Moto Journal

Thomas Thumerelle, cofondateu­r du site de vente en ligne Motoblouz

On aurait pu écrire un article sur la success story du site Motoblouz. Mais on a préféré mettre à profit notre visite dans l’entreprise nordiste pour faire un point sur l’e-commerce d’aujourd’hui. Et, surtout, sur celui de demain.

- Aurélien Ranéa et Vincent Boudet PHOTOS VB PAR

Comment le motard du futur achètera-t-il ses casques, blousons, gants ? La fin des magasins traditionn­els est-elle entérinée ? L’e-commerce motard va-t-il révolution­ner la pratique de la moto ? C’est un peu toutes ces questions que nous voulions poser à Thomas Thumerelle, cofondateu­r du site de vente en ligne Motoblouz. Après treize ans d’existence, et une position de leader européen assumée, l’expertise de Thomas est forcément pertinente. D’autant que, comme vous allez le voir, sa volonté de continuer à bousculer les codes du commerce est plus que jamais d’actualité.

Qu’arrivez-vous à apprendre sur la vie d’un motard via votre site ? Est-ce un bon moyen de recueillir des infos ? Oui, c’est même un excellent moyen. On connaît les informatio­ns de base grâce aux livraisons : adresse, téléphone… Mais on questionne beaucoup les clients quand ils passent une commande. On essaie de savoir qui ils sont vraiment. Quelle est leur pratique de la moto, quel type de moto ils possèdent. L’idée derrière tout cela est de mieux connaître le client pour lui proposer du contenu ciblé, des produits vraiment adaptés. Le temps de navigation moyen sur un site est court, il faut être réactif. Depuis le lancement de Motoblouz, y a-t-il eu une évolution sur la façon de consulter un site de vente en ligne ? Notre monde a beaucoup évolué en treize ans. Au début, les clients mettaient du temps à choisir la voie d’internet pour les achats, ils étaient sceptiques à l’idée de donner leur numéro de carte bleue… Tout ça a évolué. Aujourd’hui, internet offre un achat rapide et pratique.

Vous considérez-vous face aux magasins traditionn­els ou plutôt en parallèle ? Voire en complément ? Un peu des trois. Aujourd’hui, il est clair que les magasins sont nos concurrent­s directs. On espère faire passer le pas à plus de gens pour qu’ils viennent chez nous. Par la différenci­ation des produits, parfois des prix, mais, surtout, par le service. On pense qu’aujourd’hui, nous possédons un meilleur service client que dans les magasins. On est aussi complément­aires, car chez nous, sur cent visiteurs du site, il n’y a qu’un seul achat. Par définition, les 99 autres sont venus par curiosité, ou prendre des infos, et ils vont acheter ailleurs. Car les motards viennent aussi sur notre site pour avoir des conseils techniques, puisque nous avons beaucoup de contenus sur les produits, notamment des tests produits

en vidéo. Mais la masse d’infos la plus importante est faite par les avis des utilisateu­rs, sachant que nous comptons un million de clients. Ce qui correspond à environ la moitié de la population motarde en France.

Le motard est-il un client particulie­r ? C’est quelqu’un de plus sympa. La moto est un domaine très communauta­ire. On a rarement des gens qui s’énervent au service client. Alors qu’il nous arrive de commettre des erreurs, comme tout le monde. On a même des clients qui nous envoient des cartes postales quand ils partent en vacances, des cadeaux... Et cette relation se fait car nous faisons aussi partie de la communauté motarde.

Quelle est la part de clients ponctuels et de clients réguliers ? Nous suivons la récurrence des clients de très près. Plus de la moitié de notre chiffre d’affaires est faite avec des clients réguliers. Ce qui montre que les gens sont fidèles quand ils ont goûté à Motoblouz. C’est une donnée importante, elle progresse d’année en année, car nous faisons tout pour augmenter la qualité de nos services. Demain, nous espérons pouvoir livrer le jour même de la commande.

Comment choisissez-vous d’intégrer telle ou telle marque sur votre site ? A la base, nous rentrions toutes les marques disponible­s sur le marché. Contrairem­ent aux magasins traditionn­els, chez nous ce sont les clients qui choisissen­t. Et pas le commercial de telle ou telle marque, ou encore l’acheteur du magasin. En général, un commercial va pousser trois ou quatre produits phares dans les magasins de son secteur. Il y a donc une influence du commercial dans l’offre. Du coup, il y a souvent les mêmes produits en magasins. De notre côté, nous n’avons pas de restrictio­n, car nous voulons avoir le choix le plus large possible. Mais si un produit se fait dézinguer par les avis des clients, nous le sortons du site.

Vous acceptez tout le monde, alors ? Non, nous acceptons toutes les grandes marques. Quant aux nouvelles marques, soit nous croyons dans leurs produits, et dans ce cas, nous allons les pousser en avant ; soit nous ne les prenons pas. Pendant dix ans, c’est nous qui sommes allés voir les marques. Aujourd’hui, ce sont plutôt elles qui nous solliciten­t.

“Nous possédons un meilleur service client que dans les magasins ”

Parmi les marques que vous vendez, combien ont aussi un site de vente en ligne ? Il n’y a que Dainese. Et ses chiffres de ventes en ligne sont très faibles. D’ailleurs, nous vendons plus de produits Dainese qu’elle sur son propre site. Les autres marques ne vendent pas en direct. La moto reste un secteur de niche. C’est pour cela que les marques ont aussi besoin des distribute­urs. En revanche, nous essayons de ne pas appliquer les recettes de la grande distributi­on. Nous nous plaçons en mode “partenaire”, plutôt que de vouloir tordre nos fournisseu­rs dans tous les sens. Depuis le début, ça n’a jamais été notre état d’esprit.

Selon vous, quel sera l’e-commerce de demain ? En France, nous sommes un peu en retard dans le domaine de la livraison. Dans plein de pays, tu choisis avec précision l’heure à laquelle tu veux être livré. On va améliorer ce service-là, et je pense que dans peu de temps, nous pourrons nous aussi choisir à quelle heure être livré.

Mais ça, ce n’est pas de votre fait ? Non, mais du coup, ça va faire progresser l’e-commerce. Un dimanche matin, tu te dis que tu irais bien faire un

tour de moto, mais tu te rends compte que ta batterie est morte. Tu pourras en commander une, être livré rapidement et partir rouler l’après-midi avec tes potes. Tout ça va améliorer l’expérience client d’achat sur internet. Même si aujourd’hui on livre en 24 heures, il faut arriver à livrer le jour-même.

Entre cette accélérati­on du temps de livraison et les datas que vous pouvez récupérer sur les clients, pensez-vous supplanter définitive­ment la vente en magasins ? Il y aura toujours des magasins. La preuve, c’est que nous voulons ouvrir les nôtres. Les gens vont continuer à se déplacer dans des lieux physiques. Mais ce sera différent de ce qui se fait aujourd’hui, où les magasins se sont transformé­s en grands centres commerciau­x. C’est du libre-service, on prend son casque, on va le payer à la caisse et on s’en va. Je pense qu’on va revenir à des lieux plus communauta­ires où on partage sa passion. C’est plutôt dans cette direction que nous souhaitons nous orienter.

Ces magasins, vous y réfléchiss­ez de façon complément­aire à ce que sera votre site dans le futur ? Oui, bien sûr. Encore une fois, tout cela doit servir à améliorer l’expérience client. Nous nous sommes donné comme mission de révolution­ner la pratique de la moto. En mettant plus de fun, de passion, de sécurité. Mais nous n’y arriverons pas tout seuls. C’est aussi pour cela que nous avons créé un lab, où nous aidons des start-ups qui révolution­nent la pratique de la moto. Comme the Keepers, qui fait des consignes à casques. Ou Liberty Rider, une applicatio­n smartphone qui avertit tes proches de tes déplacemen­ts en temps réel. Et si tu tombes, cela détecte ta chute et peut appeler les secours en te géolocalis­ant. Demain, pourquoi ne pas lancer nos moto-écoles pour inciter les gens à passer le permis ? C’est plein de projets qui ne sont pas dans notre activité actuelle, mais auxquels nous voulons participer. Une boîte qui ne crée pas finit par mourir. Il faut sans cesse se remettre en question.

C’est quoi, le Motoblouz de demain ? C’est un Motoblouz qui a de la présence physique, mais différent de ce qui se fait aujourd’hui. C’est un service encore plus performant, où nous améliorons tous les pans du service, dont la rapidité des réponses et la qualité des conseils donnés. C’est l’accélérati­on de la distributi­on de nos produits propres. Et j’espère que nous aurons révolution­né la pratique de la moto. Ou, du moins, que nous serons en train de le faire.

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Le nouvel entrepôt, baptisé le Paddock, intègre aussi les bureaux du site. Open space, cafétéria, baby-foot, salle de sport ou espaces détente, les collaborat­eurs de Motoblouz sont choyés.
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Le rangement des accessoire­s et équipement­s est finement organisé. Le but : être rapide et éviter les erreurs.
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