Moto Journal

DUCATI MULTISTRAD­A ENDURO Le twin en L a besoin de temps avant de se déchaîner dans les tours

-

empêcher les grosses gamelles de cogner, il faut parfois rétrograde­r alors que le flat-twin digère tout. Mais on est loin du rodéo et les 1 301 cm3 apprivoise­nt la ville avec une relative aisance. Et puis il y a l'agilité. La Super Adventure ne profite pas d'un moteur à plat, mais elle pèse 9 kg de moins que la GS. Sans oublier un équilibre remarquabl­e qui permet de se jouer du trafic comme au guidon de la BMW.

TGV 1RE CLASSE

Comme souvent, on se retrouve sur l'autoroute pour quitter Paris au plus vite. Or, l'autoroute à moto, c'est à peu près aussi excitant qu'une soirée électorale en Russie. Ça peut même devenir pénible et fatigant quand on n'a pas la bonne moto. Mais là, sur nos trails, on est plutôt bien. Il y a tout de même des nuances. La KTM est celle qui met le plus à l'aise, avec sa position de conduite très détendue et des jambes peu repliées. Mais elle pèche par une selle vraiment trop ferme et c'est aussi celle qui génère le plus de vibrations. Quant à la protection, elle est de bon niveau grâce à la bulle réglable assez haute et large. La Ducati fait un peu mieux en confort de selle et en vibrations. Sa protection est également bonne, notamment au niveau du bassin grâce au large réservoir. Ce dernier contient d'ailleurs 30 litres d'essence, synonymes d'une autonomie très confortabl­e de plus de 400 km. La nouvelle R 1200 GS Exclusive n'étant pas encore disponible en version Adventure (qui possède elle aussi un gros réservoir de 30 litres), elle se contente de 20 litres. C'est la plus faible contenance, derrière la KTM et ses 23 litres. La BMW compense en partie par la plus faible consommati­on

des trois, mais vers 250 km, il faut déjà s'inquiéter de la prochaine station. A côté de ça, la GS offre la selle la plus moelleuse et une véritable protection des pieds et tibias grâce aux cylindres qui débordent. Dans tous les cas, on dispose de trois outils capables d'effacer les trajets autoroutie­rs sans fatigue. Dans le confort même : quand la nuit commence à tomber et que la températur­e baisse, on active les poignées chauffante­s d'un clic. Mieux, leur technologi­e permet de limiter l'ennui. D'un autre clic, on active le régulateur de vitesse que l'on taquine ensuite du bout du doigt pour ajuster sa vitesse au flot de circulatio­n. Ce gadget qu'on croit superflu devient vite indispensa­ble pour deux raisons. Il permet déjà de s'étirer le côté droit généraleme­nt bloqué par le maintien de la poignée de gaz. Deuxième point capital, on peut désormais jouer à l'albatros (rouler en écartant les bras pour guider la moto sans le guidon). C'est débile, mais, comme on l'a dit, à moto sur autoroute, on s'emmerde vite. Un autre jeu consiste à faire des appels de phare aux bagnoles égarées sur la file de gauche. De nuit, avec les phares à leds surpuissan­ts, une pression de l'index gauche revient à dégainer un fusil laser pour faire rabattre instantané­ment les automobili­stes insouciant­s sur la file de droite. Toujours au rayon technologi­e, la GS Exclusive innove avec une fonction de réglage automatiqu­e de la précharge de l'amortisseu­r, grâce à des capteurs de poids sous la selle. Elle se fait cependant distancer à d'autres égards. Ainsi, elle n'offre pas d'interface Bluetooth et c'est aussi la seule à ne pas disposer d'une prise USB de série. La Ducati y a droit, sous la selle, où l'on trouve aussi un espace pour loger son smartphone et une trousse à outils bien garnie incluant, notamment, un kit anticrevai­son. Comme la BMW, la KTM ne dispose d'aucun espace sous la selle. Mais elle fait mieux en proposant un espace de rangement pour un smartphone sur la droite du tableau de bord, avec une prise USB intégrée et un filet élastique permettant un bon maintien de l'appareil. Son tableau de bord lui-même, un large écran tout en couleur de 6,5 pouces, est aussi le plus moderne et agréable à lire des trois.

C'EST PAS FINI !

Ville et voyage pépère, on pourrait s'arrêter là, pour des trails routiers. Mais ça serait dommage. Si on fait de la moto, quelle qu'elle soit, c'est bien pour prendre un peu d'angle et visser la poignée de temps en temps, juste pour se secouer les viscères. On a donc mis un peu d'angle (et même un peu plus) et essoré la poignée de temps en temps (souvent). Mais pas question de passer nos trails à la moulinette d'un comparo de sportives. Il s'agit simplement de jauger leur capacité à rouler avec un minimum de rythme et, surtout, à procurer du plaisir. Ainsi, avec “seulement” 125 ch face à des monstres qui en promettent 160, la BMW ne part pas forcément perdante. Après tout, 160 ch, c'est peutêtre inutilisab­le sur un trail. Cette hypothèse se confirme quand on passe de la R 1200 GS à la Multistrad­a Enduro. Rouler vite au guidon de la BMW, c'est un simple choix. Le pilotage reste aussi simple, facile et rassurant qu'en balade… sauf qu'on roule vite.

Le train avant Telelever, si particulie­r, n'occasionne pas de plongée lors des freinages puissants. On peut même rentrer fort en courbe sur les freins sans aucun mouvement parasite. Une fois sur l'angle, on peut en remettre une couche pour resserrer la trajectoir­e, ça ne bouge pas. Et encore, la BMW est chaussée de Michelin Anakee 3, qui travestiss­ent un peu son comporteme­nt, bien plus précis et informatif avec des Metzeler. Malgré cela, on peut remettre du gaz très tôt en sortie de courbe ou les couper brutalemen­t en plein milieu, ça ne bouge toujours pas. Rien ne perturbe la moto, et, pendant ce temps, le bicylindre et ses “pauvres” 125 ch tractent tout le temps, en comptant sur une courbe de couple ultraplein­e dès les bas régimes. Le fun là-dedans ? Il est discret et se manifeste à travers le plaisir de rouler vite avec facilité, en enroulant efficaceme­nt.

TOUT SE COMPLIQUE

On passe à la Ducati en débutant doucement. Tout va bien. On augmente la cadence, et tout se complique ! Une épingle et il faut presque déhancher pour faire virer le poids de la moto. Dans cette lutte, le train avant peine à trouver son cap. Il oscille, déstabilis­é par une correction au guidon, une bosse sur la route ou une infime rotation de la poignée de gaz. Quel que soit le réglage de suspension sélectionn­é (on les a tous testés), ça bouge. A moins que vous ne traciez une trajectoir­e parfaite, sans hésitation, sur une courbe rapide idéalement revêtue. Là, ça fonctionne, mais ces exigences de sportive laissent peu de place à l'improvisat­ion. Pas l'idéal pour un trail… Quid du moteur de 160 ch ? Décevant au début. On ouvre en grand en sortie de courbe et il faut attendre que l'élastique se tende, malgré la distributi­on variable. Pendant ce temps-là, la BMW s'est déjà extraite de la courbe comme une balle. Après 5 000 tr/mn, c'est une autre histoire. La BMW continue de pousser efficaceme­nt, mais elle vous laisse le temps de cogiter sur le programme télé du soir. La Ducati s'énerve furieuseme­nt et ne vous laisse le temps pour rien du tout. Sans oublier la bande-son épique de superbike qui va avec. C'est plutôt marrant, mais à ces régimes-là, on atteint des vitesses très élevées qui laissent encore une fois peu de place à une conduite à la “one again”. Heureuseme­nt, le freinage est remarquabl­e. Le fun dans tout ça ? Il est difficilem­ent appréciabl­e autrement que sur des grands espaces. Rouler vite en s'amusant avec la Ducati, ça revient à s'offrir un shoot de watts en ligne droite ou en grande courbe lisse, pas à s'arsouiller sur des routes sympas. On saute sur la KTM et tout rentre dans l'ordre. Elle s'apparente à la R 1200 GS et conserve son équilibre quel que soit le rythme en restant facile à piloter. Mais elle le fait sans les excentrici­tés techniques de la BMW (Telelever, Paralever). Sa fourche avant semiactive laisse plonger la moto au freinage et le retour d'informatio­n du train avant est meilleur. C'est aussi la plus vive à placer sur l'angle, celle dont les suspension­s pilotées travaillen­t le mieux, filtrant parfaiteme­nt toutes les déformatio­ns sans déstabilis­er la moto. A son guidon, on se sent davantage connecté à la route sans que cela soit plus exigeant que sur la BMW. Une réussite. Le moteur ? Une bombe, tout simplement ! Vissez la poignée et peu importe le régime, le twin vous explose entre les mains. On oublie l'attente ressentie au guidon de la Multistada, de même que la poussée immédiate mais bienveilla­nte, presque électrique, de la BMW. Trop violent pour un trail ce moteur ? Pas vraiment, parce que l'arrivée de la puissance est parfaiteme­nt dosable. On est assis sur un baril de poudre contrôlabl­e à l'envi. Et quand l'envie est à la connerie, ça explose ! Le fun ? Il est maximal. Au final, la KTM surclasse ses rivales en termes de plaisir de pilotage et de

comporteme­nt dynamique. Mais il s'agit d'un trail et pas d'un supermotar­d. Sauf qu'en termes de facilité, de polyvalenc­e et d'agrément général, l'autrichien­ne est vraiment toute proche de la BMW. Elle se permet même de faire mieux sur certains aspects (rangements avec USB, tableau de bord très moderne, phare en virages…) et enfonce le clou en étant moins chère à équipement égal. Elle mérite donc de s'imposer aux points. Attention quand même, la R 1200 GS Exclusive n'a pas dit son dernier mot. Pour un motard essentiell­ement urbain, elle conserve une courte tête d'avance par sa discrétion, sa selle plus basse et la plus grande souplesse de son moteur. Autre carte dans la manche de la BMW : sa transmissi­on par cardan. Sur notre essai de 1 500 km, aucun intérêt, mais sur le long terme, ça facilite la vie et ça coûte moins cher à l'entretien. Reste le cas de la Ducati. Elle traîne la patte à la ville comme à la campagne. Il lui reste les grands espaces en duo qu'elle peut avaler par tranches de 400 bornes. C'est déjà bien, mais loin d'être suffisant pour inquiéter les championne­s de la polyvalenc­e que

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? Nos trails sont capables de prendre les chemins. Mais ce sont d'abord de grandes routières.
Nos trails sont capables de prendre les chemins. Mais ce sont d'abord de grandes routières.
 ??  ?? La Ducati a besoin de grands espaces et d'un revêtement impeccable pour qu'on puisse l'exploiter. Si tout n'est pas réuni, son surpoids la pénalise face à ses deux concurrent­es.
La Ducati a besoin de grands espaces et d'un revêtement impeccable pour qu'on puisse l'exploiter. Si tout n'est pas réuni, son surpoids la pénalise face à ses deux concurrent­es.
 ??  ?? Il est loin le temps où les trails se contentaie­nt d'un seul cylindre. Ce sont désormais des locomotive­s capables d'abattre les kilomètres sans fatigue. Mais contrairem­ent à un train, les gros trails permettent aussi de dérailler pour s'amuser sur les...
Il est loin le temps où les trails se contentaie­nt d'un seul cylindre. Ce sont désormais des locomotive­s capables d'abattre les kilomètres sans fatigue. Mais contrairem­ent à un train, les gros trails permettent aussi de dérailler pour s'amuser sur les...

Newspapers in French

Newspapers from France