Indian Chieftain
Vous aimez les motos imposantes, les objets de légende ? La route compte davantage pour vous que le chrono ? Vous aimez cruiser au rythme de votre playlist ? Alors l’indian Chieftain 2017 est faite pour vous. En avant la musique !
Oui, c'est lourd. Oui, c'est cher. Avouez tout de même qu'elle a de la gueule, cette Indian Chieftain ! Un vrai bagger dans le plus pur style américain avec son incontournable V-twin. On pense inévitablement à Harley-davidson en la voyant cruiser sur la Prom' de Nice avec ces chromes impeccables, son allure imposante et sa mélodie chaloupée. Indian, c'est l'autre Amérique, la plus ancienne marque de motos, née en 1901 du côté de Springfield, Massachusetts. Et derrière son âge respectable, la Chieftain est un pur concentré de technologie actuelle. Oh, pas avec cinq modes d'antipatinage, vingt cartographies moteur, des suspensions électroniques, un launch control ou un anticabrage. Non, plutôt… avec des watts ! Le premier truc qui vous saute aux yeux en enfourchant ce gros bébé de près de 400 kg ? Le Ride Command, la nouveauté 2017 chez Indian. Le système audio-multimédia-téléphone-navigation est digne d'une berline de luxe avec son grand écran couleur, piloté au guidon et tactile au besoin, avec 100 watts de sono pour bien se décrasser les tympans (lire encadré p. 56). OK, ça fait très cliché, mais on a instantanément envie de jouer Born to be Wild de Steppenwolf depuis son smartphone connecté en Bluetooth pour se replonger dans l'imaginaire Easy Rider.
GARDE TES DENTS
Une moto pour frimer, la Chieftain ? Sans doute, mais aussi pour rouler. Parce que derrière cette masse de métal et cette allure exubérante, c'est un bagger parfaitement équilibré et facile à manier qu'on découvre dans la circulation niçoise. L'assise est basse (660 mm), tout comme le centre de gravité, et on relève la moto de la béquille sans forcer. Qu'importe si l'on n'a pas fait culturisme en deuxième langue. Même le magistral V-twin Thunder Stroke de 1 811 cm3 se fait tout doux de haut de ces deux gamelles grosses comme des chopes de bière, qui accepte de reprendre à 1 000 tr/mn sans vous déchausser les molaires. La Chieftain est peut-être trop civilisée pour séduire un biker habitué aux trépidations de son “terrible engin” made in Milwaukee. « On ne cherche pas à concurrencer frontalement Harleydavidson, précise Pierre Audoin, en charge du développement de la marque en France. On veut proposer une autre vision de la moto américaine, avec une approche plus européenne. Nos Indian ne sont pas faites pour ne dévorer que de la ligne droite ! »
UN BAGGER QUI PREND DE L’ANGLE
Ça tombe bien, du virage, il y en a au menu du jour en quittant les rives de la Méditerranée pour s'enfoncer dans l'arrière-pays. Dommage, il y a aussi un peu de pluie qui rend ces petites routes particulièrement glissantes. Les gommes Dunlop Elite III n'ont rien de pneus pluie de course et, avec le couple généreux du gros vétouine, ça patine allégrement en l'absence de contrôle de motricité électronique. Même l'avant se défile dans quelques épingles sournoises... Prudence. Les quelques gouttes permettent alors d'apprécier la protection offerte par la tête de fourche fixée au guidon. La bulle (à réglage électrique) reste assez basse pour correspondre à l'image bagger, mais, en position haute, elle dévie bien les éléments au-dessus du casque, sans gêner la vision. En revanche, les pieds et les jambes sont plus exposés. Surtout lorsque, comme moi, on a oublié ses bottes à la maison en bouclant son sac un peu trop rapidement… Ceux qui recherchent davantage de protection pourront lorgner du côté du modèle Roadmaster, sur la même base et plus orienté grand tourisme. Dès que la route sèche, l'indian Chieftain dévoile enfin son jeu. Elle se balance avec aisance dans ces lacets étroits qui grimpent vers Gréolières-lesneiges et permet d'angler raisonnablement sans laisser derrière elle l'impression d'un volcan en éruption avec les gerbes d'étincelles. Bien sûr, on peut faire frotter la Chieftain, mais il faut tout de même s'en occuper, bien plus qu'avec d'autres motos de ce genre. Le secret de ce comportement réside dans le châssis : on est bien loin d'un classique double berceau en tubes d'acier à ferrer les ânes ! Ici, Indian fait appel à un cadre
type backbone en aluminium coulé qui lui apporte rigueur et facilité, sans saucissonner dans les courbes larges ou serrées. Pas de quoi tout de même s'assurer une qualification en première ligne d'un GP, d'autant que le freinage réclame de la poigne, mais les sensations au guidon sont excellentes pour une moto de ce gabarit. Alors on roule, on enroule, serein, détendu, au rythme synchronisé du Thunder Stroke 111 et du gros son qui nourrit vos oreilles via les deux haut-parleurs frontaux. De Steppenwolf, j'enchaine sans transition sur Wagner, Prince, Parker (Charlie et Maceo), Bashung, Jay-z et Gojira.
TAPIS VOLANT
Notre modèle d'essai a beau être équipé d'échappements Remus (homologués), ses vocalises restent discrètes, souvent couvertes par cette sono généreuse. L'homologation Euro 4 lui donne un petit air bien sage, presque trop civilisé, bien éloigné d'une moto de mauvais garçon. Eh oui, ici, tout n'est que luxe, calme et volupté. Ou presque. L'extrême souplesse de ce moteur à 3 arbres à cames érigé comme une oeuvre d'art permet d'économiser le bout des chaussures (le sélecteur double branche reste étrangement une option), d'autant que la boîte de vitesses est assez lente, ferme, mais précise, l'embrayage à câble viril dans cet océan de douceur. Le V2, lui, joue à l'élastique avec sa large plage d'utilisation, parfaite pour cruiser sur les mi-régimes, distillant 139 Nm vers 2 500 tr/mn, grimpant allègrement dans les tours au besoin. Mais à quoi bon ? L'indian Chieftain ne laisse rien au hasard côté finition. Le voyage se déroule dans un univers résolument haut de gamme. Tout est beau, noble, soigné, à l'image du dessin des couvre-culasses ou des carters ciselés qui revendiquent fièrement l'héritage de la marque à tête d'indien. Pas un câble ne traîne, le faisceau électrique des commodos chromés passe à l'intérieur du guidon. Et à bord, le confort prime. On ne ressent aucune vibration gênante, tout juste un pouls qu'on palpe pour s'assurer que la bête est bien vivante. La sellerie en cuir épais vous cale parfaitement l'arrièretrain, les marchepieds vous laissent la sensation de piloter en pantoufles et les suspensions donnent l'impression d'être aux commandes d'un tapis volant. Là encore, Indian se démarque avec une suspension arrière à air, spécifiquement développée par Fox. Même en prenant les dos-d'âne sans soulager les gaz, l'indian ne s'écrase pas, ne rebondit pas et avale l'obstacle sans réaction néfaste. Bluffant ! Alors forcément, dans un tel confort ouaté, on n'a plus envie que la route s'arrête. Les valises à verrouillage centralisé n'auront peut-être pas la capacité d'emmener tout ce dont vous aurez besoin pour un tour du monde, mais le vrai luxe n'est-il pas de voyager léger, une carte Visa Infinite dans une poche, une carte routière dans l'autre ?