportive : le buste est basculé sur l'avant et les jambes sont un peu repliées. Idéal pour attaquer, un peu moins pour évoluer dans les bouchons du matin. On retrouve cette position de conduite sur la S 1000 R, en moins radicale et avec une selle plus confortable. A l'inverse, la MT-10 SP et la Super Duke R vous accueillent avec une position plus décontractée, à la limite de celle que peut offrir un trail. On est plus détendu sur ces deux dernières, qui ne sont pas à la traîne quand il s'agit d'arsouiller !
Ultra-efficace, la BMW S 1000 R garde le cap en toute circonstance
Sur un revêtement lisse et bien dessiné, l'aprilia prend les devants grâce à un train avant à la précision redoutable. Issu de la RSV4 (sans la possibilité de réglage de géométrie), le châssis impressionne par sa précision et son efficacité. Le feeling est excellent et la Tuono trace des trajectoires au cordeau sans jamais dévier de sa ligne. De plus, le freinage, confié à des étriers Brembo M50, fait partie des meilleurs. On peut freiner fort, tard, tout en conservant un très bon feeling en entrée de courbe. On retrouve ce côté tranchant sur la S 1000 R, avec un châssis efficace dans toutes les conditions et un train avant redoutable. Le freinage est lui aussi puissant, mais manque de progressivité avec un levier un peu souple suivi d'une attaque brutale. Si la BMW est très efficace, son comportement n'est pas, comme sur la KTM ou la Yamaha, vraiment démonstratif et fun. Ici, tout est pensé pour l'efficacité. Certes, en insistant, elle bouge sur les grosses accélérations en sortie de virage, où la puissance a du mal à passer au sol. Je vous parle évidemment d'une utilisation à la limite, genre montée de spéciale du Moto Tour pour faire claquer une pendule. Bizarrement, même avec une cuillerée de chevaux et une grosse louche de couple en plus, le châssis de la Super Duke ne bronche pas. On peut entrer fort en virage sur les freins et en ressortir avec autant de force, les suspensions et le châssis encaissent. Même sur un revêtement défoncé, la KTM garde le cap, y compris en sortie de virage poignée droite dans le coin. Elle demande tout de même un minimum de réglages de suspensions pour être la plus efficace possible. Un seul clic de plus ou de moins change son comportement ; un gage de qualité des suspensions. A l'inverse, à dos de MT-10 SP, même équipée de suspensions Ohlins pilotées électroniquement, ça secoue un peu plus sur revêtement défoncé. Lorsque le rythme augmente sérieusement, les bosses imposent quelques mouvements. Rien de dangereux, mais il faut se cracher dans les mains pour
suivre les copains. En revanche, la MT10 excelle quand il faut faire le con et sortir des virages en roue arrière. Son moteur hypervif inséré dans un châssis joueur donne la banane. On se régale de jouer à son guidon, que ce soit en ligne droite ou en virage. C'est certes un peu moins efficace dans l'absolu, mais bien plus sympa à exploiter sur route. Un trait de caractère qu'on retrouve sur la KTM. En revanche, les deux roadsters plus sportifs que sont la Tuono et la S 1000 R n'offrent pas ce tempérament ludique qui vous enchante à chaque fois qu'on essore la poignée, mais un comportement basé sur l'efficacité.
TRACER LA ROUTE
Même si ces motos ne sont pas faites pour faire un Paris-marseille allerretour non-stop, il y a de réelles différences au niveau du confort. Sous ses airs de méchante fifille, la KTM s'en sort le mieux grâce à sa position de conduite décontractée et à ses suspensions de qualité qui filtrent correctement les aspérités et les bosses tout en encaissant bien les contraintes. La selle assez large manque un peu de moelleux, mais c'est mieux que celle de la MT, trop ferme. Sur cette dernière,
le confort d'amortissement est correct, similaire à celui offert par la BMW. Niveau confort, l'aprilia ferme la marche avec une position radicale et des suspensions sèches qui ne peuvent lisser la route. En revanche, côté tarif, elle est la mieux placée à 14 799 € entièrement équipée. Si la BMW s'affiche à 13 750 € en prix de base, il faut aller taper dans le catalogue des options pour arriver à une moto aussi bien équipée que la concurrence. Notre moto d'essai, par exemple, s'échange contre 16 910 €, soit peu ou prou le prix de la KTM tout équipée d'origine. Alors oui, les puissances ont augmenté, les perfs sont de plus en plus folles… mais les prix ont aussi suivi cette inflation ! Et ça, c'est moins drôle.