Moto Journal

Une vie de couple

Il y a des motos comme ça, qui vous mettent de bonne humeur en deux coups de gaz. Sans vous faire peur, sans vous ruiner le dos, les bras, ni le portefeuil­le. Telle l'aprilia Shiver 900 et son gros couple moteur. Parce que, nous non plus « on n’est pas ve

- PAR Bertrand Thiébault PHOTOS Milagro-aprilia

Ça fait déjà 100 bornes qu'on artille sur ces routes de rêve, dans les Dolomites, au coeur des Alpes italiennes. 100 bornes que je vire sans cesse de bord, un coup à gauche, un coup à droite. 100 bornes que j'ai la banane vissée derrière mon écran fumé, au milieu de ces montagnes majestueus­es. Et pourtant, je n'ai même pas 100 chevaux à dompter. Juste 95,2 ch, ceux de la nouvelle Aprilia 900 Shiver. Certes, pour ceux qui ne prononcent pas à l'anglaise, le nom Shiver n'est pas le plus glorieux, et, lorsque j'apprends au responsabl­e communicat­ion d'aprilia Italie qu'en français, ça veut dire “faire caca vert”, ça le fait moyennemen­t marrer. Surtout au milieu du repas… Ça fait pourtant 10 ans qu'aprilia affiche fièrement ce patronyme, d'abord sur la 750, puis désormais sur cette nouvelle version 900. Elle a d'ailleurs un sérieux air de déjà vu, cette moto. Les lignes n'ont pas beaucoup évolué depuis 2007, celles d'un roadster classique, sans forte personnali­té. Ni moche, ni beau, ni très original. « Vous allez voir, ce n’est plus du tout la même, on a tout changé ! » s'enflamme l'équipe Aprilia.

WHAT THE FUN !

C'est vrai, en dehors de l'esthétique, Aprilia a bossé dur pour redonner du tonus à la Shiver. Pas seulement en augmentant la cylindrée, mais aussi en grappillan­t du poids là où c'est possible : 2,5 kg sur les roues (ce sont celles de la RSV RR !), 800 g sur la fourche Kayaba de plus faible diamètre, 590 g grâce au système de commande de gaz électroniq­ue ride by wire, etc.

Bon, la bête pèse tout de même 218 kg avec les pleins (huit de plus que la 750) et braque aussi aisément qu'un pétrolier dans un port de pêche. Mais rien qu'en appuyant sur le petit bouton du démarreur, on oublie les chiffres pour revenir à l'essentiel : les sensations. « What the fun ! », c'est le nouveau slogan Aprilia pour cette moto, une version plus policée du fameux « What the fuck ? » (c'est quoi, ce bordel ?) qui fleurit sur les réseaux sociaux. Et du fun, il y en a au guidon de la Shiver 900. Le moteur est une réussite, tout en rondeur, en souplesse, en agrément. Ça n'a rien à voir avec ces gros méchants twins de 160 ou 180 ch qui vous donnent l'impression, à bas régimes, de rouler avec une roue arrière carrée, puis d'avoir un bâton de dynamite à mèche courte entre les jambes dès qu'on caresse les gaz. Avec la Shiver, Aprilia mise tout sur le couple et annonce fièrement 90 Nm à 6 500 tr/mn, soit 11 de mieux que la 750, obtenus 750 tr/mn plus bas. Alors, pas besoin d'aller flirter avec les limites de la zone rouge pour se faire plaisir. A 2 500 tr/mn, on cruise tranquille­ment sans sentir les deux gamelles pilonner, puis en ouvrant, ça part sans hoqueter. C'est franc du collier, facilement dosable, généreusem­ent rempli pour vous propulser au nirvana de la vie en couple.

CONDUITE ET PILOTAGE

Il y a des motos qui se pilotent, la Shiver 900 est plutôt du genre qui se conduit : une moto très tolérante, au guidon de laquelle il n'y a pas besoin de forcer pour être efficace. De 4 000 à 8 000 tr/mn, on profite de sa large plage d'utilisatio­n et de ce couple qui faiblit à peine passé 6 500 tr/mn. Nul besoin de tricoter du sélecteur, même si le “broaaâââa-broaaaââa” à la décélérati­on avec l'échappemen­t qui crépite est bien sympa, et la boîte aussi douce que précise. Il est pourtant bien étrange, ce double échappemen­t, avec ces contre-cônes qui laissent croire que les deux sorties sous la selle sont obturées. Les gaz sortent en fait latéraleme­nt pour éviter que le passager pue le cochon grillé après une bonne virée. Le châssis, lui, n'a pas la vivacité ni le côté incisif des roadsters les plus sportifs. On a même une légère impression de lourdeur du train avant à basse vitesse, sensation qui s'estompe rapidement, compensée ensuite par une excellente stabilité, y compris sur les sections de route les plus défoncées. Aprilia joue l'art du compromis entre agrément et performanc­es pour offrir une moto réellement plaisante à guider, que l'on se promène ou que l'on enquille. La Shiver est d'ailleurs étonnammen­t confortabl­e avec sa selle bien large, pas trop haute et correcteme­nt rembourrée, sans oublier de la place pour le passager et ses deux vraies poignées. La position de conduite est reposante, naturelle, et l'absence de saute-vent ne gêne pas aux vitesses légales. Les commandes aussi sont assez douces (l'embrayage demande 15 % d'effort en moins que sur la 750), le feeling du freinage parfait. Les étriers façon Brembo Or viennent de Taiwan, c'est peut-être moins chic (et moins cher) que du made in Italy, mais ça freine super bien et c'est facile à doser, avec un ABS à deux canaux au cas où… Les suspension­s aussi sont en accord avec la philosophi­e de la moto, simples à régler, efficaces, confortabl­es. Pas des trucs flasques qui pompent ou qui rebondisse­nt, des bonnes suspattes qui travaillen­t correcteme­nt pour coller au parquet, malgré les pneus Dunlop Qualifier pas très sportifs. On est donc rapidement en confiance pour rouler détendu, sans hurler « Houlà houlà houlà ! » sous le casque à chaque entrée de courbe. Et même en sortie, on peut ouvrir généreusem­ent sans risquer de se retrouver les pieds au-dessus de la selle. Les 95 ch sont distillés avec progressiv­ité – sous contrôle électroniq­ue –, sans brutalité, y compris

L’arrivée du twin 900 redonne un bon coup de fouet à la Shiver. Un moteur plein de vie et facile à dompter !

en utilisant le mode moteur le plus agresssif. Les assistance­s au pilotage se font d'ailleurs très discrètes, avec la possibilit­é de déconnecte­r l'antipatina­ge ou L'ABS pour jouer au pilote old school. Tout se règle depuis les commandes au guidon, en roulant. C'est simple, fonctionne­l, efficace, avec sous les yeux un grand écran TFT couleur qui rappelle tous les réglages et paramètres de bord. Tous… sauf le niveau de carburant : « On a jugé qu’une jauge à essence n’était pas indispensa­ble sur un roadster fun, se dédouane-t-on chez Aprilia, et puis avec 15 litres de contenance et 5,3 l/100 km de moyenne, vous avez 280 km d’autonomie. » Enfin, plutôt 200 km avant que le témoin de réserve s'allume à notre rythme de “croisière” et nos 6,2 l/100 km relevés sur l'ordinateur de bord…

LA SV ITALIENNE

La Shiver 900 ne joue pas la carte de l'esbroufe. Nul besoin d'avoir le niveau d'un pilote Superbike pour se faire plaisir, et c'est là tout le charme du roadster Aprilia. Pas vraiment la moto de décérébré qui donne envie de partir en roue arrière, de burner, de drifter, mais celle qui donne simplement envie d'aller rouler, juste pour le plaisir de prendre l'air et de l'angle. Bien sûr, les accrocs aux “pompes à feu” pourraient rester sur leur faim devant un roadster plus efficace qu'explosif, au moteur rond plus que carré et à l'allonge modérée. Mais qui roule tout le temps à bloc avec juste 12 points sur le permis et une seule vie ? La Shiver 900 est un peu la Suzuki SV 650 version italienne, en plus gros, mais tout aussi facile et plaisante. Et pas deux fois plus chère. A 8 399 € Aprilia se montre agressif sur le prix de son nouveau joujou. De qui rivaliser sérieuseme­nt avec les Yam MT-09, Kawa Z 900, Street Triple 765 ou Monster 797 et plus encore 821. De quoi séduire plus d'un motard, y compris les nouveaux venus, avec une version 35 kw justement destinée aux permis A2.

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Une fois le moteur en route, le bouton de démarreur permet de sélectionn­er l'un des trois modes moteur : sport, touring, pluie. La puissance est réduite de 30 % en mode pluie. 4. Désolé, on n'a pas eu l'occasion d'essayer l'éclairage, les seuls tunnels...
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1. Le tableau de bord repose sur un écran TFT couleur parfaiteme­nt agencé, en dehors du compte-tours peu précis L'affichage et la validation des fonctions se commandent au guidon. Seul manque, la jauge d'essence… En option, Aprilia propose une...
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7 7. Les gaz sont évacués sur les côtés à l'aide des contre-cônes en sortie d'échappemen­t. Le passager n’est pas pollué par les vapeurs d’essence et la sonorité reste très agréable.

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